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Commentaire d'arrêt : C.A.A., Versailles, 16 juillet 2015, n°13VE02274

Par   •  31 Octobre 2018  •  4 447 Mots (18 Pages)  •  1 011 Vues

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que Mme D. ait porté ces faits de harcèlement à la connaissance de son employeur postérieurement à leur commission en adressant au président de la chambre consulaire un courrier du 29 mars 2006 alors qu’elle n’exerçait plus d’activité professionnelle depuis le 29 juillet 2004, date de son premier arrêt de travail, n’est pas de nature à exonérer la chambre de métiers et de l’artisanat du Val-d’Oise de sa responsabilité ; que par suite, et contrairement à ce que soutient la chambre de métiers et de l’artisanat du Val-d’Oise, la faute personnelle commise par M. A., accomplie à l’occasion du service, suffit à elle seule à engager la responsabilité de la chambre de métiers et de l’artisanat ; qu’il appartient seulement à la chambre de métiers et de l’artisanat du Val-d’Oise, si elle s’y croit fondée, d’engager une action récursoire à l’encontre de M. A. ;

(…)

Introduction

Accroche : Le juge administratif a utilisé la notion de faute personnelle sans la définir, même si le Tribunal des conflits en a, au cours du XIXè siècle, posé les contours. Depuis peu, une nouvelle expression émerge dans la jurisprudence : la faute personnelle détachable du service mais non dépourvue de tout lien avec le service. L’arrêt commenté l’illustre parfaitement.

Faits : En l’espèce, un agent public à la Chambre de métiers et de l’artisanat a été placé en congé maladie après avoir été victime de faits de harcèlements sexuel et moral exercés par le secrétaire général de ladite chambre.

Procédure : En raison de ces comportements, la victime agit au pénal à l’encontre du secrétaire général, lequel est condamné pour le chef de harcèlement pour obtention de faveur sexuelle par personne abusant de l’autorité de sa fonction, par un arrêt, devenu définitif, de la cour d’appel de Versailles le 9 mars 2010.

Au titre de l’action civile, la victime agit ensuite en responsabilité civile extra-contractuelle contre ladite chambre devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, lequel fait droit à sa demande. La chambre interjette alors appel devant la cour administrative d’appel de Versailles estimant que la faute de son secrétaire général constituait une faute purement personnelle, c’est-à-dire détachable du service en raison de son caractère intentionnel et de sa gravité.

Problème juridique :

Précision : J’applique ici la méthode du professeur BRISSON (c’est la méthode qu’il avait distribué à la promotion d’Élodie et moi). Il proposait en effet deux étapes pour déterminer le problème juridique. D’une part, déterminer la question factuelle, i-e la question la plus simple : celle qui résulte directement des faits de l’affaire en cause. D’autre part, déterminer la question de pur droit, qui n’est autre que le problème juridique. Sachant que la question factuelle n’est qu’un travail préparatoire au problème juridique. Elle ne doit donc pas apparaître dans la copie.

• Question factuelle : Est en cause en l’espèce un problème de responsabilité civile extra-contractuelle d’une personne publique du fait d’une faute d’un de ses agents publics : La responsabilité civile extra-contractuelle de la chambre peut-elle être engagée ?

• Question de pur droit :

◦ Or, cette faute est personnelle et non dépourvue de tout lien avec le service.

◦ Dès lors, la question que se pose la C.A.A. est de savoir si la responsabilité civile extra-contractuelle de la chambre de métiers et de l’artisanat peut-elle être engagée pour la faute personnelle non dépourvue de tout lien avec le service ?

Solution : La C.A.A. répond par l’affirmative. Elle retient en effet la faute de l’agent public, condamné au pénal, est, en l’espèce, « eu égard à la nature et à la gravité des faits commis (…) une faute personnelle détachable du service » qui, commise à l’occasion du service, « suffit à elle seule à engager la responsabilité de la chambre de métiers et de l’artisanat ».

Problématique : Cet arrêt a de quoi surprendre par la pertinence de sa solution. Cependant, celle-ci n’est pas une nouveauté. En effet, le Tribunal des conflits avait retenu une telle faute personnelle détachable du service, mais non dépourvue de tout lien avec le service dans sa décision Berthet contre Filippi du 19 mai 2014 (V. doc. 7). Une telle solution ne fait que confirmer l’évolution de la jurisprudence depuis le début du XXè siècle favorisant l’imputation des fautes des agents publics aux personnes publiques par faveur pour les victimes. La nouvelle faute désormais reconnue se place dans la lignée de la jurisprudence Époux Lemmonier (V. doc. 6) presque cent ans après ! Toutefois, l’arrêt commenté se distingue de la décision du T.C. dans la mesure où, en l’espèce, la victime a seulement agi contre la personne publique et non l’agent public. C’est la raison pour laquelle la C.A.A. n’a pas statué sur l’action récursoire.

Annonce du plan : Ainsi, la C.A.A. reconnaît de manière rigoureuse une faute personnelle détachable du service (I) et de manière souple une faute personnelle non dépourvue de tout lien avec le service (II).

Plan

I. – LA RECONNAISSANCE RIGOUREUSE D’UNE FAUTE PERSONNELLE DETACHABLE DU SERVICE

Le raisonnement opéré par la C.A.A. en l’espèce correspond exactement à celui poursuivi par le T.C. dans la décision Berthet contre Filippi. De fait, pour reconnaître une faute personnelle détachable du service mais non dépourvue de tout lien avec celui-ci, la cour se fonde sur la qualification pénale (A) et sur la gravité et à la nature de la faute (B).

A. – L’identification apparente d’une faute pénale

Ouvrir la boucle en partant de l’arrêt : « que ces constatations de fait du juge pénal, qui commandent nécessairement le dispositif de sa décision ayant acquis force de chose jugée s’imposent à l’administration comme au juge administratif ».

Élargir la boucle avec les connaissances : Il fut un temps où l’identité entre la faute pénale et la faute civile ne posait guère de problème. En effet, une faute pénale était nécessairement une faute purement personnelle. Cependant, depuis la décision T.C., 14 janvier 1935, Thépaz, une faute

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