La guerre de Jugurtha
Par Orhan • 22 Novembre 2017 • 2 754 Mots (12 Pages) • 690 Vues
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L’éloge qu’il fait de lui-même sous-entend qu’il se considère comme l’homme de la situation, celui qui sera capable d’achever la guerre de Jugurtha contrairement à ses prédécesseurs.
En passant outre les injonctions de Metellus et en tentant de prendre sa place à la tête des troupes, Marius va à l’encontre des traditions de la société romaine et prend clairement position dans la lutte politique qui opposait partisans de la nobilitas, les optimates et les héritiers des Gracques, les populares.
En effet, la mise en valeur des absurdités du commandement des optimates s’inscrit dans une dénonciation plus générale.
A partir de la critique des optimates se dessine le portrait de l’homo novo, l’homme « sans ancêtre ». L’homo novo est l’homme qui ne part de rien et qui gravit, par son seul mérite, les marches du cursus honorum : « me hominem nouom » est en position de rejet ce qui contribue à sa mise en valeur. Marius insiste sur le parcours qui la mené au consulat en 107. Il évoque tout d’abord son enfance. Né de parents modestes et n’appartenant pas à la nobilitas, il connaît une enfance difficile : « contemnunt novitatem meam » (l6). Il sous-entend ensuite l’enseignement qu’il a reçu quand il fait référence à l’étude des lettres grecques donc l’étude était réservée aux optimates. En effet, la nobilitas ne tolérait pas que l’éloquence soit enseignée en latin afin d’écarter le plus possible les « hommes nouveaux » de la politique. C’est donc de manière autodidacte qu’il a gravit les échelons de la société contrairement aux optimates qui détiennent leur richesse et leur réputation de leur patrimoine. L’utilisation de la première personne est prédominante et constitue un indice de sa confiance en soi. Etre un « homo novo » est une preuve de détermination, de courage. Ce sont des hommes supérieurs qui ont toutes les qualités requises pour commander la masse.
« L’homo novo » devient ainsi le porte-parole des populares. En plus de ses qualités d’homme militaire, il met en avant son honnêteté et sa probité. En se défendant des critiques injustement prononcées à son encontre par les optimates, il sert les intérêts des populares, accusés d’élire des personnes incompétentes : « in maxumo vostro beneficio cum omnibus locis me vosque maledictis lacerent » (l36-37). Son discours arbore des caractéristiques du discours judiciaire. Il prévoit les arguments adverses : « si jam mihi respondere velint, abunde illis facundam et conpositam orationem fore » (l34-35).
De plus, en décrivant son parcours et en insistant sur les injustices dont il est victime, il constitue la preuve vivante que la différence de valeur ne se fait pas à la naissance : « fortissimumum quemque generosissumum » (l9) et que n’importe qui, à condition qu’il est du courage et de la détermination, peut s’élever dans la société. Sa défense personnelle est alors l’occasion de convaincre son auditoire du mérite des populares par rapport aux optimates.
Cependant, plus qu’un discours de défense, la prise de parole de Marius manifeste de véritables qualités de rhéteur. Il ne veut pas seulement se justifier mais veut obtenir quelque chose à l’issu de son plaidoyer.
La condamnation qu’il fait de l’éloquence : « illis artificio opus est, ut turpia facta oratione tegant » (l52-53) semble paradoxale puisqu’il en utilise les procédés pour convaincre et persuader son auditoire. Son discours est méthodique. Il remet en cause les fondements de la nobilitas par une parfaite démonstration logique : « quod si jure me despiciunt, faciant item majoribus suis quibus, uti mihi, ex virtute nobilitas coepit » (l 12-14). Sa rhétorique effectue un parfait balancement entre les défauts des optimates et ses propres qualités. La disparition progressive des connecteurs créer un rythme binaire ce qui produit un effet de martellement propre à convaincre : « mihi fortuna, illis proba objectantu » (l7). Pour persuader son auditoire, il a également recourt à des images frappantes. La figure de prosopopée, donnant la parole aux pères d’Albinus et de Bestia ou l’image du flambeau sont percutantes : « maiorum gloria posteris quasi lumen est ; neque bona neque mala eorum in occulto patitur »(l26-27).
A ses talents de rhéteurs s’ajoute la volonté de se rapprocher de son auditoire. L’image rassurante de l’homme militaire peu cultivé et garant de probité fait oublier à son auditoire qu’il ne sert que ses propres intérêts. Il se présente en position de victime : « quod ex aliena virtute sibi adrogant, id mihi ex mea non concedunt » (l30-31) et fin l’humilité : « huiusce rei ego inopiam fateor, quirites » (l27), afin de persuader l’assistance de sa bonne foi. Ils ne mènent pas un combat commun car Marius veut seulement les utiliser pour poursuivre son cursus honorum. Sous l’image de feinte humilité transparaît l’orgueil du personnage. La mise en avant de ses intérêts est visible car la répétition obsédante de « ego ». Sa confiance en soi trahit la haute estime qu’il a de lui-même, ce qui ne peut coïncider avec la défense d’intérêts autres que personnels : « nullo oratio potest ; quippe vera necesse est be,e praedicent, falsa vita moresque mei superant » (l39-41). Cette phrase traduit l’arrivisme de l’homme politique. Il parle de probité alors qu’il est justement en train d’usurper la place de Metellus.
Le portrait de Metellus est contrasté et ambigu. La contradiction, l’art de la nuance sont au cœur de l’écriture de Salluste et sont manifestes de sa perspicacité.
Plus qu’évènementielle, l’Histoire chez Salluste traduit subtilement les tares de tous les protagonistes contemporains à la guerre de Jugurtha. Il paraît donc respectueux de l’objectivité historique. De plus, ayant été gouverneur de Numidie en 46 av JC il semble à même de garantir l’authenticité.
Par le biais du discours de Marius, Salluste met tout d’abord en valeur l’incurie de la noblesse. Leur manque d’expérience empirique les rend désinvoltes car ils s’en remettent complètement à leurs subalternes. Il faut également souligner leur manque de probité. Beaucoup de membres du parti des optimates se sont laissés tentés par la politique de corruption menée par Jugurtha : « quam certe peperisse melius est quam acceptam corrupisse » (l32-33).
Salluste fait également ressortir l’arrivisme des « homo novo », hommes sans scrupules quand il s’agit d’assouvir leurs aspirations personnelles.
L’analyse des mentalités ,effectuée par Salluste, paraît s’inscrire
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