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Isabelle Peretz et l’étude de l’amusie : la découverte du cerveau musical

Par   •  21 Novembre 2018  •  2 692 Mots (11 Pages)  •  718 Vues

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L’approche de Peretz dans ses recherches sur l'amusie est pludirisciplinaire: elle s'inspire de la psychologie cognitive pour les concepts, la modélisation et les schémas expérimentaux sous-jacents à l’analyse comportementales; des neurosciences pour la précision de l'étude des processus cérébraux; et de la génétique comportementale, qui élucide certaines relations entre les gênes et l’environnement.

Peretz a fondé un outil qui sert maintenant au diagnostic de l'amusie partout à travers le monde: le Montreal Battery of Evaluation of Amusia. Celui-ci est constitué de 6 tests, représentant 180 stimuli au total, qui évaluent les différentes composantes relatives au traitement mélodique de la musique tonale occidentale, soit le contour mélodique, la tonalité, les intervalles, le rythme, la métrique et la mémoire.

Les individus testés sont considérés comme amusiques si leur score composite, soit la moyenne de leur résultat aux six tests du MBEA, est inférieur à deux écarts-types sous la moyenne des sujets non-amusiques. Suivant ce critère, la proportion d’amusiques dans la population serait évaluée à 2,5%[10].

L’amusie est dite congénitale si elle est présente depuis la naissance ou acquise si elle se manifeste suite à des blessures au cerveau, comme un accident vasculo-cérébral ou un traumatisme crânien. Elle fait soit référence à une surdité des hauteurs ou à une surdité rythmique. Dans le cas d’une surdité des hauteurs, l’individu a généralement de la difficulté à reconnaitre et à mémoriser des mélodies et présente une sensibilité réduite aux dissonances[11]. Dans le cas d’une surdité rythmique, il a plutôt de la difficulté à repérer et à se synchroniser avec les structures rythmiques. Les différentes formes d’amusie ne sont pas incompatibles mais ne sont pas pour autant reliées entre elles. Dans The Biological foundations of music: Insights from congenital amusia, Peretz s’intéresse spécifiquement à l’amusie congénitale relative à la surdité des hauteurs, la forme d’amusie ayant la plus été étudiée jusqu’à maintenant[12].

En ce sens, le test le plus représentatif de l’amusie est celui de l’échelle musicale, permettant d’évaluer les capacités du sujet à décoder les relations entre une mélodie, ses fonctions tonales et ses structures harmoniques. Plus précisément, le test présente des couples de mélodies : une mélodie initiale et sa répétition exacte ou altérée par une ou plusieurs notes qui ne s’inscrivent pas dans le contexte tonal de la mélodie initiale. Après avoir entendu la mélodie initiale et sa répétition l’une à la suite de l’autre, le sujet testé doit identifier si les deux mélodies sont identiques ou différentes. Après avoir mené ce test sur un échantillon de plus de 1000 étudiant-e-s universitaires âgés en moyenne de 24 ans, Peretz évalue la proportion d’amusiques parmi eux à 3,2%, si l’on considère comme amusiques ceux et celles qui obtiennent un résultat inférieur à 22 bonnes réponses sur 30[13].

The Biological foundations of music: Insights from congenital amusia fait suite aux études de Peretz menées sur des sujets atteints d’amusie congénitale. Elle fait part de ses investigations sur les spécificités du traitement musical, ses fondements biologiques et sur les éventuelles possibilités d’interventions cliniques relatives à l’amusie.

Résumé du contenu de l’article

A) Spécificité de la musique par rapport au langage

Le point de départ est la spécificité musicale de l’amusie, particulièrement par rapport au langage. En effet, les amusiques ont de la difficulté à reconnaître des notes qui ne s’inscrivent pas « normalement » dans le discours musical, à chanter les « bonnes notes » et à reconnaître une chanson murmurée. Pourtant, ils n’ont pas de problème à reconnaître les paroles d’une chanson ou à reconnaître les intonations d’exclamation et d’interrogation dans le langage parlé. Notons qu’ils peuvent toutefois avoir un léger déficit à traiter de subtiles variations de hauteurs dans les langues à tons, comme le mandarin ou le thaï[14].

Peretz stipule que l’étude de sujets amusiques pourrait permettre d’élucider des caractéristiques spécifiques au traitement musical chez l’être humain et résoudre certaines questions d’ordre philosophiques, à savoir ce qui peut être considéré comme musical et ce qui ne l’est pas.

B) Les mécanismes d’encodage du langage tonal

Si la musique doit se distinguer du langage, une des spécificités fondamentales est d’avoir un contour et une échelle bien définis. Mais le langage musical est complexe : bien qu’il soit composé d’un ensemble fini de hauteurs, une infinité de combinaisons de ces hauteurs est susceptible de faire du sens pour n’importe quel auditeur.

Ce phénomène a été théorisé en linguistique par Noam Chomsky en 1957. Étonné qu’il soit possible d’élaborer un nombre infini de phrases avec un ensemble fini de mots, Chomsky a suggéré la prédisposition du cerveau à des règles et des principes syntaxiques innés qu’il a désignés de grammaire générative[15]. Ce serait grâce à cette grammaire générative, par exemple, qu’un enfant de cinq ans serait en mesure de comprendre une phrase qu’il n’a jamais entendue auparavant et ce, en dépit d’un enseignement formel des règles de grammaire.

Selon Peretz, ce mécanisme d’apprentissage inné guiderait l’assimilation statistique et non-consciente des régularités présentes dans l’environnement, notamment celles concernant les hauteurs discrètes et fixes du système tonal occidental. Des schémas mentaux sont ainsi constitués et permettent à l’auditeur de discriminer et de hiérarchiser les différentes hauteurs qu’il perçoit dans un contexte musical[16]. Mais si les mécanismes d’apprentissage sont généraux et que les individus amusiques n’ont pas de problème de langage, le problème doit relever d’ailleurs. Peretz envisage que ce soit l’entrée de données spécifique à un domaine dans ces mécanismes d’apprentissage qui soit défectueuse (Figure 1).

Figure 1. Défectuosité à l’entrée des données dans les mécanismes de traitement statistiques

[pic 1]

C) Anomalies neurologiques

Peretz enquête ensuite sur l’amusie par le biais de la neurobiologie. Elle note que les cerveaux d’amusiques

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