L'euroscepticisme et le populisme
Par Ninoka • 26 Septembre 2018 • 1 897 Mots (8 Pages) • 567 Vues
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- Le populisme et l’euroscepticisme, des notions accaparées pour un usage politico-médiatique.
- Le populisme, entre stigmatisation et illusion.
Le populisme est devenu un terme langagier ordinaire et fréquemment utilisé dans les médias par des personnalités politiques pour discréditer un adversaire. Ce terme, par la façon dont il est employé depuis un certain nombre d’années, prend une connotation stigmatisante et polémique. Cette connotation péjorative prend son sens dans le fait que ceux qui usent aujourd’hui d’un style populiste associent le peuple à une vision très particulière : un peuple instinctuel et pulsionnel dont on instrumentalise le comportement contestataire. Voilà qui est stigmatisant pour le peuple et qui réduit la notion de populisme à une simple pratique démagogique. Le méfait de cette stigmatisation réside dans le fait que l’on perçoit d’un mauvais œil le discours politique qui s’adresse directement au peuple ; comme si s’adresser directement au peuple et chercher à comprendre ses revendications ne serait que de l’opportunisme politique et électorale. Cette stigmatisation s’étend en plus à tous les bords politiques, indistinctement de la droite et de la gauche. Elle tend à effacer le clivage gauche/droite dans le schéma discursif du politique. Finalement, quel personnage politique pourrait-on caractériser de populiste ? La notion devient d’autant plus floue à mesure que ceux qu’on accuse de populiste ne représente pas le peuple, entendu comme les classes populaires. Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen, Emmanuel Macron, tous trois se revendiquent comme étant antisystème, dénigrant par la même les élites qui la composent alors qu’eux-mêmes ont parcourus les hautes strates de la société politique et ont vécu de véritables carrières politiques au sein de ce qu’ils appellent le système. L’illusion populiste se renforce dans ce que les médias et les acteurs politiques vont eux-mêmes caractérisés de « populiste ». C’est devenu un mot fourre-tout qui perd de sa légitimité scientifique et qui sert uniquement à attaquer un adversaire sur ses positions politiques.
- L’euroscepticisme, entre le discours et la réalité.
L’euroscepticisme, selon les discours, recouvre au même titre que le populisme diverses réalités. Tous les partis politiques ne sont pas formellement opposés à l’UE et pour ceux qui le sont, ils le sont à différents degrés. On se rend bien compte de la complexité qu’incarne la notion d’euroscepticisme. Certains auteurs, comme Taggart et Szczrbiak, ont tenté de définir une typologie de l’euroscepticisme. On parle alors de Hard et soft euroscepticisme. Cette tentation typologiste présente des failles scientifiques dans la sens où son analyse repose sur de l’optimisme et du pessimisme, notions jugées trop abstraites et anaxiologiques pour rester fidèle à une méthode scientifique.
De plus, la contradiction entre le discours eurosceptique des acteurs politiques et la réalité ne permettent pas de considérer cette notion comme un élément d’analyse viable. C’est l’action politique qui, par manque de fidélité au discours, vient contredire ce dernier. Il est alors plus légitime de responsabiliser le discours des acteurs politiques que la fiabilité de la notion. Pour donner un exemple, certains partis politiques comme le Front National, critiquent virulemment l’UE mais profite de celui-ci pour gagner en visibilité, pour bénéficier de ressources financières et pour peser dans la compétition électorale nationale. On n’oubliera pas de spécifier que Marine Le Pen veut réclamer un référendum sur l’UE afin de précipiter la sortie de la France. Cette volonté marque une position forte vis-à-vis de l’UE. Pourtant, à côté de cela, Marine Le Pen a profité de l’UE pour gagner des sièges au Parlement. Elle a profité des ressources financières octroyées par l’UE pour ces postes parlementaires, qui par la même occasion, lui ont valu un scandale de corruption qui anime encore l’actualité. Nous constatons encore une fois l’écart visible qu’il y a entre le discours eurosceptique et l’action politique. C’est cet écart qui discrédite la notion et qui la rend particulièrement confuse.
Conclusion :
Le lien entre les notions de populisme et d’euroscepticisme est très étroit si on met en exergue les raisons pour lesquelles elles sont employés par les acteurs politiques eux-mêmes. La critique du système et des élites se retrouvent dans leurs discours respectifs. Ces deux notions peuvent donc converger mais nous avons vu que leurs contenus pouvaient cependant être très variés. Ces termes regroupent des idées et des idéologies différentes. Ils participent même à effacer le clivage gauche/droite et à réunir les partis d’extrême droite et les partis d’extrême gauche sous la même bannière. La crise de la représentativité et les critiques acerbes qui s’en suivent s’étendent du national au supranational supprimant la frontière entre les deux. Cela participe du coup à unifier ce que les acteurs politiques appellent le « système ». Le « système » rassemblerait alors les élites des gouvernements nationaux et les élites technocratiques des institutions européennes. Le discours populiste peut s’agrémenter d’euroscepticisme et réciproquement. Pour donner du sens et de la cohérence à ces notions, nous constatons alors qu’il est préférable de dissocier l’usage scientifique, servant à l’analyse comparative, de l’usage politico-médiatique, servant strictement à des finalités politiques et électorales. Il faut pour cela leur retirer leur pouvoir de stigmatisation et d’illusion pour leur redonner une neutralité axiologique.
En vue de cet objectif, la question que l’on peut alors se poser est la suivante : Etant donné que la compétition politique n’existe qu’au travers des médias, ces derniers sont-ils capables de redonner une neutralité axiologique aux notions de populisme et d’euroscepticisme ?
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