La mémoire de la guerre d'Algérie
Par Andrea • 10 Octobre 2018 • 2 452 Mots (10 Pages) • 472 Vues
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- L’historien face à la guerre des mémoires, des années 90 à nos jours
- Le travail universitaire et l’ouverture des archives en France
- La multiplication des travaux universitaires
Au cours des années 80 et surtout pendant les années 90, le travail des historiens s’enrichit considérablement, notamment grâce à l’ouverture progressive des archives publiques pour les chercheurs. Elle se fait en plusieurs temps : 1992, première ouverture mais les archives sensibles continuent d’être inaccessibles. Dès son arrivée au pouvoir en 1997, le premier ministre socialiste Lionel Jospin se prononce pour un plus large accès aux archives pour les historiens et une circulaire de 2001 facilite encore leur travail jusqu’à la nouvelle fermeture des archives militaires en 2002 (J Chirac).
1988 :1er colloque universitaire sur la Guerre d’Algérie organisé par Benjamin Stora. Les années 90 sont marquées par la publication de nombreux ouvrages qui permettent de beaucoup mieux connaître la question et en particulier certaines questions sensibles ex : 1990 publication de « la bataille de Paris » de l’historien Jean-Luc Einaudi qui fait connaître un évènement totalement méconnu par la société française, le massacre du 17 octobre 1961 (évènement déjà évoqué par Didier Daeninckx en 1984 dans « Meurtres pour mémoire » qui évoque la vie de Maurice Papon).
Mais le sujet sensible par excellence sera la question de la torture.
- La question de la torture
En 2000, l’historienne Raphaëlle Branche soutient une thèse de doctorat sur l’usage de la torture par l’armée française pendant la guerre d’Algérie, au moment même où des témoignages de victimes et de bourreaux ont également lieu (Louisette Ighilahriz et les généraux Aussaresses et Massu). (Document 4 : Le travail de l’historien. + Document 5 : Le témoignage d'une victime de la torture.). Aussaresses est condamné en justice non pas pour ses crimes commis, mais pour « complicité d’apologie de crimes de guerre » du fait des lois d’amnistie.
- La surenchère mémorielle, l’instrumentalisation de l’histoire
- L’histoire face aux mémoires
Les travaux des historiens sont rarement connus du grand public, mais ils ont reçu un large écho et donc une grande diffusion médiatique sous la forme de documentaires et de créations artistiques : « L’ennemi intime » documentaire de Patrick Rotman (suivi d’un film de cinéma), « Indigènes », « Hors-la-loi »…
Cette émergence de la question de la guerre d’Algérie dans le débat public français a entraîné de fortes réactions :
Pour une partie de la communauté pied-noire et ses associations les plus représentatives, les travaux portant sur la décolonisation en général et la guerre d’Algérie en particulier ont tendance à heurter une mémoire qui s’était construite dans une logique de victimisation (victimes des combats et des règlements de compte surtout entre la signature des accords d’Evian et juillet 62 date de l’indépendance ex les disparus d’Oran du 5 juillet 62, mise en arrière-plan du déchirement lié au déracinement de la terre natale et du mauvais accueil réservé par la société française).
Pour une partie des anciens combattants, ces travaux et notamment ceux portant sur la question de la torture entachent l’image de l’armée française et occultent les souffrances endurées par les combattants.
Concernant les harkis, ces travaux confirment leur « mauvais choix » du point de vue de la marche de l’histoire puisqu’ils s’étaient rangés du côté des pro-colonialistes et donc contre la légitime indépendance de la nation algérienne, mais ils rappellent aussi à quel point le comportement de la République à leur égard a été injuste : abandon de la grande majorité en Algérie (massacrée) et relégation et abandon en France pour ceux qui ont été rapatriés. Ils sont des traîtres du point de vue des Algériens et des parias en France. En 2001, des associations de harkis portent plainte pour crime contre l’humanité contre l’Etat français, mais leur demande a été déboutée.
(Document 6 : Des combattants oubliés. + Document 7 : Une mémoire blessée.)
Un affrontement globalement gauche-droite française oppose d’une part une partie de la gauche qui prétend « réparer » et « rétablir » la vérité (alors qu’elle l’a longuement occultée elle aussi et que du temps de la guerre d’Algérie elle a très longtemps soutenu le principe d’une Algérie française) et d’autre part une partie de la droite qui rejette la dégradation de l’image de la France qu’entraîne les nouvelles connaissances et une inutile « repentance » systématique française unilatérale.
- L’instrumentalisation de l’histoire par les pouvoirs publics
(Document 8 : Un lieu de mémoire officiel. + Document 9 : La fin de l’amnésie française.)
Afin de rattraper un déficit de mémoire et dans un souci purement électoraliste, les pouvoirs publics ont multiplié les gestes de « devoir de mémoire » au cours des dernières années :
1999 L’Assemblée nationale vote une loi dans laquelle l’expression « opérations effectuées en Afrique du Nord » est remplacée par « Guerre d’Algérie ».
25 septembre 2001 : journée d’hommage national d’hommage en l’honneur des harkis
2002 Inauguration du mémorial de la guerre d’Algérie
2005 Un article d’une loi votée par le Parlement indique que « les programmes scolaires reconnaissent le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, et accordent à l’Histoire et aux sacrifices des combattants de l’armée française issus de ces territoires la place éminente à laquelle ils ont droit ». Le politique en l’occurrence non seulement a voulu flatter les mémoires de certains groupes sociaux mais en plus a prétendu se faire historien à la place des chercheurs en établissant une vérité très éloignée de celle de l’état actuel des recherches. Les réactions ont été très vives (ex pétition pour « la liberté de l’histoire ») et cet article de loi a été rapidement supprimé.
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