Iran, la révolution invisible
Par Ramy • 16 Novembre 2018 • 3 751 Mots (16 Pages) • 426 Vues
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activités iraniennes d’enrichissement de l’uranium, n’aura été que de courte durée. Ceci s’explique par l’élection de M. Ahmadinejad en 2005 qui a suscité un certain nombre d’inquiétudes à l’échelon international. Le radicalisme de son opposition vis-à-vis des Etats-Unis et d’Israël ont rendu difficile les négociations du dossier nucléaire. Et de par l’agressivité affichée contre les occidentaux, les européens ont semblé alors rejoindre la position américaine, selon laquelle il était impossible de négocier avec ce régime. Preuve en est, lorsqu’il a annoncé qu’il reprendrait ses activités d’enrichissement de l’uranium, mettant ainsi fin à l’accord déjà conclu, contribuant de facto à isoler de nouveau l’Iran.
I.2. Le désenchantement d’une large majorité de la population
La politique discriminatoire, pratiquée par la république islamique, a engendré un sentiment de frustration chez une majorité d’Iraniens qui avait aussi participé à la révolution pour mettre fin aux injustices du régime précédent. Au début, l’apparition d’une nouvelle forme de clientélisme a attisé un sentiment de désenchantement des iraniens qui avaient suivi aveuglément le régime durant la révolution. A l’opposé des valeurs de sacrifice et de combat prônées par les islamistes, les iraniens vivaient dans une désillusion absurde, accentuée par le formidable développement de la corruption au sein de la population et aggravé par la nomination, à tous les échelons hiérarchiques du secteur public, de fidèles du régime qui n’avaient aucune compétence pour exercer ces responsabilités. De surcroit, le pays continuait d’être géré par un État qui redistribuait la rente pétrolière à sa clientèle politique, comme si on se trouvait face à une société dans laquelle, derrière la façade islamique, le matérialisme et le désir de consommation tiennent lieu de valeurs de base, puisque la logique des rapports économiques et sociaux était restée la même et que seules les classes dominantes avaient changé ; les bazari et les fondations religieuses remplaçant les industriels proches de la famille royale à l’époque du SHAH.
I.3. Nationalisme iranien :
Par ailleurs, une autre dimension importante, sans laquelle on ne comprendra pas l’Iran contemporain, est le poids du nationalisme, peut-être plus puissant et plus pérenne que celui de l’islamisme. Effectivement, tous les événements post-révolution islamique ont conduit à infléchir progressivement le contrat moral initial pour faire du nationalisme l’élément majeur de la légitimité du régime. Au début, le caractère religieux de la révolution islamique, considéré comme véritable force de résistance de la nation face à une occidentalisation imposée, a sans doute dissimulé à quel point cette révolution fut aussi une étape dans la construction d’une identité nationale. En s’opposant à un régime trop « occidentalisé » pour sauvegarder les valeurs islamiques, KHOMEYNI défendait aussi une identité nationale menacée. Dès lors, il passa très vite aux yeux de beaucoup d’Iraniens pour le véritable « bouclier » de la nation. Par la suite, du fait de la délégitimassions graduelle de la référence « islamiste » face à une population désenchantée par les nouvelles politiques de la république, cette composante nationaliste prit une place croissante au point de devenir graduellement le point d’ancrage le plus solide du régime. Et c’est pendant la guerre avec l’Irak, que KHOMEYNI fit alors autant appel aux sentiments patriotiques que religieux, en appelant à la mobilisation pour défendre la patrie, déclarant ainsi : « La patrie, plus chère que la vie ». C’est alors que le sentiment national a véritablement fusionné avec l’affect religieux. On comprend ainsi dans quelle mesure la guerre avec l’Irak a pu, en quelque sorte, servir les intérêts du régime.
II. Pragmatisme iranien : une logique d’adaptation aux aspirations d’une
société ambivalente :
II.1. Coexistence de plusieurs mouvances, aux différentes aspirations : facteur de pérennité du régime islamique
D’une part, le régime politique de la république islamique se base sur des institutions démocratiques qui revêtent un caractère absolument moderne. Dans ce cadre, la République islamique s’est ainsi inspirée d’une Constitution, recentrant le système politique iranien sur la séparation des pouvoirs entre l’exécutif, l’appareil judiciaire et le Parlement. Dans ce cadre, on est loin d’une véritable islamisation de ce système; puisque le fonctionnement des institutions de la République a montré que, très souvent, la logique politique dominait la logique religieuse ; le régime a renoncé, la plupart du temps, à appliquer des politiques « islamiques » en matière de politique sociale, économique ou dans les relations internationales. Il a plutôt continué d’utiliser toutes les institutions politiques et économiques de l’ancien régime. La meilleure preuve en est le caractère absolument moderne des institutions et le rôle réel joué par des acteurs de nature démocratique tels que le Parlement ou la Présidence. Ceci s’explique par le fait que depuis les premiers temps du régime, il n’y a pas un modèle unique islamique mais plusieurs versions en compétition les unes avec les autres, dans lesquelles se retrouvent les idées libérales, islamiques, marxistes, nationalistes. Et c’est dans chacun de ces modèles, que les différentes classes sociales ont trouvé, les motifs de soutenir le régime. D’ailleurs, on ne peut nier, en effet, que ce système politique a été celui qui, dans la région, a laissé le plus d’espace au débat entre des différentes forces politiques. Les institutions politiques iraniennes n’ont pas été uniquement créées d’après des références religieuses mais plutôt dans le but de concilier les différentes sources d’inspiration. Donc, la volonté d’islamisation des institutions politiques doit être relativisée, du moment que parallèlement à cette capacité à gérer la diversité et l’homogénéité des courants politiques, le régime a aussi bénéficié de son aptitude à mettre en place un système institutionnel, qui, en dépit de nombreux blocages, induits justement par la lutte entre ces courants, fonctionne à peu près normalement. Il va sans dire que le pragmatisme du régime l’a conduit à profondément modérer, dans la pratique, son projet initial d’islamisation de la société. Tous ces éléments font que la religion n’occupe pas la prépondérance
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