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L'hagiographie

Par   •  23 Mai 2018  •  3 948 Mots (16 Pages)  •  445 Vues

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En vérité, au haut Moyen Age, les Vies de saints n’étaient pas à destination du peuple, mais de l’élite. Et, bien que le potentiel didactique des Vies de saints n’eût pas échappé à l’élite dès les débuts de leur culte au IVe siècle, il ne fut systématiquement exploité en Occident que petit à petit. L’élite ecclésiastique avait d’abord dû modifier sa conception du monde qui de passive (elle ne cherche pas à transformer le monde à condition que le monde ne la transforme pas, elle) allait devenir active (elle se met à intervenir dans les affaires du monde et à les diriger). Cette évolution s’accomplit entre les XIe et XIIIe siècles.

C) La composition d’un saint « type », l’exemple de sainte Eulalie.

L’exemple « type » du saint regroupe des stéréotypes qui se trouvent déjà dans les textes antiques profanes, qu’ils soient narratifs ou épidictiques (éloges) :

1) Le saint est un être prédestiné, dont la naissance est souvent entourée de merveilleux.

2) C’est un sage avant l’heure, qui ne participe pas aux jeux d’enfants, car le temps de la sainteté participe du projet divin et échappe à la dimension humaine.

3) Il triomphe des tentations.

4) La liste de ses vertus est modulable à souhait.

5) Ces vertus se matérialisent par des actes concrets comme les aumônes, et par des manifestions thaumaturgiques.

6) Le saint est souvent désigné comme un être asocial, subissant de mauvais traitements de la part d’autrui et s’infligeant des abaissements volontaires ; il est tiraillé entre le désir de se retirer du monde et les sollicitations de ce monde.

7) Lui ou son entourage, ont la prescience de sa mort.

Pourtant l’hagiographie ne peut se réduire à l’expression de la sainteté : pour qu’il y ait un récit, il faut qu’il y ait des actions appelées le loctus communis qui est un lieu commun, où toute la communauté culturelle se rejoint autour de valeurs qu’elle partage. Quand l’hagiographe ne sait rien de la biographie d’un saint, il invente en puisant dans le fond commun des « bonnes actions » et des miracles de toutes sortes, il retrouve quelque-chose qui existait déjà, en évitant surtout d’inventer. Le but étant de conformer le saint à un moule.

Cantilène de Sainte Eulalie, sainte du IVe siècle, premier texte écrit en langue vernaculaire :

La jeune Eulalie était un modèle de perfection, elle avait un beau corps, une âme plus belle encore. Les ennemis de Dieu voulurent la vaincre, ils voulurent la faire servir le diable. Mais elle n’écouta pas les mauvais conseillers qui l’engageaient à renier Dieu dont le séjour est dans les cieux. Ni l’or, ni l’argent, ni les parures, ni les menaces du roi, ni les prières, rien ne put amener la noble enfant à cesser d’aimer le service de Dieu. On la conduisit donc devant Maximien qui régnait en ce temps-là sur les païens. Il l’exhorte, peine perdue, à déserter la cause du Christ. Aussi endure-t-elle le supplice du feu. Elle supporterait plutôt les supplices que de perdre la pureté de son âme. C’est pourquoi elle subit une mort glorieuse. On la jeta dans le feu pour la brûler promptement. Elle n’avait commis aucun péché, c’est pourquoi elle ne se consuma pas. Le roi païen ne voulut pas s’y résigner : il ordonna de lui trancher la tête avec une épée. La noble fille ne s’y refusa pas, elle voulait quitter le monde et elle en supplie le Christ. Sous la forme d’une colombe, elle s’envola au ciel. Prions-la tous, afin qu’elle daigne intercéder pour nous et que le Christ nous prenne en pitié, après la mort, et nous laisse venir à lui,

dans sa miséricorde.

II/ La généralisation du culte des saints au bas Moyen Age (987-1498), et apparition du saint moderne.

- Contexte historique du XIe siècle.

Comme l’Eglise avait choisi d’être un groupe non armé, elle n’avait la possibilité d’influencer que ceux qui croyaient en la force de ses sanctions spirituelles. Chaque fois qu’elle voulait étendre son pouvoir, il lui fallait éduquer de nouveaux publics ou en rééduquer d’anciens. Dans un premier temps de la révolution ecclésiastique, entre le XIe et le XIIe siècle, l’élite chercha surtout à rééduquer la classe des guerriers, depuis le châtelain local jusqu’à l’empereur. Les guerriers étaient perçus comme une menace physique et sociale pour les ecclésiastes. Pour rééduquer ces gens, l’Eglise se chargea de créer un nouveau type idéal, le chevalier chrétien, défenseur de la veuve et de l’orphelin. Avec nombre de récits, d’images et de prédications, l’Eglise s’efforça de faire pression sur les membres de l’élite laïque pour qu’ils redoutent plutôt le dieu invisible et son agent dans l’âme (la conscience) que la risée et le mépris de leurs pairs. Ce projet pédagogique n’a connu qu’un succès partiel.

Parmi les saints « guerriers », on peut nommer par exemple Saint Théodore de la Légende Dorée de Jacques de Voragine.

« Théodore souffrit le martyre dans la ville des Marmaritains sous Dioclétien et Maximilien. Comme le gouverneur disait qu’il devait retrouver la fonction militaire qu’il occupait auparavant, Théodore répondit : « Ma carrière militaire est au service de mon Dieu et de son fils Jésus-Christ. »

Il a fallu attendre de nombreuses années pour réfréner quelque peu la violence des combattants. Mais cela ne s’arrête pas là, puisqu’un changement majeur va se faire auprès du peuple.

Au XIe siècle, le monde a changé : l’arrêt des vagues d’invasions, avec le renouvellement de l’empire sous le règne d’Otton Ier, ainsi que la révolution des techniques agricoles ont permis une énorme poussée démographique en Occident ; la reprise du commerce favorise la circulation des marchands, des produits et des idées sur les chemins de l’Europe. De nouvelles agglomérations et des besoins nouveaux ont fait apparaître des modes de vie et de pensée inédits. La faim ne les asservissant plus, le peuple réclame de nouvelles libertés. Il prenne part sans y avoir été invité à la première croisade ; il remplit les chemins qui sont réaménagés à travers l’Europe vers les lieux de pèlerinage ; il crée des confréries pour se livrer à une activité

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