ESS en Francia
Par Essays.club • 26 Avril 2018 • Étude de cas • 2 269 Mots (10 Pages) • 512 Vues
ESS en Francia
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« La reconnaissance légale de l’Economie Sociale et Solidaire (ESS) est la première brique sur laquelle reposent les ambitions économiques de la loi » commente lors de l’ouverture de l’examen du projet de Loi, Benoît Hamon alors ministre de l’Economie Sociale et Solidaire.
Adoptée le 31 juillet 2014, la Loi relative à l’Economie Sociale et Solidaire est une première tentative des pouvoir publics depuis 1981, avec la création de la délégation interministérielle à l’économie sociale d’encadrer une économie qui diffère de l’économie capitaliste de marché. La loi définit donc l’économie sociale et solidaire comme « un mode d’entreprendre et de développement économique adapté à tous les domaines de l’activité humaine auquel adhèrent des personnes morales de droit privé »
Or d’après Jean-Louis Laville, « l’économie sociale comme l’économie solidaire ne prennent sens que par rapport à une économie plurielle, c’est-à-dire une économie ne se réduisant pas à la société de capitaux et au marché, dans laquelle plusieurs logiques économiques peuvent se déployer [1]». Avant de préciser en réaction en 2015 à la Loi relative à l‘Economie Sociale et solidaire que « Face à cette définition élargie de l’économie solidaire, il est nécessaire de différencier l’économie solidaire de l’économie sociale, d’une part, et de ses définitions législatives, de l’autre. »[2] (CARRY, LAVILLE, 2015, p.24)
C’est donc la définition législative qui est au cœur des débats puisque le législateur a voulu inclure sous le sigle ESS, l’entrepreneuriat social. L’Institut de l’Innovation de l’Entreprise et de l’Entrepreneuriat Social de l’ESSEC le définit comme « l’ensemble des initiatives privées au service de l’intérêt général ». Or cet entrepreneuriat social est loin de faire l’unanimité dans le champ académique et praticiens. En effet, certains auteurs comme François Draperie souligne que « L’entrepreneuriat social est un mouvement de pensée qui est difficilement compatible avec l’économie sociale »[3] du fait de sa continuité idéologique avec le capitalisme.
La Loi Hamon relative l’ESS est-elle une tentative, de la part des pouvoirs publics, de récupérer une manière de produire et de faire la politique ?
Pour y répondre, nous analyseront par le biais historique les différences qui existent entre le triptyque économie sociale, économie solidaire et entrepreneuriat social pour ensuite nous concentrer sur l’émergence de la loi Hamon. Enfin nous nous concentrerons sur la pertinence de la loi au regard des différentes familles de l’ESS.
1. L’Histoire de l’ESS
2.
On peut faire remonter les premières expériences d’économie sociale au XIIIème siècle avec les premières expériences coopérative des fruitières du Jura et de Franche-Comté. Mais c’est au XIXème siècle que le mouvement va réellement se structurer avec la révolution industrielle. D’après Géraldine Lacroix et Romain Slitine, « L’économie sociale est donc fille de la nécessité : elle provient d’une volonté de réduire les inégalités, de compenser les effets néfastes de la révolution industrielle et d’inventer des relations économiques plus équitables »[4] (LACROIX,SLITINE, 2016, p.7), l’économie sociale porte donc dès son origine un projet politique, faisant primé l’Homme sur le capital. Ce projet politique est théorisé au XIXème siècle par des penseurs comme Charles Fourier, Pierre-Joseph Proudhon et Frédéric Leplay. Mais c’est Charles Gide qui, au début du XXème siècle, va développer le concept d’une économie sociale fondée sur la solidarité proposant ainsi une « troisième voie » face au libéralisme et au marxisme. Pour Jean-Louis Laville, Antonio David Cattani, « l’économie sociale moderne s’est largement confondue avec la lente émergence d’une véritable liberté d’association »[5] (LAVILLE, CATTANI, DEFOURNY 2OO6, p.280).
L’économie sociale connait tout de même un coup d’arrêt avec un éclatement et une fragmentation de ces principaux acteurs pendant la première moitié du XXème siècle. C’est à partir de la fin des années 1970 que l’économie sociale est redécouverte et reconnue par les pouvoirs publics en France, et notamment Michel Rocard, afin de trouver une fois de plus un nouveau modèle de production et de répartition des richesses différents des modèles des deux blocs capitalistes et communistes.
On peut distinguer d’après Jacques Defourny, deux manières de décrire l’économie sociale :
* Par la forme juridique et institutionnelle : entreprises de type coopératif ; sociétés de type mutualiste ; organisation associative
* Par les traits communs que les entreprises et organisations : service aux membres ou à la collectivité plutôt que profit ; autonomie de gestion ; contrôle démocratique par les membres ; primauté des personnes et de l’objet social sur le capital dans la répartition des excédents
Les années 1980 marquent donc le retour de l’économie sociale « par le haut » (SIBILLE, 2016, p.2) et son inscription dans le droit français avec la création de la Délégation interministérielle à l’économie sociale. Cette décennie annonce aussi l’entrée de l’économie solidaire « par le bas » (SIBILLE, 2016, p. 3)
Née dans un contexte de fin des trente glorieuses, de chômage massif et de remise en cause de la mondialisation, l’économie solidaire s’étends aux pratiques économiques qui ont pour but de renforcer le lien social et les solidarités. Paul Singer distingue deux spécificités propres à l’économie solidaire :
* « la promotion d’une solidarité entre les différents acteurs par la pratique de l’autogestion ;
* La pratique d’une solidarité avec les travailleurs en général, et en particulier avec les plus défavorisés »[6] (LAVILLE, CATTANI, SINGER, 2006, p.290)
Ces solidarités se développent d’après Singer, autours de l’idée de solidarité par « opposition à l’individualisme compétitif qui caractérise le comportement économique dominants dans les sociétés capitalistes »[7]. Pour ce même auteur la renaissance de l’économie solidaire serait le fruit de la contre-révolution néolibérale des années 1980. Les solidarités développées par l’économie solidaire peuvent avoir trois formes distinctes d’après
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