Critique Sieyès: Qu'est ce que le Tiers Etat
Par Ninoka • 17 Août 2018 • 2 953 Mots (12 Pages) • 597 Vues
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- Approche critique de l’ouvrage
On peut reprocher à Sieyès d’avoir théorisé la terreur en expliquant par exemple que les nobles sont une maladie qu’il faut retrancher du corps social et son fanatisme anti nobélien est assez impressionnant finalement. On peut aussi lui reprocher d’être un porte-parole intellectuel de la bourgeoisie triomphante et le maître à penser de la captation hiérarchique de la révolution. Sans oublier que Sieyès est l’un des principaux instigateurs du 18 brumaire.
Au sein de son œuvre la question de la représentation de la nature du mandat politique et du type de relation entre gouvernants et gouverné est centrale. Sieyès est l’un des grands théoriciens de ce qu’il appelle « le gouvernement représentatif » qu’il prend soin de distinguer de la démocratie. Il propose dans ses textes un ensemble de principe et d’application pratique qui ont été plus tard rassemblé sous le nom de doctrine de la souveraineté nationale.
Pour comprendre la position de Sieyès sur la question de la représentation il faut tout d’abord replacé ses discours les plus cités dans la perspective plus large de sa philosophie politique. Cela concerne notamment son discours sur la question du veto royal prononcé à l’Assemblée constituante en septembre 1789. Au cours des débats sur la capacité du roi à s’opposer à une loi votée par le futur parlement, des députés se déclare en faveur d’un appel au peuple qui pourrait prendre la forme d’une sorte de consultation référendaire. Sieyès intervient alors pour dénoncer cette idée au nom de principe selon lequel le corps législatif est le seul lieu d’énonciation de la volonté de la nation. Il dit ainsi dans une formule souvent reprise : « le peuple ou la nation ne peut avoir qu’une voix celle de la législature nationale. » Consulter le peuple revient à consulter ses représentants. Rien n’est donc plus absurde pour Sieyès que de vouloir en appeler au peuple pour évaluer l’action des députés dans la mesure où cela en revient finalement à en appeler aux députés eux-mêmes. Derrière sa réticence il y a une construction philosophique qui préexiste dans une large mesure aux débats et évènement de l’été et automne 1789.
Sieyès est avant tout un théoricien du contrat social. On peut puiser l’essentiel de son inspiration chez Locke dont il reprend en partie le vocabulaire mais vérité il va bien au-delà. Pour Sieyès le contrat social c’est le moment où les individus décident de sortir de l’état de nature pour préserver collectivement les droits naturels que sont la liberté et la propriété, cela est assez classique. On retrouve bien sur cette idée chez Rousseau également. Ces droits appartiennent en propre à tout être humain, mais leur exercice est compromis par les inégalités de force ou d’intelligence. Il faut donc passer par le contrat pour que le respect réciproque soit reconnu par tous et que l’égalité potentiel, l’égalité en droit se réalise, sans compter que l’Etat social vise aussi à les amplifier. Parce que la puissance collective permet aux individus de démultiplier leur liberté d’action et de garantir leur accès à la propriété. Pour Sieyès le résultat du contrat social est une nation. L’adhésion à cette nation se fait sur la base de valeurs communément partagées. Ces valeurs sont celles que les contractants s’engagent à respecter : la liberté, la propriété, l’égalité en droits. Ces valeurs constituent les fondements moraux du régime qu’ils bâtissent. Il y a donc une homogénéité morale de la nation chez Sieyès. Rien arrive sans cela, c’est l’arrière-plan de toute la théorie politique de Sieyès
Pour cet auteur, l’édifice politique constitutionnelle, les mécanismes constitutionnels concrets et les modalités de la représentation ne peuvent être appréhender que sur fond d’homogénéité du corps social. On part du principe que le pacte fondateur de la nation à unifié les individus sur la base d’un état commun. Ceux qui ne partagent pas cet état sont des non contractants, ils sont hors pacte. Et donc comme souvent dans les théories de ce genre, ils sont considérés comme étant en état de guerre contre la nation. C’est ce qui s’est passé avec les privilégiés lors de la révolution de 1789. Du point de vue de Sieyès, la nation ne peut donc être composée que d’individus qui partagent la même vision du monde, les mêmes valeurs. Ce qui implique que la coupure entre représentés et représentants n’advient que sur ce socle-là. Sieyès insiste sur le fait que ce qui soude les membres de la communauté, notamment les électeurs à leurs élus, c’est la confiance que les premiers accordent aux seconds. Or cette confiance découle du fait que leurs valeurs et intérêts sont les mêmes. La représentation est donc sur la base du reflet des valeurs des représentés. Ainsi pour Sieyès la nature même du contrat social et le processus d’homogénéisation qu’il induit conduisent mécaniquement à ce type de représentation fondé sur la ressemblance. S’il y a décalage, il y a révolution. Ou au moins il y a activation du pouvoir constituant qui vise à doter la nation des institutions les plus en adéquation avec son socle, ses valeurs. Cela implique que les représentants qui ne respectent pas les termes du pacte social doivent être démis d’une façon ou d’une autre, car eux ne sont que le pouvoir constitué et sont donc limité de par leur nature par le pouvoir constituant.
Sieyès est donc bien partisan d’une sorte de mandat impératif qui est un mandat abstrait, qui existe dans tout système représentatif et libéral. Puisqu’un élu qui agit en contradiction avec les valeurs fondamentales du régime doit généralement être destitué par exemple pour haute trahison. Mais dans le contexte de la révolution française cela prend une dimension toute particulière. Il y a des effets pratique à cette idée chez Sieyès. Dans la publication de Qu’est-ce que le tiers état ?, Sieyès propose plusieurs mesures qui visent à homogénéiser le résultat des élections. Ils demandent à ce que les privilégiés, c’est-à-dire les membres de l’aristocratie qui refuseraient d’abandonner leurs prérogatives politiques, administratives et fiscales, soient exclu de la citoyenneté. Sieyès défend l’idée qu’ils ne devraient être ni électeurs, ni éligibles. En complément de cette demande, peut-être dans le cas où elle ne serait pas respectée, il prône l’interdiction pour les électeurs du tiers état de voter pour des candidats d’un autre corps.
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