L’entité de l’Etat-Nation
Par Andrea • 2 Avril 2018 • 2 197 Mots (9 Pages) • 536 Vues
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Les échanges de biens, services et capitaux associés à la libre circulation des idées et des personnes qui franchissent les frontières librement portent atteinte à l’exclusivité historique dont jouissaient les Etats pour les réguler, les contrôler. Les Etats-Nation dépendent dès lors de leur ouverture au commerce mondial : les exportations de marchandises représentent aujourd’hui plus de 20% du PIB mondial, uniquement 1% en 1820. L’information en temps réel prive les Etats de son contrôle : 1.5 milliards d’internautes en 2007, aucun avant les années 1990. Le contrôle des flux financiers et l’intégration des nouveaux venus en termes de population ne sont plus gérés par l’Etat.
Plus globalement c’est la légitimité étatique qui est contestée. L’unité politique des pays européens est ébranlée politiquement et socialement avec l’émergence des questions épineuses des réfugiés et des immigrés qui froissent la légitimité de l’Etat-Nation anciennement idéalisé. L’appartenance à une communauté nationale ne relève plus d’une évidence sur des territoires où l’affaiblissement des identités nationales s’affirme étant contestées par différentes religions, origines ou langues qui poussent vers les racines personnelles. C’est le cas avec le régionalisme catalan. Ce fut et c’est encore le cas pour les anciens pays de l’URSS contestant le cosmopolitisme : habiter un territoire et payer les mêmes impôts ne suffisent plus pour partager la conscience d’appartenir à la même communauté.
Cette légitimité est également remise en cause du point de vue des relations internationales et du rôle des Etats sur cette scène qui voit la multiplication des acteurs internationaux non étatiques. Le nombre d’Organisations Non Gouvernementales est passé de 1505 et 1998 à 3052 et 2007. Ces dernières cultivent généralement le droit d’ingérence et peuvent développer les pensées contre étatiques. Elles jouent désormais un rôle quasiment aussi important que les Etats et les citoyens peuvent avoir plus confiance en elles qu’en la structure étatique. Sur la même scène, l’émergence des groupes criminels et terroristes s’affranchissant des limites étatiques vient également affaiblir l’Etat-Nation.
Ces différentes caractéristiques de la mondialisation qui viennent affaiblir le concept de l’Etat-Nation s’ajoutent aux deux spécificités majeures de la nouvelle globalisation que sont la démocratisation et la pacification. En effet, la mondialisation actuelle met en doute l’Etat Nation car elle s’accompagne d’une extension de la démocratie et d’une certaine pacification des relations internationales.
Depuis la fin de la guerre froide, la démocratie s’est largement répandue sur tous continents en même temps que les politiques d’ouverture commerciale et d’insertion à l’économie mondiale. Alors que les différents monarques et dictateurs avaient davantage intérêt à élargir ou maintenir leur territoire, les populations préfèrent se retrouver dans des territoires plus homogènes. La mondialisation a rendu alors superflue les conquêtes de marchés captifs et surtout réduit les motifs de faire la guerre, fonction régalienne par excellence. Dans une logique d’expansion et d’ouvertures des marchés des dictatures comme la Grèce ou l’Argentine ont adhéré à des ordres économiques régionaux ou internationaux. C’est ce qui a précipité leur chute et la remise en cause de l’Etat-Nation.
La mondialisation actuelle est caractérisable par sa complémentarité forte avec la paix. Le cout des guerres est devenu exorbitant par rapport à celui de la coopération. Les guerres ont également changé de nature, les conflits étant locaux, le terrorisme mondialisé. Depuis les années 1990 les guerres révèlent avant tout des carences et l’illégitimité des Etats Nationaux mais aussi et surtout l’hétérogénéité des populations. Que ce soit en Afghanistan, en Côte d’Ivoire, au Mali ou encore en Libye, Syrie ou Irak c’est bien le phénomène de séparations des communautés qui fut mis en avant et non le repli nationaliste. C’est avant tout l’échec du concept même d’Etat-Nation et l’impossibilité d’appliquer l’ordre westphalien dans certaines régions qui sont bien souvent des zones oubliées de la mondialisation.
La mondialisation pacifique et coopérative remet en cause le bien public « essentiel », le marché intérieur étant étendu aux territoires captifs et remet en cause la référence sur laquelle se fondait la taille de la nation. La légitimité des Etats s’en trouve fragilisée ainsi que leurs sources financement pour fournir l’ensemble des biens publics.
En 1998 Rodrik détermina une relation entre le taux d’ouverture d’un Etat et la part de ses dépenses publiques. Les pays les plus exposés au commerce consacreraient une part plus importante de leur revenu aux dépenses publiques.
Globalement, la démocratie véhiculée par la mondialisation favoriserait la création de nations plus petites qui supporteraient des couts de production de biens publics plus élevés. Pour autant, la question se pose de savoir si les dépenses des biens publics varient en fonction de la taille des pays avec « l’effet de dimension ». On peut analyser que les dépenses sociales et de redistribution restent peu sensible, proportionnellement, à la dimension du pays. Mais surtout, il est évident que la pacification des relations internationales a permis de supprimer le bien public le plus en lien avec la dimension territoriale : les dépenses militaires et extérieures. Du fait de la pacification du monde global, du nationalisme de plus en plus dilué et aussi et surtout des décisions étatiques de renoncer plus aisément à fournir eux-mêmes certains biens publics pouvant être fournis par des organisations supérieures, l’Etat nation a été remis en cause. L’adoption d’une monnaie commune au profit d’une organisation supérieure. La renonciation à une monnaie nationale qui identifiant l’Etat-Nation. L’Etat-Nation fut remis en cause jusque dans ses attributs régaliens de battre la monnaie, de sécurité extérieure.
En ce sens, la mondialisation alimente une certaine crise de l’Etat-Nation en remettant en cause à la fois les fonctions générales de l’Etat et les dimensions de la Nation.
Aujourd’hui une différence fondamentale est à noter entre les Etats démocratiques riches et anciens héritant s’un système de protection social légitime et les Etats en développement sortant il y a peu de dictatures qui s’accommodaient des inégalités et des discriminations : Ces derniers s’intègrent à l’économie mondiale et
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