Cohésion et intégration
Par Andrea • 15 Octobre 2018 • 17 618 Mots (71 Pages) • 374 Vues
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Rowena NOUVEAU
Voici un extrait de la lettre d’une jeune dame porteuse de handicap adressée au président du gouvernement de Polynésie Française. Elle dénonce le manque de moyens financiers disponibles pour améliorer l’architecture des zones urbaines. Je suis actuellement en cours d’emploi au sein d’une structure qui accueille un public porteur de handicaps voire de polyhandicaps avec des troubles associés. Je connais le combat que mènent ces personnes en terme d’accessibilité. Ce combat est partagé car nous éducateurs, nous battons pour faire évoluer le regard des gens dits « ordinaires » vis-à-vis des différences physiques ou mentales. Prenons l’exemple du handicap : Seule la Polynésie Française oblige les entreprises locales à embaucher des personnes porteuses de handicaps, à hauteur de 2 % contre 6 % en métropole[1]. Ou bien celui des SDF. En métropole ils sont près de 3,8 millions en situation de « mal-logement » en janvier 2016 dont 900 000 personnes privés de logement[2].
L’exclusion est, pour ma part, un sujet d’actualité et un problème sociétal qui prend de l’ampleur. Cependant je continu de croire que si une société est capable de mettre des personnes « de côté », elle est aussi capable de les intégrer. Je m’appuierais sur des pensées théoriques de professionnels pour cerner cette idée. Et armé de mes outils de formation, mes expériences et tous ceux qui partage mon idéologie de la société, nous continuerons à nous battre pour instaurer un véritable « vivre ensemble ».
- SITUATIONS SOCIO EDUCATIVE
En première année
J’ai effectué mon premier stage en foyer éducatif s’inspirant des missions d’une Maison d’Enfant à Caractère Social (MECS), au regard des lois relatives à la protection de l’enfance. Le foyer accueille des adolescents de 14 à 17 ans, en difficulté familiale, d’insertion sociale, scolaire et relationnelle. À ce jour, une douzaine de jeunes, venus de tous les archipels de la Polynésie française, occupent le foyer. Le foyer est divisé en trois bâtiments bien distincts. Deux sont réservés à l’usage des jeunes dont les dortoirs. Les plus jeunes, âgés de 12 à 14 ans, occupent un bâtiment et les plus grands, de 15 à 17 ans l’autre bâtiment. La structure dispose de 3 hectares de terre cultivé et d’un terrain de basketball et de volleyball, une table de « ping pong », des boules de pétanque, etc. De nombreuses activités sont organisées en interne (matchs de foot, matchs de basket, activités agricoles ou horticoles) et aussi en externe (sorties plages, etc.)
Lors de cette première expérience de stage, la situation de NICO m’a interpellé. NICO est un jeune garçon âgé de 14 ans. De grande taille, l’équipe socio éducative, soutenue par la direction, décide de l’intégrer au groupe des 15 à 17 ans. Très vite nous avons remarqué que NICO rencontrait des difficultés à se positionner par rapport au cadre de l’établissement et face aux normes du groupe. Dans un premier temps, le fonctionnement de l’établissement précise les horaires de service afin de ritualiser ces temps fort[3]. C’est à dire que le repas est servi à 18h00 et les jeunes doivent, par conséquent, s’organiser pour aller se doucher vers 17h00 afin d’arriver ensemble au réfectoire. Cependant, j’ai remarqué que, régulièrement NICO se douche après tous ses camarades du foyer ; ce qui entraine souvent une réorganisation. Afin de favoriser les relations entre les jeunes, les repas sont pris tous ensemble (avec les éducateurs). Les retards de NICO ont, un soir, amené l’équipe à servir le souper à 18h30 et le groupe a notamment fait ressentir son mécontentement. Certains lui renvoyaient : « C’est toujours toi le dernier à aller te doucher ! Au lieu de tarder au « badamier[4] » et trainer les pieds dans les couloirs, tu aurais eu tout le temps de te doucher et d’arriver à l’heure ! À cause de toi on mange tard et le temps de faire nos services ménagers, on pourra pas regarder la télévision ! ». D’autres c’était : « En plus tu te baignes mal ! Tu n’as même pas de savon ! Ne t’assoie pas à côté de moi ! ». NICO ne semblait pas perméable aux réactions de ses camarades, mais prenait en considération ces renvois. Il leur répondait : « Je me suis baigné ! Il n’y avait plus de douche, c’est pour ça que je ne me suis pas vite douché ! » Une régulation a été faite en équipe afin de trouver une solution pour tenter de pallier la situation.
J’ai rencontré NICO dans le cadre d’un entretien individuel afin d’avoir des explications sur les raisons qui le poussent à se doucher tard, que ce comportement pourrait le mettre en difficulté dans le groupe. Je souhaitais savoir si c’est le regard de ses camarades, sur sa surcharge pondérale, qui est à l’origine de ce « blocage » Il m’a répondu : « Chez moi, il n’y a pas de douche. On attend la nuit pour monter sur un terrain communal pour avoir accès à un robinet d’eau ! ». Avec l’équipe, nous avons donc tenté de trouver une solution pour lui permettre de s’approprier le cadre de l’institution, en le renvoyant au règlement intérieur. J’ai, par la suite, proposé à NICO de prendre sa douche avant tout le monde, c’est à dire à 17h00, et je lui expliquais comment se savonner (de la tête aux pieds), se brosser les pieds, le dos... La première semaine de mon intervention, je l’accompagnais à la douche pour être sûr qu’il y soit. Puis petit à petit, je le laissais s’organiser de manière plus autonome. Il venait me voir à chaque fois qu’il finissait de se doucher pour que je puisse voir qu’il est propre, coiffé, etc. La semaine suivante, NICO reprenait ses « vieilles habitudes » et retournait se doucher après tous ses camarades, entrainant un réajustement de l’organisation. Je le rencontre régulièrement pour tenter de le sensibiliser aux écarts et aux risques qu’il encourt en adoptant cette conduite. Puis, de nouveau, l’équipe et moi remarquions des efforts de sa part, mais évaluons des difficultés à intégrer le règlement.
Deuxièmement, à l’arrivée de NICO au foyer, un entretien est effectué en présence de l’équipe et la direction. Nous lui avons expliqué le règlement de fonctionnement, puis en lui montrant l’espace fumeur (badamier) nous lui avons demandé s’il fumait ; ce n’était pas rare qu’un adolescent de cet âge fume du tabac, voire se drogue. Ce dernier nous a donc répondu : « Non, je ne fume pas ! Je n’aime pas ça ! Ca sent mauvais et, en plus, ça jaunie les dents ! » Je lui ai donc suggérer de ne pas s’aventurer
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