Ecriture d'invention sur le terme "nègre" et sa remise en cause au siècle des Lumières ?

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- Tiens je n’en ai jamais entendu parler, affirma Marc.

- C’est vrai qu’il n’est pas tellement connu dans le grand public, avoua Paul. Mais cependant il luttait aussi ouvertement contre l’esclavage. En effet il pense que l’achat de nègres est “un négoce qui viole la religion, la morale, les lois naturelles, et tous les droits de la nature humaine”. Aussi te souviens-tu lorsque dans le film à un moment les juristes parlent des esclaves noirs et de leur condition ?

- Attends que je me rappelle, songea Marc. Oui je me souviens de ce moment où les juristes les qualifient de “nègres”. Mais je ne vois pas le rapport avec le chevalier de Jaucourt.

- Eh bien il y en a bel et bien un, expliqua Paul ! En effet dans ce même article Louis de Jaucourt reproche aux juges de ne pas affranchir l’esclave “à l’instant en le déclarant libre, puisque c’est leur semblable ayant une âme comme eux”.

- Bien beau tout cela ! bougonna l’autre. Mais tous ces textes et tous ces philosophes n’ont visiblement pas fait évoluer les consciences car si je me rappelle bien l’abolition de l’esclavage n’a eu lieu qu’au milieu du XIXe siècle, en 1848, soit bien après Les Lumières.

- Attention ! commença Paul, il ne faut pas oublier qu’il y a eu sous l’impulsion des idées des Lumières pendant la Révolution Française, en 1794 un décret abolissant l’esclavage dans les colonies françaises puis …

- Mais Paul ! Pourquoi donc on nous répète que l’abolition de l’esclavage a eu lieu en 1848 si elle a réellement eu lieu en 1794 ?!

- Oui mais ce décret a été abrogé par Napoléon qui rétablit la traite et l’esclavage en 1802 pour être définitivement voté en 1848, précisa calmement le second. Tu peux donc remarquer que le combat très dur de ces philosophes n’aura pas été vain.

- Mais il y a cependant quelque chose qui me frappe, reprit Marc. Comment se fait-il que des philosophes ayant de telles idées humanistes, affirmant que l’homme noir est l’égal de l’homme blanc et condamnant l’esclavagisme emploient-ils le mot “nègre” alors qu’ils savent, bien que ce mot soit neutre, que cela crée un souci d’égalité ?

- Cela peut en effet paraître singulier au premier abord, affirma Paul compréhensif. Mais réfléchissons un moment. Les philosophes des Lumières, pour diffuser leurs idées devaient être compris par la société de leur époque. Pour ce faire, ils fallaient qu’ils utilisent le vocabulaire et les références de leurs contemporains, et le mot “nègre” en faisait partie.Je peux par exemple te parler de Candide de Voltaire, sauf si tu l’as déjà travaillé en cours…

- Non je l’ai lu mais je ne me rappelle pas d’un passage parlant de la lutte contre l’esclavage. Voltaire, à ma connaissance, n’a pas abordé le sujet dans Candide.

- Tu te trompes, pas de manière explicite ! s’exclama Paul. Mais au chapitre XIX, le personnage éponyme rencontre un nègre étendu par terre, et il lui manque une main et une jambe.

- Je me rappelle bien de cet épisode. Mais ici Voltaire ne se place pas en défenseur des personnes de peau noire puisqu’il utilise au contraire le mot nègre !

- Eh bien tu continues à insister à ce que je vois, remarqua l’autre. Au contraire Voltaire essaye ici d’émouvoir le lecteur en utilisant la persuasion. Il va amener celui-ci à comprendre les souffrances et les injustices vécues par l’esclave “Quand nous travaillons aux sucreries, et que la meule nous attrape le doigt, on nous coupe la main ; quand nous voulons nous enfuir, on nous coupe la jambe”

- D’accord, très bien! conclua Marc enthousiaste.Voltaire utilise donc une technique totalement différente que celle du chevalier de Jaucourt. Avec les extraits précédents, je vois que Jaucourt privilégie plutôt le développement argumentatif et essaye de convaincre au lieu de persuader. Quant à Montesquieu, c’est encore une autre chose. Comme tu l’as dit il feint d’adopter le point de vue d’un esclavagiste et donc montre l’absurdité de son raisonnement.

- Je vois qu’avec ce que tu viens de résumer que tu as compris que “nègre” n’a plus la même signification qu’au XVIIIe siècle et que tu n’es plus étonné d’avoir entendu ce terme dans le film sur la lutte contre l’esclavage, déclara Paul soulagé. Je suis heureux de t’avoir enfin éclairci l’esprit avant que l’on entre en classe ! »