L'Edit de Nantes, origines et suites
Par Andrea • 15 Novembre 2017 • 2 288 Mots (10 Pages) • 659 Vues
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Si seul l'édit de Nantes est enfin respecté – malgré la reprise des conflits religieux sous Louis XIII, et jusqu'à la révocation de l'édit par Louis XIV –, c'est d'abord parce que trente-six années de guerre civile ont convaincu un nombre de plus en plus important de Français que seule la tolérance religieuse peut sauver le royaume. La tolérance est un concept nouveau : avant 1560, le terme était assimilée à la souffrance, synonyme d’« endurer » ou de « supporter », et ce n'est que peu à peu, au cours des guerres de Religion, que le mot prend son sens positif actuel.
Une cohabitation difficile entre catholiques et protestants
Sous Louis XIII
Le versant militaire de l’édit de Nantes, à savoir la possibilité pour les protestants de conserver des places fortes militaires, est révoqué sous le règne de Louis XIII. Alors que les protestants du Béarn refusent de restaurer la religion catholique, Louis XIII prend les armes contre eux et mène une rapide campagne en 1620. L'année suivante est marquée par la prise de Privas et le massacre de la population de Nègrepelisse. En 1627-1628, le blocus de La Rochelle marque l'ultime opposition armée entre l'État et les protestants, réglée par la promulgation de l’édit de grâce d’Alès du 28 juin 1629, qui ôte aux protestants les places de sûreté accordées par l'édit de Nantes et interdit les assemblées politiques, mais maintient la liberté de culte dans tout le royaume, sauf à Paris.
À partir de l'entrée de la France dans la guerre de Trente Ans et jusqu'à la paix des Pyrénées, soit de 1635 à 1659, l'alliance avec les princes protestants est au cœur de la politique étrangère de la France, dont l'adversaire principal est la maison catholique de Habsbourg. Cette politique extérieure n’est pas sans conséquences sur la politique intérieure, la lutte contre les protestants n’étant plus désormais à l'ordre du jour.
Sous Louis XIV
Avec l'avènement de Louis XIV, en 1661, la politique royale change d'orientation. Louis XIV n'est pas, comme son père, sujet à des scrupules d'ordre religieux ; il ne craint pas de rechercher la conversion forcée en masse des huguenots – alors que Louis XIII, roi pieux, n'a pu l'envisager, sachant que les nouveaux convertis ne deviendraient sans doute pas de sincères catholiques.
À partir de la paix de Nimègue (1679), Louis XIV cherche à être le maître absolu chez lui, comme il l'est en Europe. Sur le plan religieux, les jansénistes et les protestants sont les premières cibles de diverses mesures répressives.
Pour mener sa politique antiprotestante et mater toute rébellion éventuelle, Louis XIV dispose ses forces militaires inutilisées à l'extérieur – de 1679 à 1688. Puis, avec la mort de Colbert, partisan de la tolérance ne serait-ce que pour des raisons économiques, en 1683, et la prise d’importance du chancelier Le Tellier, fermement hostile aux protestants, au Conseil d'en haut, les conditions nécessaires à une attaque contre les différentes clauses de l'édit de Nantes se trouvent réunies : le texte promulgué par Henri IV est finalement révoqué par l’édit de Fontainebleau en octobre 1685. Le protestantisme devient dès lors interdit sur le territoire français (excepté en Alsace où l’édit de Nantes ne fut jamais appliqué, cette région n’étant intégrée au royaume qu’en 1648), ce qui entraîne l’exil d'au moins 200 000 protestants sur les 800 000 que compte le royaume à la fin du XVIIe siècle.
Aux yeux des catholiques et des protestants, l’édit de Nantes permet un état transitoire. En pratique, l’édit de Nantes marque un tournant dans l’histoire des mentalités : sa signature marque la distinction entre le sujet politique, qui doit obéir, quelle que soit sa confession, à la loi du roi, et le croyant, libre de ses choix religieux dorénavant cantonnés à la sphère privée.
Pierre Joxe a mis en valeur un des paradoxes de l’édit de Nantes. Il montre que ce texte, communément présenté comme fondant la tolérance, n’a pas autant bénéficié aux protestants qu’on le croit. La recherche actuelle insiste sur le fait que l’édit a tout au contraire entériné la dominance catholique, limitant le culte protestant en certains lieux, créant ainsi les conditions d’une recatholicisation de la France. De plus, l’édit fonde, autour d’une religion d’État dont le souverain est le pivot, l’absolutisme. Son aboutissement est une véritable religion royale, qui culminera avec Louis XIV.
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