Dissertation sur l'être exceptionnel
Par Andrea • 21 Octobre 2017 • 1 866 Mots (8 Pages) • 407 Vues
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Cependant, enfermer le romancier dans ce dilemme du personnage ordinaire ou non ne tient pas compte de la complexité du roman et du personnage romanesque.
Le roman, de part son caractère, peut donner lieu à la transfiguration du personnage. Le personnage banal peut, à travers le roman devenir singulier et vivre une destinée singulière. Premièrement, des évènements personnels ou historiques, peuvent transformer un simple être humain en héros. En lui donnant une destinée exceptionnelle, le romancier fait du personnage, à priori ordinaire un être dont le chemin ne suit pas des règles communes ; J.A.Suter dans L’Or de Cendrars et Angelo dans Le Hussard sur le toit de Giono prouvent tous les deux que la destinée peut offrir à un personnage banal l’opportunité d’être extraordinaire de par son accomplissement au cour de la fiction. L’auteur peut aussi mettre en scène des personnages qui, en accomplissant des choix difficiles et en allant jusqu’au bout de leur destin, acquièrent une certaine grandeur et forcent l’admiration. « Un personnage de roman, c’est n’importe qui dans la rue, mais qui va jusqu’au bout de lui-même », a dit Simenon. Le personnage de Jean Valjean dans Les Misérables de Hugo, démontre, par son combat contre l’injustice, la véracité de ces propos ; de même que Julien Sorel dans Le Rouge et le Noir de Stendhal. Le roman, explore les capacités et les limites de l’être humain, il révèle le potentiel et la part d’exception de l’homme en livrant la part d’héroïsme cachée dans la banalité de la vie commune. Le héros du Père Goriot de Balzac, « Christ de la paternité », et le narrateur de A la recherche du temps perdu de Proust, qui découvre sa vocation d’artiste, confirment que de la banalité, peut naître l’exception. Parfois, pour ces raisons, le lecteur, sous le coup de l’admiration ou de l’affection, peut donc considérer tel ou tel personnage comme héroïque et exceptionnel.
Mais, bien sûr, l’importance et le statut que le romancier attribue à certains de ses personnages jouent également un rôle important dans l’interprétation du personnage que se fait le lecteur. Selon la mission que se donne le romancier, le personnage peut apparaître comme un héros ou comme le commun des mortels. S’il veut exalter et faire rêver son lecteur, susciter son admiration, le choix du romancier se portera sur les héros, l’exemple des personnages qui convergent vers un même but et qui sont tous liés par un même idéal dans L’espoir, de Malraux, prouvent que l’auteur à choisi l’héroïsme collectif pour illustrer sa vision de personnage romanesque. Au contraire, le romancier se portera vers le personnage ordinaire si il veut donner une parfaite illusion de la réalité. C’est le cas de Rose dans Histoire d’une fille de ferme de Maupassant qui démontre que l’auteur a voulu « raconter » le monde tel qu’il est, l’expliquer et dénoncer ses travers. La cohabitation entre ces deux types de personnage est possible et dépeinte dans La condition humaine de Malraux ou La Peste de Camus.
Le roman étant une œuvre artistique, il laisse au romancier le pouvoir de s’exprimer et de doter ses personnages et son univers des caractéristiques de son choix. Le personnage est un être complexe défini différemment selon les siècles, les mouvements littéraires et les auteurs. Le personnage romanesque ne saurait donc se réduire à une seule forme puisqu’il est l’objet de la créativité individuelle du romancier qui peut dépeindre, à l’aide de sa création, sa propre conception de la vie et du roman. Le roman est un « miroir » qui déforme, mais, par là même, il nous révèle à nous même avec nos tares mais également avec la part extraordinaire qui dort en chacun de nous. Or dans la vie, n’existe-t-il pas des êtres d’exception au milieu de l’humanité commune ?
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