Les Articles de l'Union de l'Ormée (1652)
Par Junecooper • 25 Février 2018 • 3 594 Mots (15 Pages) • 647 Vues
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Le début du texte commence en rappelant qui sont les membres qui écrivent cette déclaration, « Nous, bourgeois, manants habitants de la ville de Bordeaux [...] » (ligne 1). On comprend ici évidemment les bourgeois, marchands et artisans aux revenus moyens qui composent l'Ormée de l'époque, mais la mention de « manants » fait elle référence à tous les habitants qui résident dans les faubourgs immédiats, même si on sait que tous ne soutenaient pas le mouvement, on donne ainsi le poids du soutien populaire au texte. C'est également un moyen de rappeler que l'identité civique, d'appartenance à la ville de Bordeaux, est supérieure à toute autre identité, qu'elle soit sociale, économique ou de lignage. Parlementaires (certains étaient ormistes), nobles, grands ou petits bourgeois, marchands saisonniers, artisans modestes ou simples habitants, on considère tout le monde au même niveau et personne n'est mis en valeur.
On remercie ensuite l'assistance reçue de Dieu durant « les troubles qui ne sont pas encore finis » (ligne 2), qui fait évidemment référence à la période de Fronde que Bordeaux subit particulièrement violemment. La Fronde à Bordeaux commence dès les premiers mois de 1648, et fait de nombreux morts. À l'époque où est rédigé ce texte, Condé a été libéré il y a quelques mois et les affrontements militaires entre condéens et royalistes autour de Bordeaux sont courants, la ville est même menacée de famine.
Le pacte avec Dieu est affirmé, on place parmi le premier des devoirs de la compagnie celui « d'aimer [son] prochain de bien en mieux, et particulièrement ceux qui seront dans la même résolution » (ligne 4), ce qui est caractéristique du catholicisme populaire du XVIIe siècle : le commandement du Christ « tu aimeras ton prochain comme toi-même » est ici compris et appliqué au sens littéral, on s'attend à recevoir directement des faveurs divines en le respectant. Le fait que ce sujet soit abordé en tout premier lieu dans le texte nous rappelle l'importance de la religion dans la société de l'époque.
Le premier article s'attache ensuite à promettre « obéissance au roi, service [au] gouverneur et fidélité au bien et avantage de notre patrie, pour les privilèges et franchises [...] » (ligne 8). Il est intéressant de noter que malgré la référence à la Fronde quelques lignes plus haut, on promet obéissance et service au roi comme au gouverneur (qui est Condé à ce moment-là), en omettant bien sûr de préciser qu'ils sont tous les deux engagés l'un contre l'autre dans une guerre civile. On oublie également de préciser que le roi, par l'intermédiaire de son conseil, a plusieurs fois condamné des décisions de l'Ormée. Il est important pour les ormistes de pouvoir convaincre un maximum de personnes, et donc ne pas afficher leur opposition au pouvoir royal (qui est d'ailleurs plus dirigée contre Mazarin que contre le roi). D'autre part, les privilèges évoqués dans ce passage sont ceux octroyés à la ville de Bordeaux dans de nombreux domaines, notamment commerciaux (Bordeaux est la ville portuaire de la Garonne, qui s'étend dans les terres viticoles les plus prospères d'Europe) et les différents bourgeois, marchands ou artisans qui composent l'Ormée ont absolument tout intérêt à tout faire pour les conserver. On a d'ailleurs pu observer que les bordelais sont parmi les premiers à envoyer des émissaires confirmer leurs privilèges auprès du roi dès qu'il monte sur le trône.
On voit toute l'importance de l'esprit de confrérie dans ces articles en constatant que la majorité d'entre eux en sont animés. L'Ormée propose en effet une entraide pour tous les membres qui seraient en indélicatesse pécuniaire, peu importe la cause, que ce soit suite à un procès (ligne 19) ou par la perte d'un emploi (ligne 25). Des prêts sans intérêt sont possibles (ligne 19) et une discrétion par rapport à cette situation (ligne 26) afin de préserver son honneur et sa réputation, très importante à l'époque dans la cité (procédure judiciaire le plus souvent accusatoire, basée sur la « fama », la réputation).
En cas de maladie, les membres sont encouragés à tout mettre en œuvre pour soigner la victime (ligne 21) mais également à l'aider à mettre en ordre sa succession d'un point de vue administratif (testament et légation des biens, ligne 22). Si jamais il arrivait à un membre de décéder, l'Ormée prévoit également la prise en charge de la veuve et des orphelins, qui seront « protégés et défendus comme s'il était vivant » (ligne 24). Les ormistes souhaitent se présenter comme une communauté unie et soudée, qui ne considère aucune personne selon son statut social (bourgeois ou noble) ou économique (riche ou pauvre). Il y a donc une volonté de mettre tous les membres de la communauté sur un pied d'égalité, ce qui est novateur par rapport au contexte de l'époque.
On pourra nuancer ce propos en rappelant qu'il est uniquement question dans ce texte d'égalité, de droits et de devoirs entre hommes majeurs, la question des femmes n'étant même pas abordée on se doute qu'elles avaient ici, pas plus que dans la société urbaine du XVIe siècle, voix au chapitre.
L'avant dernier article prône quant à lui l'acceptation des éventuels étrangers qui seraient amenés à venir résider à Bordeaux, si ils souhaitent rejoindre la compagnie, là encore de manière égalitaire par rapport à n'importe quel autre membre déjà intégré (ligne 29). Si il est nécessaire de rappeler qu'ici, le terme « étranger » désigne sans doute n'importe quel français en dehors de Bordeaux, on peut évoquer les espagnols, hollandais ou portugais de passage régulier dans la ville du fait de sa situation commerciale. Dans un climat particulièrement xénophobe, nationaliste et même communautaire en pleine guerre contre d'autres puissances européennes, on peut saluer l'appel à la paix sociale ici encore sans distinction d'origine.
Pour finir, le dernier article précise que tout individu qui « vient à mener une vie scandaleuse et incorrigible, ou réfractaire à l'observation des articles accordés », sera « banni comme indigne de telle société et réputé traître à son honneur et au bien public » (ligne 31). Se définissant dans un esprit de confrérie, il est donc absolument nécessaire que les ormistes puissent faire rentrer mais aussi faire sortir tout individu qui pourrait déroger à leurs propres règles, mais également à la morale chrétienne,
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