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Peut-on tout dire?

Par   •  26 Novembre 2018  •  2 479 Mots (10 Pages)  •  593 Vues

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a) Principes de limitation d’ordre moral ou religieux.

- Chez les catholiques, les femmes par exemple ne disent pas la messe, longtemps, à la télévision, les femmes n’intervenaient pas au sujet du football, idem en politique, …etc.

- Le tact (éviter l’embarras, la gêne, la honte, sincérité et diplomatie, franchise et anticipation de la réaction, …etc.) intervient souvent dans les relations humaines.

- Les niveaux de langue (grossier, familier, soutenu selon l’interlocuteur, son niveau hiérarchique, …etc.).

- Les tabous (sexualité, fantasme, obscénité, revenu, toxicomanie, échecs scolaires / professionnel / affectif, suicide, mort, …etc.) constituent des freins puissants qui limitent les possibilités de discours.

- Le politiquement correct (la pression sociale, les clichés, la pensée unique ou le bien-pensant, qui dictent comment et ce qu’il faut penser,…etc.

b) Principes de limitation juridique.

- Les limites à la liberté d’expression, articles X (Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi) et XI (La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté, dans les cas déterminés par la Loi.) de la déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Dès que les propos apparaissent outrageants, diffamatoires, blasphématoires, sans fondement avéré, ou s’ils incitent à la discrimination (raciale, sociale, sexuelle, générationnelle), on peut considérer que l’ordre public est menacé.

- La censure (plus ou moins active selon les époques, elle consiste à limiter la publication ou la circulation des paroles qui pourraient porter préjudice à une personne ou une institution).

c) Principes de limitation liés à la légitimité.

- La parole autorisée est une parole reconnue par tout un dispositif d’encadrement et de sélection des discours autorisés, un contrôle de la distribution et de la circulation des flux de paroles : le prof. (concours), le prêtre (l’ordination), le scientifique ou le médecin (la formation), l’élu politique (l’investiture au scrutin majoritaire), les journalistes et la critique (l’audience), l’auteur (succès), …etc.

- La vertu des secrets intimes, professionnels (bancaire, médical, instruction, de la confession, …etc.), la raison d’Etat.

- La parole du fou, du détenu, de l’enfant, des minorités, (du peuple ?). Ceux à qui on ne donne pas ou mal la parole tout justement.

- Le vrai et le faux (par la démonstration, la logique, la preuve ou l’expérimentation), la prohibition du mensonge dans la plupart des morales.

Transition II.

Ainsi, afin de limiter le caractère potentiellement subversif des paroles et de protéger ainsi l’ordre public (mais sans doute aussi le pouvoir lié au droit de parler), tout un dispositif moral et juridique exerce des contraintes extrêmement puissantes sur notre possibilité de nous exprimer et nous incite à ne pas dire tout ce qui nous traverse l’esprit. C’est pourquoi on peut se demander comment on peut repousser les limites du dicible, à la fois sur le plan technique et le plan moral ou juridique.

Partie III. Essayer d’en dire davantage, un enjeu de l’art, de la science et de la philosophie.

Les productions ou les spectacles artistiques sont souvent transgressifs, à la fois en termes de forme et de contenu. Sur le plan de la forme, la création inaugure de nouvelles manières de s’exprimer, de dépasser les règles connues et d’en instituer de nouvelles, de nommer de manière inouïe jusqu’ici. Sur le plan du contenu, la licence artistique permet aux artistes d’esquiver le temps et la logique, la limite entre le vrai et le faux, de transgresser les tabous ou les freins habituellement présents dans le tissu social. Les humoristes et caricaturistes ne s’en privent pas d’ailleurs et obtiennent le plus souvent gain de cause devant un tribunal lorsqu’ils sont poursuivis en justice puisqu’après tout, c’est pour rire, c’est de la fiction ou, c’est juste pour dire.

Sur le plan politique et social que nous avons évoqué, nous disions que la parole est l’enjeu d’un pouvoir. On peut même aller jusqu'à dire que c’est un des enjeux principaux du pouvoir de sorte que l’histoire peut être revue comme le théâtre d’une lutte pour le droit à la parole ; les libertés de la presse, le droit à l’expression, la reconnaissance de la femme comme citoyenne à part entière, les revendications ouvrière, bref toutes ces conquêtes ont eu pour préalable la diffusion d’une parole initiatrice, coordinatrice et mobilisatrice. On peut penser ainsi que l’émergence de la parole dans le tissu social est le préalable à toute action politique. Au demeurant, dans les démocraties, paroles et actions vont toujours de pair.

En ce sens, il n’y a pas de conquête sur l’interdit de parole sans transgression des droits politiques, sociaux, religieux et coutumiers. Une nouvelle parole qui émerge est souvent le résultat d’une conquête ; ce fût le cas pour la parole philosophique, à son origine lorsque peu-a-peu elle gagna de la crédibilité sur le mythe, la philosophie des Lumières qui s’opposa à l’obscurantisme, de la psychanalyse sur la médecine classique. Ainsi, la parole neuve apparaît toujours comme une conquête à l’intérieur d’un champ social ou politique où tout justement, on ne peut pas tout dire mais où il faut souvent se forcer à dire.

À l’inverse, si on ne peut pas tout dire, peut-être faut-il alors mettre en œuvre la possibilité d’une transparence de tous les discours. Au reste, les sociétés occidentales semblent suivre cette voie jusqu'à l’excès et ce n’est pas tant le droit à la parole qui fait défaut, mais la qualité des discours entendus. Le bruit du monde confine à l’absurde, le croisement des discours est tel (publicité, presse, art, politique, médecine, opinions en tous genres, scolarité, télévision, ...etc.) que les propos, se mêlant les uns aux autres semblent s’annuler. (D’autant qu’il y a de plus en plus de journalistes-commentateurs et de moins en moins de

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