L'homme peut-il être défini par sa seule conscience?
Par Andrea • 28 Mai 2018 • 1 749 Mots (7 Pages) • 705 Vues
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Si tous les hommes possèdent la conscience de soi, celle-ci ne se manifeste pas de façon spontanée à la naissance de l'enfant. On peut donc définir la conscience comme non essentielles à notre être; elle n'en est pas inséparable, puisqu'elle n'est pas innée. La conscience s'acquiert au cours des premières années de la vie. Kant observe que les enfants n'acquièrent la capacité de dire Je qu'à partir d'un an. L'enfant apprend assez tardivement à parler à la première personne du singulier, parce que cela présuppose déjà une conscience de sa propre identité. De même, il n'est pas capable de reconnaître directement sa propre image dans un miroir. Il ne sait d'abord même pas qu'il ne s'agit que d'une image, il croit voir une autre forme de vie infantile en face de lui. L’enfant doit donc être éduqué pour accéder à l'humanité; au statut d’homme. La conscience de soi qui existe "en puissance" dans tout homme a donc besoin d'être "actualisée" par l'éducation. Si la conscience de soi "élève l'homme" alors l’acquisition de la conscience de soi constitue un stade déterminant, l'entrée dans la condition humaine, qui complète un être qui n'est plus simplement un corps passif, soumis à la satisfaction de ses besoins, mais qui est désormais capable de se penser. Même s'il n'est pas encore un sujet responsable, il va pouvoir être éduqué à la liberté. Qu'est-ce qui constitue alors l'essence de l'homme, si ce n'est pas la conscience ?
Ne serait-ce pas que l’homme, justement, soit un être sans essence ? Définir un homme en particulier par un talent sans lui attribuer en propre ce qui appartient aussi à d'autres est assez difficile, ou sans exclure une partie de l'humanité dans la définition de l'homme. En effet, si l'on définit l'essence de l'homme comme étant la conscience, que fait-on alors du nouveau-né ? Faut-il estimer qu'il n’a aucune part d’humanité ? Et le dégénéré ? Le seul moyen de définir convenablement l'humanité, c'est-à-dire sans exclure aucun être qui puisse y prétendre, et sans y inclure les autres, c'est de considérer l'homme justement comme un être sans essence : ce qui définit l'humanité, c'est justement de ne pas pouvoir être enfermée dans une définition unique, c'est sa mobilité et sa diversité. Il n'y a guère de facultés innées chez l'homme, sinon précisément le pouvoir d'acquérir, la faculté d'apprendre. Rousseau prône également la perfectibilité de l’homme…
Dès sa naissance, un animal est pratiquement tout ce qu'il sera toute sa vie. Ses facultés, notamment celles qui sont propres à son espèce, comme de nager, de voler ou de survivre, sont très vite développées. En revanche, un homme à la naissance n'est encore rien ; parce qu'il a beaucoup à apprendre. La perfectibilité se traduit aussi par le fait que l'homme "est sujet à devenir imbécile", dit Rousseau. Ce qui n'est pas inné, on peut le perdre. Ce que l'on apprend, on peut aussi l'oublier. C'est pourquoi même les formes de régression ou autres maladies mentales telles que la sénilité ou la folie sont des marques de l'humanité de celui qui en est atteint. C'est justement parce qu'il est un homme qu'il peut perdre ce qu'il a acquis. Ce qu'il avait acquis ne relevait pas de l'instinct, mais de l'apprentissage. Néanmoins, la conscience morale, au moins formellement, ne serait-elle pas susceptible, en ce sens, de permettre à l’homme de se définir ? Car pour pouvoir se définir, ne faut-il pas que l’on soit conscient de ce que l’on est et de ce que l’on fait, même si cette conscience de soi peut être source d’illusions. Car enfin comment sortir de l‘illusion sans prendre conscience de celle-ci ? Plus encore, l’environnement peut définir la conscience, et donc l’homme. Pour Marx aussi, la conscience n’est pas pure et première . Pour lui, ce qui est premier et qui détermine notre conscience, ce sont les conditions matérielles de notre existence .Dès lors, parvenir à la connaissance de soi ne repose pas sur la conscience de soi mais sur la mise au jour des rapports déterminés qui constituent notre être social. « Ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine leur existence, c’est au contraire leur existence sociale qui détermine leur existence » (Avant propos à la critique de l’économie politique).
Pour conclure, est ce que l’homme est définit par sa seule conscience ? Y a-t-il un sens à vouloir définir l’homme, que ce soit par sa conscience, son corps, son inconscient ou toute autre qualité jugée essentielle ? A mon avis, la conscience de soi définit l'homme, mais pas forcément l’inverse. L'homme se définit comme un sujet non seulement parce qu'il est doté de la capacité de penser, mais aussi parce qu'il est par nature un être sociable, doué d’apprentissage, qui ne peut vivre qu'en relation avec un autre que lui. La pensée ne peut se construire que dans l'interaction avec et pour autrui.
Dante : “Pourvu que ma conscience ne me fasse pas de reproches, je suis prêt à subir la volonté de la fortune” (La Divine Comédie)
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