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Camus - L'étranger

Par   •  28 Octobre 2018  •  1 745 Mots (7 Pages)  •  770 Vues

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Vers la fin du roman, le regard naïf de l'étranger nous montre la vacuité de la justice, de la peine de mort et même de la religion. Il voit chez le juge, par exemple, un homme qui le matin change de linge et dans la guillotine, une mécanique à couper des gens posée à même le sol, sans grandeur et sans symbole. C'est le deuxième étage, le deuxième niveau de réflexion. La société est absurde et vide de sens. Ses règles et ses institutions sont ridicules quand on les voit pour ce qu'elles sont.

Alors on pourrait s'arrêter là et refermer le livre en pleine révolte adolescente contre une société imbécile mais ce serait manquer encore deux niveau du monument. Enfaîte, la force de ce livre est de continuer son œuvre une fois refermé. Car après, on se libère de l'emprise du style et on commence à prendre du recul vis-à-vis de la fiction. On retourne le message dans sa tête et on se pose des questions,c'est le troisième étage.

D'abord, on jette sur l'étranger un regard plus critique. On se dit que cet homme auquel on s'est tant attaché, à tué un autre homme. Et pas dans un réflexe, il lui a tiré quatre balles dans le corps alors qu'il était déjà à terre. Et puis ce qu'il pense de sa mère rétrospectivement à de quoi nous choquer. De plus, il a piégé cette prostitué pour qu'elle se fasse battre par cet imbécile de Raymond.

Meursault ne mérite pas sa condamnation bien sûr, personne ne la mérite. On ne comprends plus l'enthousiasme de notre première lecture. Camus a joué le jeu d'un procès à décharge : d'abord il nous culpabilise car l'étranger a des pensées que nous avons parfois eu nous mêmes, il nous pousse ainsi à minimiser, voire excuser, les actes de l'étranger. Aussi Camus s'attache à désincarner les victimes, les rendre anonymes. On ne sait presque rien de la mère défunte, de la prostitué ou de l'homme tué sur la plage. Alors que l'étranger, lui, a toutes les qualité qui nous pousse à nous attendrir et à compatir à son infortune. Il est modeste, courageux, lucide et ne triche pas. Camus nous tends un piège grâce à son style et à sa manière de présenter sa fiction en orientant notre empathie vers l'étranger en la détournant de tous les autres personnages.

Camus :

- désincarne les victimes

- culpabilise le lecteur

- oriente notre sympathie vers l'étranger

Et ce n'est qu'une fois le livre refermé que cette empathie se dissipe dans notre esprit et qu'on peut enfin voir le problème philosophique. Ce problème est posé par le procureur lors du procès :

« Le vide du cœur que l'on découvre chez cet homme devient un gouffre où la société peut tomber »

A la première lecture, on rejette cette phrase tant le personnage du procureur est antipathique mais en est-elle moins vraie ? Le vide du cœur c'est le manque d'empathie. Car une société humaine idéale devrait reposer sur l'empathie et l'altruisme. Mais Camus nous montre avec sa galerie de personnage que les hommes ne sont pas ainsi. Ils manquent d'empathie, pas toujours mais souvent. On ne peut pas aimer tout le monde, le cœur des hommes n'est pas assez grand. C'est pour cela que la société a inventé des règles qu'elles soit morales, juridiques, religieuses ou simplement des bonnes manière. Ces usages corrigent en réalité notre manque d'empathie. Sont-elles ridicules ou inhumaines comme nous les voyons à travers les yeux de l'étranger ? Peut-on se satisfaire d'un monde de conventions sociales en remplacement d'un monde d'amour et d'empathie ? C'est ça la question philosophique que nous pose Camus et comme toutes les questions philosophiques, elle n'appelle pas à une réponse mais à une réflexion. Si l'on retire l'empathie et les règles qui sont censées la remplacer, il ne reste que le vide où la société peut tomber.

A ce stade de notre réflexion, il ne reste que le message complexe que Camus veut nous faire passer. C'est une réflexion profonde sur la signification et le fonctionnement de notre société. Nos règles, nos idéologies ne sont que des pis-aller. C'est ce que l'on comprend à travers le regard de l'étranger et c'est la méthode qu'à utilisé Camus pour nous y amener qui constitue le dernier étage car c'est là le propre de la littérature. Un traité de philosophie nous aurait présenté le problème avec des termes compliqués, là où le roman nous plonge corps et âmes dans le problème lui-même et nous le fait vivre de l'intérieur pour que jamais on ne l'oubli.

Le roman utilise pleinement l'arme de l'empathie à partir de son personnage fictif, un cas d'école et par le biais d'un style qui nous emporte à l'intérieur de la tête de son personnage principal que Camus nous amène à réfléchir à son message. Il ne nous l'impose pas, il nous invite à l'adopter.

Camus utilise notre capacité à nous fondre dans le regard d'un autre pour voir à quoi ressemble notre société quand on la voit sans empathie. Il devient un monde absurde, vide de sens. Et l'aventure nous imprime son message philosophique. Par manque d'amour et d'altruisme, les règles de la société ne sont que des pis-aller. C'est une réflexion sur l'outil littéraire lui-même et sur l'expérience qu'un roman peut apporter et qu'un essai philosophique

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