La redistribution hiérarchique des puissances lors de la mondialisation
Par Andrea • 24 Mars 2018 • 6 607 Mots (27 Pages) • 590 Vues
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Dans ce secteur touffu, la circulation des activités est plus compliquée que dans le domaine de l’industrie. La révolution des technologies de l’information rend possible un transfert partiel d’activités de service, ce dont l’Inde se fait une spécialité au point de passer pour le bureau du monde. Premier exportateur de services informatiques, le pays se heurte cependant à un double écueil : ce secteur à haute VA, s’il tire la croissance, est faiblement créateur d’emplois (entre 2005 et 2010, l’emploi n’a progressé que d’1% par an) ; par ailleurs, les entreprises préfèrent conserver à proximité une part importante des services qu’elles consomment. Les services à la personne, consommés par les ménages, ne sont pas non plus délocalisables.
- Le retour des Sud
- La bascule financière
- Les IDE ont historiquement commencé par amorcer le mouvement de migration du capital vers le Sud, à la recherche de perspectives de croissance plus forte que celle du Japon, atone depuis 1990, et d’une Europe au ralenti au début du XXIe siècle. Les pays développés conservent encore la majorité des IDE, mais le stock détenu par les pays du Sud atteint désormais (2012) 40% du total. La Chine est devenue au début des années 2010 la 2e récipiendaire, mais aussi la 2e exportatrice d’IDE.
- Les excédents commerciaux achèvent de participer à cette rupture. Les réserves de changes issues de ces derniers sont déjà, en 2011, concentrées pour les 2/3 au Sud. La crise de 1997 en Asie a persuadé ces pays, et d’abord la Chine, du danger de la dépendance aux capitaux étrangers. En rupture avec les dogmes du consensus de Washington, les marchés des capitaux se sont refermés. La croissance s’est du coup reportée sur les exportations de biens manufacturés, appelés à constituer des excédents pour remplacer des importations de capitaux trop risqués.
- Rapidement ces pays passent du stade de débiteurs nets des pays occidentaux à celui de créditeurs. Ils se dotent, à l’instar des pays pétroliers, de fonds souverains qui investissent sur tous les marchés, y compris dans les pays riches. Avec la crise et le creusement de leurs dettes, ces derniers ne font plus la fine bouche.
- Si en 2005 le géant pétrolier chinois CNOOC se voyait empêché de racheter l’américain UNOCAL, le port du Pirée passait sous pavillon chinois (Cosco) en 2009.
- Sans peser autant, les remises des travailleurs émigrés participent elles aussi fortement à ce mouvement : pour l’ensemble des PMA, elles se montent à 27 milliards de dollars en 2011, deux fois plus qu’à la fin des 80’s. Les émergents captent les flux les plus importants, à proportion de l’importance de leur diaspora : l’Inde comme la Chine ont ainsi reçu chacune 60 milliards de dollars en 2011.
- Dès 2010, l’OCDE évaluait que les PIB des pays riches ne pesaient plus que 51% du total mondial, contre 60% en 2000. Le mouvement devrait se prolonger, avec un poids réduit à 43% en 2030.
- La dynamique est impulsée par les géants démographiques des Sud, par les nouveaux espaces industriels de l’Asie, mais elle correspond aussi à une diffusion générale. De 1990 à 2010, les pays connaissant une croissance deux fois supérieure à celle des membres de l’OCDE sont ainsi passés de 12 à 65. Une croissance forte et soutenue et une insertion dans les échanges mondiaux placent cette soixantaine de pays dans la catégorie de l’émergence. L’expression es déjà ancienne (1981, Raphaël Van Agtmaël, pour la Banque mondiale), mais elle prend désormais tout son sens, en débordant du simple constat financier. Plus de 4 milliards d’humains sont concernés, sur tous les continents. Une hiérarchie rapide distingue les géants chinois et indien, auquel on peut agréger le Brésil, et peut-être l’Indonésie. Puis un cran en dessous se trouveraient des pays de taille moyenne comme la Turquie, Colombie, Mexique, Vietnam, Egypte et Afrique du Sud. Leurs situations sont contrastées, comme leur croissance et la nature de leur économie, mais tous offrent des perspectives à moyen terme, pour peu que leur situation politique se stabilise (elle reste incertaine en Egypte, par exemple, après la chute de Moubarak).
- Et les PMA sont aussi concernés : de 55 pays pauvres au début des 90’s, on passait dans le même temps à 25, selon les critères de l’OCDE. L’Afrique, qui reste en retard de développement, bénéficie depuis le milieu des 2000’s de la hausse des matières premières dont elle est abondamment dotée. Sa croissance économique semble enfin régulière (5,5% sur les 12 premières années du siècle, deux fois plus que la croissance de la population), et six pays du continent font partie en 2012 des dix plus fortes croissances.
- Le rééquilibrage du commerce
- La domination des pôles classiques du commerce sur le monde par le jeu des échanges est aussi remise en cause par de nouvelles orientations des flux. Les échanges Sud-Sud progressent plus vite que les autres : ils ont été multipliés par 10 entre 1990 et 2008, alors que le commerce mondial ne l’a été que par 4. La Chine s’impose comme premier partenaire des pays d’Asie, mais aussi du Brésil, et de l’Afrique du Sud, dépassant partout les USA et les puissances occidentales. Les interconnexions s’accroissent donc entre ces Sud autrefois marginalisés, et on estime que chaque point de croissance du géant chinois génère 0,2 point supplémentaire pour les pays pauvres, 0,3 pour ceux à revenus intermédiaires. Les flux Sud-Sud restent néanmoins dominés par des échanges de biens à faible VA, voire de matières premières (l’essentiel des achats chinois au Brésil, au grand dam de ce dernier).
- Les théories classiques du commerce sont par ailleurs revisitées par de nouvelles logiques de division des tâches. Là où l’optique ricardienne raisonnait en termes de produit final, tout comme Paul Krugman dans son analyse des échanges dans la seconde moitié du XXe siècle, la fragmentation de la production s’inscrit désormais dans une chaîne de valeur mondialisée.
- Le smartphone produit à Shenzhen n’y est qu’assemblé, pour une VA qui n’excède pas quelques % de son prix de vente. La segmentation verticale de la chaîne de production passe par le Japon, l’Allemagne et Taïwan. Les statistiques enregistrent pourtant sur l’iPhone un déficit américain de 1,9 milliards de dollars en faveur de la Chine. Si l’on en retire la valeur des composants venant d’autres pays, le déficit n’est plus que de 73 millions, tandis qu’il monte à 685 pour le Japon et à 341 pour l’Allemagne.
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