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Peut-on se mettre à la place d'autrui ?

Par   •  13 Février 2018  •  2 467 Mots (10 Pages)  •  551 Vues

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Ce qui montre aussi que l’on peut très difficilement se mettre à la place de l’autre ; c’est que chaque être humain a tendance à être naturellement égoïste et pense à lui avant de penser aux autres. S’il y a bien quelque chose d’impossible, c’est de s’oublier complètement au profit des autres comme l’a montré Schopenhauer. Les situations où l’instinct de survie resurgit montrent bien cet égoïsme inhérent à la nature humaine. Schopenhauer déclare : « La plupart des hommes sont tellement personnels qu’au fond rien n’a d’intérêt à leurs yeux qu’eux-mêmes et exclusivement eux ». Je voudrais me mettre à sa place, voir (et surtout me voir) depuis ses yeux. J’ai beau projeter en lui des sentiments, imaginer comment il pense, je reste borné à mon ego. L’Autre est une négation de moi, insupportable. Il personnifie mes limites : il n’est pas ce que je suis, il est ce que je ne suis pas ! Par sa seule existence, il instaure une intolérable séparation avec moi.

Ce que je vois de lui me permettra d'en inférer ce qu'il ressent, pense et ce, par analogie avec moi-même ; et surtout, cela me permet d’inférer que cet autre que j’appréhende immédiatement par son corps, a, comme moi, une vie intérieure, une conscience. Mais cela, je ne le sais que médiatement, par un raisonnement. Ainsi, quand je vois autrui, " quelqu'un " qui marche dans la rue, je juge, que sous ce corps, il y a une autre conscience, une vie intérieure, comme la mienne; et je crois qu'il n'est pas un robot. Mais si on veut sortir du contexte en pensant à la conception cartésienne de l'homme comme subjectivité fondante et comme conscience, et se demander si à partir de là on peut connaître autrui, alors on peut dire que je ne connais d'autrui que ce qu'il est extérieurement, son corps, ses attitudes. C’est ce que je dispose, quand autrui est face à moi, c'est de son extériorité; je ne connais d'autrui que ce qu'il est extérieurement. Or moi, ce qui m'intéresse, c'est de connaître ce qui se cache derrière, la vie intérieure qui se cache derrière ces manifestations. Ce qui suppose de se mettre à sa place, être interchangeable avec lui, être sa conscience même. C’est par analogie avec moi-même que je vais pouvoir connaître autrui. Plus précisément, c'est une connaissance fondée sur ce qui, de lui, peut m’apparaître comme son corps. Cette connaissance n’est basée que sur un raisonnement donc il m’est difficile d’être à sa place.

Mais l’essence de la subjectivité n’a pas la possibilité ici, ni la capacité de s’arracher d’elle-même pour s’habiller de la peau de l’autre. Si elle y parvient, c’est une possibilité quasi pathologique, car la condition pour se mettre à la place de l’autre, c’est de s’oublier soi. Toutefois, je ne peux me mettre à la place de l’autre, entendu comme un changement ontologique de forme, de peau. Bien que la conscience individuelle est toujours déjà jetée dans un monde parmi les autres, n’est-ce pas un devoir une nécessité que de jeter un pont entre soi et l’autre pour construire le vivre-ensemble ? L’autre en tant que participant de mon monde, du on de mon espèce humaine n’a-t-il pas un pouvoir sur moi et la place que je prends dans ce monde en tant que singularité subjective en interaction permanente avec d’autres subjectivités.

L’homme est un être d’acquisition, d’apprentissage. Il apprend donc des savoirs faire, des comportements mais aussi tout le reste comme le langage, la culture.. S’il doit apprendre, il a besoin d’un autre qui sait pour le faire. Je dois donc d’abord me mettre à la place de l’autre, faire comme cet autre pour devenir ce que je veux être. Paradoxalement c’est donc en imitant l’autre en me mettant à sa place que je me construis et que je trouve ma place, que j’étoffe la densité de mon essence. Si nous sommes entourés de ces autres qui nous éduquent nous apprennent nous fascinent nous dégoutent etc, donc si l’autre est omniprésent en face de moi c’est qu’il joue un rôle prépondérant pour moi. Je ne suis jamais isolé mais entouré des autres et de leurs jugements. De plus, on remarque aussi l'art est l'outil unique qui nous permet de nous mettre à la place de l'autre, dans sa subjectivité, de voir véritablement le monde comme l'autre le perçoit et l'expérimente. L’art nous permet d’exprimer des sentiments, des vécus, d’une autre manière. Il n’y a pas que le langage qui nous permet de communiquer, l’art est aussi un très bon outil. Il est certes cependant plus difficile parfois de se comprendre et d’être sur la même longueur d’onde.

De plus, Kant développe un concept philosophique qui est l’intersubjectivité. C’est l’idée que les hommes sont des sujets pensants capables de prendre en considération la pensée d’autrui dans leur jugement propre. Elle fonde aussi une théorie de la communication et qui est aussi une reconnaissance que soi et l’autre sont des personnes distinctes. C’est ainsi que peuvent se mêler la compassion ou tout autre sentiment cherchant à se mettre à la place de l’autre, et l’incapacité de se placer dans l’autre. Par ailleurs, Hegel analyse la dépendance de la subjectivité et de l’intersubjectivité. Pour lui, la conscience de soi n’est conscience de soi que parce qu’elle accepte d’être conscience de soir pour une autre conscience de soi. Il n’y a donc ni réel maitres, ni esclaves entre lui et moi car nous comme tous esclaves des autres mais aussi à la fois maitres des autres ce qui nous met tous au même niveau et donc nous pousse à respecter autrui. Le maitre n’est maitre que parce qu’il est reconnu par l’esclave. La reconnaissance de l’autre est donc la condition de possibilité de la place que je peux m’attribuer. Parce que la place de l’autre m’est fondamentale, il a la force, le pouvoir de me mettre à ma place. Le respect apporte par ailleurs une part de responsabilité envers l’autre : je le respecte comme il me respecte étant conscient de son existence et de la mienne, j’ai des devoirs et droits comme le fait d’être responsable, le fait que je sois respectueux d’autrui fait que je dois aussi être responsable de lui mais la réciproque est vraie aussi. Autrui doit être responsable de moi aussi.

L’autre participe de la construction de ma place. Parce que je me mets à sa place par mimétisme permanent et que je joue des rôles empruntés aux autres. Par son regard et la reconnaissance indispensable dont j’ai besoin pour m’assurer de ma place, il a le pouvoir, la force de participer fondamentalement à la place qui est celle de ma subjectivité en

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