Conflit des générations.
Par Stella0400 • 16 Avril 2018 • 1 868 Mots (8 Pages) • 529 Vues
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d’emploi et de carrière ou, à l’inverse, un contre-modèle auquel on ne voudrait pas ressembler. Pour le travailleur âgé, le jeune (plus flexible, moins « cher » ou semblant mieux correspondre à ce qui est aujourd’hui attendu) peut être considéré comme une menace pour sa propre stabilité – particulièrement lorsque pèse la menace d’une restructuration – ou pour les représentations à travers lesquelles il se reconnaît. Dans cette perspective, certains auteurs (Beaud et Pialoux 1999) analysent ces situations comme relevant d’une lutte pour le pouvoir entre des générations qui n’ont pas bénéficié des mêmes moyens et opportunités d’intégration. La pression démographique enregistrée au sortir de la seconde guerre mondiale a, en effet, donné aux baby-boomers un avantage stratégique essentiel, leur permettant d’occuper les postes-clé d’une NOVEMBRE 2006 • FONDATION TRAVAIL-UNIVERSITÉ 3 société qui découvrait, par ailleurs, les bénéfices d’un tout récent système de sécurité sociale. Aucune génération n’a bénéficié (avant et depuis) de conditions aussi favorables. D UNE ANALYSE DIFFICILEMENT TRANSFÉRABLE Des auteurs tels que Louis Chauvel (1998) ou Nicolas Flament (2005) nous invitent à toutefois à relativiser cette analyse, particulièrement si l’on souhaite l’appliquer aux rapports qu’entretiennent les générations X et Y. En premier lieu, cette idée de conflit de génération réfère à une période précise de notre histoire, à un tournant particulier de notre société et aux revendications d’une jeunesse qui paraissent aujourd’hui moins pertinentes. La jeunesse d’aujourd’hui est, en effet, assez peu porteuse des idées radicales de l’époque. A l’inverse, elle semble davantage soucieuse de s’insérer professionnellement et socialement, même temporairement ou dans de mauvaises conditions. Ensuite, le recours même à la notion de génération mérite d’être discuté. S’il paraissait pertinent de distinguer la génération du baby boom de la génération X par rapport à leur contexte de socialisation ou à leur attitude au travail, cela l’est-il toujours lorsqu’il s’agit de distinguer ceux qui ont vécu dans cet « après », quelque soit leur âge ? Le contexte social et d’emploi a-t-il significativement changé ? Certains suggéreraient que non. Mais, dès lors, comment comprendre certaines situations tendues et rapportées à ce conflit de génération ? E EFFETS D’ÂGE ET CONFLITS D’ORGANISATION Il y aurait lieu, tout d’abord, de distinguer les effets d’âge des effets de génération, même s’ils peuvent se confondre dans certains cas. Les effets d’âge réfèrent ainsi à des processus intergénérationnels, indépendants du contexte sociohistorique dans lesquels ils se déploient. Ils sont par contre directement liés aux étapes de développement des individus. En d’autres termes, certaines réactions et certaines attitudes s’expliqueraient davantage par le fait d’être jeune (impliquant, par exemple, un désir d’exploration, un moindre poids des responsabilités, une moindre expérience du travail…) que par le fait d’avoir été socialisé dans tel ou tel contexte et se rencontreraient d’ailleurs à toutes les époques. Ensuite, il est nécessaire de considérer l’impact de facteurs organisationnels sur l’installation ou sur la persistance de conflits entre individus appartenant à des classes d’âge différentes. On constate alors l’impact des formes d’organisation du travail ou des stratégies d’embauche sur la catégorisation (ou création de distinctions) de fait entre les plus jeunes et les plus âgés, en réservant notamment aux uns et aux autres certaines places, certaines postes ou certains statuts distincts. Dans des situations de modernisation, certains décideurs font par exemple le choix de lier la réorganisation de leur entreprise à une nouvelle politique des âges. Cela peu signifier : mobiliser certains jeunes (particulièrement les plus qualifiés) dans de nouveaux procès de production ou de nouvelles méthodes de travail qui les amènent à travailler entre eux. Mais cela peut également vouloir dire (particulièrement pour les moins qualifiés) : ne leur proposer que des contrats temporaires ou intérimaires et les confiner dans des postes exigeant de faibles niveaux d’expérience. Dans de telles situations, ce sont ces choix qui ont un impact sur le rapport des générations au travail. Ce sont eux qui rendent plus complexe la construction d’un sens commun sur le travail entre des travailleurs qui sont objectivement (physiquement ou statutairement) séparés ou qui sont amenés à ne vivre qu’une relation temporaire, décourageant le plus ancien dans sa volonté de transmettre ou de s’investir dans la destinée du jeune « de passage » et le jeune de comprendre un métier dans lequel il a peu de chance de faire carrière. NOVEMBRE 2006 • FONDATION TRAVAIL-UNIVERSITÉ 4 F JEUNES ET ÂGÉS : AVANT TOUT DES INDIVIDUS EN ORGANISATION Il nous faut admettre, pour les observer au quotidien, que les conflits, tensions ou divergences de vues entre les plus âgés et les plus jeunes travailleurs existent. Il serait par contre erroné de les considérer comme une fatalité ou comme un « donné » dont la résolution concernerait prioritairement les travailleurs eux-mêmes, au cas par cas, en prenant sur soi ou en recourant à la violence. A tous les niveaux, penser les relations intergénérationnelles au travail ou simplement les vivre au quotidien implique d’aller au-delà des stéréotypes que peuvent suggérer les idées de « jeunesse » ou de « vieillesse » et invite plutôt à prêter attention aux situations personnelles de chacun et aux manières de vivre ensemble. John Cultiaux à partir d’un rapport rédigé à la FTU pour le projet européen SPReW Beaud, S. et Pialoux, M. (1999), Retour sur la condition ouvrière, Fayard, Paris. Chauvel, L. (1998), Le destin des générations, Presses universitaires de France, Paris. Flament, N. (2005), Conflit de générations ou conflit d’organisation ? Un train peut en cacher un autre, dans Sociologie du travail, n°47, pp. 223-244. Projet européen SPReW (Generational approach of the social patterns of relation to work) : site www.ftu-namur.org/sprew AVEC LE SOUTIEN DU MINISTÈRE DE LA COMMUNAUTÉ FRANÇAISE, SERVICE DE L’ÉDUCATION
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