APRONUC et opération turquoise
Par Raze • 4 Janvier 2018 • 3 193 Mots (13 Pages) • 561 Vues
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la paix traditionnel entremêlant les concepts de peace making, de consolidation de la paix et de peace keeping. En effet, cette opération de maintien de la paix issue de la 2ème génération ambitionnait également de nombreux autres objectifs. Dans cette optique, la composante civile de l’APRONUC a divisé ses missions entre six factions : l’encadrement et la vérification du départ des forces militaires étrangères, le démantèlement des factions de combats dans le cadre du cessez-le-feu, le rapatriement des réfugiés principalement exilaient en Thaïlande, le renforcement de la société civile et des administration ainsi que leur sensibilisation au respect des droits de l’homme, la supervision pour la rédaction d’une nouvelle Constitution et enfin l’aide à la reconstruction du pays et à son développement économique (Evans 1994). Cette opération s’est notamment heurtée à la mauvaise volonté de la faction des Khmers rouge, peu enclin au déploiement de l’APRONUC dans ses zones de contrôle ainsi qu’au contrôle et au désarmement de ses troupes.
Cette opération de maintien de la paix fait partie des plus complexe élaborée par l’ONU, étant donnée qu’elle intervenait après plus de 10 ans de guerre civile au sein d’un pays marqué par des conditions particulièrement précaires. De ce fait l’important effectif déployé de 22 000 personnes, militaires et civils compris, tout comme les coûts exorbitants estimés aux alentours de 2 milliards de dollars US, ont ainsi constitué l’opération de maintien de la paix la plus onéreuse entreprise par l’ONU pour l’époque et permis de répondre décemment à ce véritable défi (Nhem 2011). Autre explication de l’importance accordée à cette opération, elle devait servir de modèle pour des expériences similaires futures notamment en Asie, en Afrique, en Amérique latine et même en Europe avec le conflit des Balkans (Jennar 1995). Par conséquent, il y avait une nécessité de réussite pour l’ONU afin que cette expérience devienne par la suite un modèle, sur lequel il serait possible de s’appuyer.
L’APRONUC prit officiellement fin le 15 novembre 1993, à l’issue de l’adoption de la nouvelle constitution au sein du Parlement cambodgien, bien qu’un groupe de déminage resta jusqu’à la fin du mois, tandis qu’une cellule du service médical demeura jusqu’au 31 décembre (Isoart 1993).
II) Analyse des réussites et des échecs des deux opérations
2.1 Le cas de l’opération Turquoise
«J’ai vraiment senti le silence de la mort, le silence de ceux qui sont partis et le silence de la communauté internationale. Nous aurions pu faire mieux, nous aurions dû faire plus encore.» 20 ans après, en 2014, c’est par ces mots que l’actuel secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-moon a commémoré à Kigali les massacres commis au Rwanda pendant le génocide.
L’opération Turquoise a suscité de nombreuses critiques, pas toujours justifiées, particulièrement en provenance du FPR, l’une des parties prenantes du conflit et de son leader Paul Kagame, actuellement président du Rwanda, mais également au sein de la communauté internationale. En premier lieu, de nombreux observateurs lui ont reproché son intervention trop tardive puisque le génocide avait déjà été largement perpétré. Toutefois ce retard bien qu’évident doit être nuancé et mis en parallèle avec la passivité de la communauté internationale face au génocide. Cette apathie s’explique en grande partie par deux facteurs, premièrement l’importance du contexte international et la préférence dans l’ordre des priorités accordée aux conflits dans les Balkans. Le général Dallaire, responsable de la MINUAR, déclara à ce titre « ma mission n’était rien d’autre qu’une attraction et que l’événement se déroulait toujours dans quelques régions du monde plus importante que le Rwanda », sous-entendu l’ex-Yougoslavie (Dallaire 2003). Deuxièmement, cet immobilisme relève également de la nonchalance américaine vis-à-vis de toute forme d’intervention suite à l’échec cuisant et encore présent dans les mémoires de l’intervention en Somalie, marquée par les images d’un soldat américain nu traîné dans les rues de Mogadiscio qui avaient profondément offusquée l’opinion publique américaine (Pontzeele 2005). En dépit de ces paramètres, l’opération Turquoise a le mérite d’avoir bien eu lieu (même si encore une fois bien trop tardivement), de sauver environ 15 000 personnes et de maintenir plus de 4 millions de rwandais dans le pays qui auraient fui au Zaïre autrement ; évitant de ce fait une nouvelle catastrophe humanitaire (Milwood 1996).
La deuxième critique notable qui a été émise à l’encontre de l’opération Turquoise, relève du refus catégorique énoncé par le FPR de toute intervention française, avançant son parti pris en faveur du FAR, et remettant de cette façon en cause le caractère strictement humanitaire de son opération. Certains, comme l’actuel président du Rwanda, allant même jusqu’à incriminer la France comme étant un des acteurs du génocide, y ayant jouait un rôle décisif et intentionnel (Malagardis 2014). Pour ce qui a trait à son déficit d’impartialité et de neutralité, au regard du soutien préalable des forces françaises au président Juvénal Habyarimana considéré comme une force alliée avant le génocide, il semble patent qu’une connivence a pu se créer et qui aurait pu éventuellement déboucher sur une certaine complaisance à l’égard des FAR. Malgré tout, et même si de nombreuses zones d’ombres persistent quand à cette intervention, il semble malhonnête d’incomber à l’armée française une partialité, une préférence, voire une participation au génocide. En effet, si l’opération Turquoise envisageait quelconques objectifs sujets à caution, autres que ceux d’une opération humanitaire, pourquoi dès lors la France aurait elle sollicitait avec autant d’obstination et de véhémence une collaboration de ses partenaires européens et africains. Demande qui n’a, par ailleurs, pas trouvé d’écho en Europe et seulement un mince soutien en Afrique comme énoncé antérieurement. Ce n’est donc pas tant les intentions de l’opération Turquoise qui sont remis en question, mais davantage sa dimension trop limitée pour répondre à un conflit de l’ampleur de celui qu’a connu le Rwanda. À cet égard, le responsable du programme de Médecins sans frontières remettait en cause le principe de neutralité pour faire face à un génocide, ainsi que le caractère humanitaire de l’opération qu’il jugeait comme largement
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