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Arrêt Costa, CJCE 15 juillet 1964

Par   •  9 Octobre 2018  •  7 679 Mots (31 Pages)  •  386 Vues

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4 La solution nationale aurait consisté à renvoyer aux dispositions constitu-tionnelles des États membres qui, justement, déterminent les conséquences nationales de l'autorité des traités internationaux ( à l'image de l'article 55 de la Constitution française). On voit d'emblée l'impasse que cette solution constitue : la primauté du droit communautaire qui aurait pu en résulter aurait, certes, pu se prévaloir d'une base juridique solide mais aurait été limitée triple- ment dans sa portée, d'une part, en toute logique, ne pouvant jouer vis- à- vis de ces constitutions elles- mêmes, ensuite dépendant de ces dispositions et de leurs éventuelles réserves ou conditions ( du type de la réserve de réciprocité), enfin variant selon les différentes solutions nationales : donc une primauté par-tielle, aléatoire et variable.

5 On comprend donc les enjeux de l'arrêt Costa où la Cour a dû pallier l'absence de formulation explicite de la primauté dans le traité en donnant à ce principe un fondement tel que sa portée puisse correspondre à ce qu'exigent la nature et le fonctionnement même du système juridique communautaire. Encore aujourd'hui, les traités de base de l'Union ne prévoient pas explicite-ment la primauté ( ce qu'avait envisagé de faire le Traité établissant une Cons-titution pour l'Europe), mais la Déclaration no 17, assortie d'un avis du service juridique du Conseil, souligne à la fois le caractère fondamental du principe et le fait que ses conditions d'application sont déterminées par la jurisprudence de la Cour construite sur la base de l'arrêt Costa.

I. — Les fondements du principe de primauté du droit de l'Union

6 On peut résumer la quête de la Cour comme n'étant pas tant celle d'un fonde-ment à trouver, que celle d'un fondement qui ne soit ni international, ni national, ces solutions éventuelles excluant de donner à la primauté le caractère à la fois général et complet exigé par la logique d'un ordre juridique intégré. Le fonde-ment, dès lors, ne pouvait être que communautaire, ce à quoi aboutit la Cour après une démonstration reposant pour l'essentiel sur cette logique.

7 Pour autant, il va lui arriver, dans le cours de l'arrêt, de se situer dans une logique rappelant plutôt celle de la primauté du droit international, dans ses manifestations les plus traditionnelles, par exemple lorsqu'elle considère comme un « corollaire » de ce que met en place le traité CEE « l'impossibilité pour les États de faire prévaloir, contre un ordre juridique accepté par eux sur une base de réciprocité, une mesure unilatérale ultérieure qui ne saurait ainsi lui être opposable » .

A. — La démonstration

8 Elle se déploie principalement sur le terrain des arguments logiques, au sens de l'hypothèse d'une logique d'ensemble du système communautaire intégré, d'ordre général ou particulier, avec l'appui de quelques arguments textuels complémentaires. La Cour invoque donc « les termes et l'esprit du traité » .

1 ° Les arguments de logique d'ensemble

- L'intégration immédiate du droit communautaire

9 La Cour va rappeler le principe d'intégration immédiate du droit adopté en commun par les États membres, insistant très nettement sur le caractère objec tif de la situation juridique, irréductible à l'intersubjectivité caractérisant les traités « ordinaires » : « à la différence des traités internationaux ordinaires, le traité de la C. E. E. a institué un ordre juridique propre, intégré au système juri-dique des États membres lors de l'entrée en vigueur du traité et qui s'impose à leurs juridictions » . Les États membres ont donc « créé ainsi un corps de droit applicable à leurs ressortissants et à eux- mêmes » , et il y a une « intégration au droit de chaque pays membre de dispositions qui proviennent de source communautaire » . La Cour met ici incontestablement en évidence le fait que les sources de droit communautaire sont immédiatement des sources de droit national dans les États membres ( principe d'intégration immédiate), sans se référer explicitement à l'effet direct, sauf à considérer que le droit « applicable aux ressortissants » signifie « directement applicable » au sens de la création directe de droits que les juridictions nationales doivent sauvegarder. Le raison-nement logique consiste ici à montrer l'incohérence qu'il y aurait à assurer la pénétration immédiate ( dès l'entrée en vigueur du traité et on ajoutera sans aucune formalité dualiste de réception ou de transformation) du droit commu-nautaire au sein même des ordres juridiques nationaux, si les sources nationa-les pouvaient faire obstacle à leur application.

- Les limitations de compétence et les transferts d'attributions des États à la Communauté

10 La Cour va lister une série de caractéristiques indéniables de la Commu-nauté : durée illimitée, institutions propres, personnalité, capacité juridique, capacité de représentation internationale, et « plus particulièrement » , « pouvoir réels issus d'une limitation de compétence ou d'un transfert d'attributions des États à la Communauté » , pour en déduire que les États membres, en instituant celle- ci, « ont limité, bien que dans des domaines restreints, leurs droits souverains » . On reconnaît là une formule de l'arrêt Van Gend en Loos* pré-cité. La Cour va revenir, dans la suite de l'arrêt Costa, sur cette idée et ajouter un détail, précisant qu'il s'agit d'une « limitation définitive de leurs droits sou-verains contre laquelle ne saurait prévaloir un acte unilatéral ultérieur incom-patible avec la notion de Communauté » ( cf. aussi l'arrêt du 13 juill. 1972, Commission c/ Italie*, 48/ 71, Rec. 529), ce qui est, d'une part, une avancée par rapport à l'arrêt Van Gend en Loos*, l'étape suivante étant l'avis 1/ 91* ( 14 déc. 1991, Rec. I- 6079), pour lequel « les États ont limité, dans des domaines de plus en plus étendus, leurs droits souverains » . On peut voir dans cette conclu-sion en termes de refus de l'acte unilatéral ultérieur une version « communau-tarisée » de la formule précédemment signalée et d'une eau toute interna-tionale, tirant la même conclusion de l'acceptation préalable et sur base de réciprocité

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