Commentaire de l'incipit de falaises d'Olivier Adam
Par Plum05 • 29 Juin 2018 • 1 462 Mots (6 Pages) • 961 Vues
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3° - L’isotopie du fil : la vie funambule. Le narrateur est donc entre vie et mort, entre passé et avenir dans un présent bloqué. Il est sur un fil, mais il n’est pas le seul. Tout comme le motif du cercle, le motif de la ligne est omniprésent : mère = « fée somnambule », entre le sommeil et la veille, « fantômes » = entre la vie et la mort, les morts qui dansent entre enfer (flammes) et paradis (ciel) = purgatoire, image qui culmine avec Léa, qui clôt le passage : « tout au bord », « comme sur un fil »…
Transition : Les deux espaces opposés semblent surtout valoir pour la frange qu’ils dessinent, le lieu intermédiaire, comme un purgatoire, entre la vie et la mort, le passé et l’avenir, sans jamais se déterminer tout à fait. Cependant, le texte semble privilégier, implicitement, une orientation, plutôt pessimiste, car le narrateur semble appartenir davantage au monde des morts qu’au monde des vivants.
III – L’orientation du texte : vers la mort ?
1° - Tourner le dos à la vie, faire face à la mort : narrateur tourne le dos à Claire et Chloé « Derrière moi », il est de l’autre côté des baies vitrées et lorsqu’il se retourne, il ne voit pas la vie, mais son propre reflet funeste.
2° - La mort contamine l’espace des vivants. Le sommeil est déjà en lui-même une forme de mort passagère, mais surtout, Chloé et Claire = « ombres », « figées ». + présent d’énonciation = évocation par la parole des fantômes, des gens du passé qui renaissent au présent. Les morts, eux s’animent. « marche », « dansent ». Il semble que les frontières entre la vie et la mort se renversent, au profit de la mort.
3° - L’inversion des symboles : « noire », couleur funeste au début, devient signe de vie (« noire de monde », mais ce monde, ce sont des fantômes) et la lumière surtout, symbole de la vie, brille du côté des morts et se fait un écho grandi de la faible lumière de l’espace intermédiaire : « allumette », « un point lumineux », « bougies », « dans la lumière », « autour des flammes ». Effet métonymique, action magique du narrateur : les bougies, les lumières qu’il convoque deviennent les flammes autour desquelles les morts dansent.
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Conclusion
Cet incipit construit donc, nous l’avons montré, deux espaces antagonistes[2], l’un dévolu[3] aux vivants, l’autre dévolu aux morts, le premier réel, le second irréel, projection des fantasmes macabres[4] du narrateur. Ce narrateur se trouve lui-même à la transition des deux espaces, sur le fil entre passé et avenir dans une sorte d’éternel présent de la commémoration, du souvenir funèbre[5]. Le texte bascule ainsi imperceptiblement du côté de la mort plutôt que de celui de la vie, qui se voit contaminée par l’aile funèbre qui plane sur l’âme du protagoniste. Nous nous étions demandé comment cet incipit plaçait le personnage principal à mi-chemin entre un espace de vie et un espace de mort, entre lesquels il semblait devoir choisir. Nous pouvons maintenant affirmer que cet entre-deux est rendu possible par la répartition de l’espace, mais aussi l’utilisation d’un présent singulier[6] qui nie passé et avenir et un renversement des symboles traditionnels, tous attirés par le côté funeste[7] du texte. L’incipit de Falaises surprend donc, puisqu’il semble vouloir débuter sur une fin plutôt que sur un commencement. Cependant, le caractère cyclique[8] peut se répandre à l’ensemble du roman, et ce début est évidemment une fin, le roman remontant ensuite le temps pour livrer le chemin qui mène à un état si désespéré. Cette désorganisation chronologique du récit, que l’on trouve à l’œuvre dans la littérature de façon récurrente depuis le Nouveau Roman, s’affiche comme proprement moderne et l’incipit, tout en livrant le dilemme qui agite le personnage et en révélant le caractère morbide de son univers, révèle aussi le mode d’écriture qu’il cherche à imposer.
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