Kant, qu'est-ce que les Lumières ?
Par Ramy • 30 Octobre 2018 • 5 331 Mots (22 Pages) • 506 Vues
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projet à un public plus large que les seuls intellectuels.
Remarque : le mot allemand pour « Lumières » est Aufklärung, qui est plus juste pour exprimer le projet, car il signifie « éclaircissement, mise en lumière ». Il est à rapprocher de Erklärung, « explication, élucidation », et exprime bien l’idée d’un mouvement vers les Lumières de la raison, un processus dynamique et graduel.
En complément, lire les pages 57 et 66.
3. Mise en rapport avec « Idée d’une histoire universelle du point de vue cosmopolitique » (1784)
Publié la même année, cet autre texte de Kant est très important pour comprendre les passages de notre texte consacrés à l’idée de progrès collectif graduel de la raison humaine.
2 idées importantes :
• L’idée d’ « insociable sociabilité » : cette expression paradoxale définie la nature humaine. Chaque homme est prêt à instituer des lois dans l’intérêt de tous (garantir la sécurité et la liberté civile de chacun), mais en même temps, il voudrait être une exception, avoir quelque privilège, et supporte parfois mal la vie en commun. Donc, chaque homme est à la fois sociable et insociable. Pour Kant, ce paradoxe n’est pas un défaut mais une qualité, car cette caractéristique engendre une émulation au sein de la société. Une émulation est une stimulation intellectuelle réciproque ; ainsi, les conflits sociaux poussent chacun à donner le meilleur de lui-même, à montrer de quoi il est capable, et à se dépasser pour « tirer son épingle du jeu ».
• L’idée de cosmopolitisme : tout se passe comme si la nature avait créé l’homme à partir d’un projet secret. L’homme n’est pas réductible à ses instincts, c’est un être rationnel et moral, mais il ne l’est qu’en puissance. Il faut alors qu’il réalise en acte sa nature, qui est d’agir suivant la raison et le devoir moral. C’est ce qu’on appelle une conception épigénétique : nous avons une nature prédéfinie, mais elle n’existe d’abord que sous forme de « germes », de qualités virtuelles : il faut donc s’appliquer à accompagner leur réalisation dans leur développement naturel. Il y a pour Kant un progrès général de l’humanité, la nature conduit l’homme vers sa plus haute perfection. Le but ultime de ce progrès est le cosmopolitisme, c’est-à-dire la généralisation des droits fondamentaux et des exigences rationnelles présents en tout humain. Cela doit nous amener vers une Société des Nations et une paix universelle et perpétuelle, quand chacun aura actualisé ce qui fait sa dignité, et qu’il n’y aura donc qu’une seule et même humanité.
Analyse du texte
I. Paragraphes 1 et 2 : Minorité et majorité de pensée
Réviser l’analyse faite dans la disposition d’esprit philosophique : ce qui suit ne fait qu’apporter quelques précisions.
Point de départ : Kant constate l’état de tutelle de la pensée du peuple de son époque. Etre majeur du point de vue de la loi ne veut pas forcément dire être majeur du point de vue de la raison et de l’esprit critique. Il faut apprendre à penser, c’est un devoir de tout homme, qui est par nature un être rationnel, qui a droit à la liberté de penser.
Question : quelles sont les causes de cette mise sous tutelle de la pensée ?
Thèse : chacun est soi-même la cause du fait qu’il n’utilise pas son esprit critique et sa réflexion ; c’est une servitude volontaire, une auto-aliénation, c’est-à-dire que des hommes ont préféré déléguer leur pensée à d’autres (hommes politiques, prêtres, gourous, précepteurs …), d’autres pensent à leur place. La vocation et la responsabilité de tout humain est pourtant d’utiliser son entendement.
Enjeu du texte : recherche des causes de la minorité de pensée, dans le but de se libérer progressivement des préjugés, mais aussi des idéologies politique et religieuse qui aliènent la conscience du peuple. Kant veut nous montrer les dangers du despotisme (pouvoir absolu entre les mains d’un seul), du cléricalisme (contrôle de la politique par la religion), et plus généralement du dogmatisme (définition absolue, définitive et imposée de la vérité, pour exercer un ascendant sur autrui).
Plan :
• Ligne 1 à 9 : penser par soi-même est un processus, un apprentissage progressif, on ne peut pas se libérer d’un coup des préjugés qu’on nous a inculqués.
Explication de la devise : sapere aude = ose savoir. Maxime empruntée au poète latin Horace, et qui veut dire qu’il faut avoir le courage de penser par soi-même, au risque de se tromper, car l’esprit critique implique de toute façon de tirer les enseignements de ses erreurs. Kant pense la gradation d’un effort pour faire usage de notre propre entendement. Mais attention : penser par soi-même est diffèrent de penser tout seul.
• Ligne 10 à 21 : 3 causes intérieures à nous-mêmes nous maintiennent par notre propre faute dans la minorité de pensée :
- La paresse (c’est dur de réfléchir, c’est si simple de croire sans chercher à comprendre)
- La lâcheté (remettre en cause ce qu’on croyait être vrai est un effort qui demande du courage, car on perd nos repères)
- La tranquillité (je laisse les professionnels de l’intelligence penser à ma place, comme cela j’ai tout mon temps pour assouvir mes intérêts égoïstes et matériels, sans souci de la liberté d’autrui ni de l’intérêt général).
Le mineur se complait dans son ignorance, ses préjugés, son irresponsabilité.
• Ligne 21 à 33 : les tuteurs profitent de notre passivité et de notre docilité initiale pour prendre possession de l’intelligence, et nous maintenir dans notre état de minorité intellectuelle, alors que la vocation de tout homme est de penser par soi-même.
Attention : « penser par soi-même » ne signifie ni penser subjectivement, ni penser tout seul. Cela signifie qu’on doit toujours examiner avec notre réflexion toutes les informations qui nous parviennent, qu’elles viennent des autres ou de notre propre esprit. Le propre de la raison humaine est de remettre en cause régulièrement les connaissances acquises, car nous savons que nous ne connaissons toujours qu’une partie de la vérité, ou la vérité d’un certain point de vue seulement. L’esprit critique appliqué à soi-même permet donc d’être
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