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La folie d'amour (Hypokhâgne)

Par   •  26 Juin 2018  •  2 788 Mots (12 Pages)  •  421 Vues

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De fait, cet amour passion existe également pour les femmes et l’exemple flagrant est bien sûr celui de Marianne dans le livre de Jane Austen. La jeune fille apparaît comme romanesque, elle croit passionnément pouvoir s'affranchir des convenances, et tombe éperdument amoureuse du séduisant Willoughby. La mise en parallèle et l’opposition avec sa sœur, qui représente la raison, accentue cette impression. Son extrême sensibilité et ses idéaux sur l’amour font qu’elle n’est pas capable de voir que cette histoire la conduira inévitablement à souffrir. La scène même de sa rencontre avec Willoughby est empreinte de romanesque et les sentiments de Marianne s’expriment dans l’exagération : « ce sentiment (…) si ardent qui s’empare de l’âme tout entière » ou « aussi s’attacha-t-elle à Willoughby mille fois davantage qu’à sa propre existence ». Il y a également une notion de moral car elle sera finalement heureuse avec un homme bon et généreux, le colonel Brandon, moralement vertueux. En réussissant à s’évader de cet amour passion, Marianne trouve donc le bonheur.

II/ L’amour de la raison et la raison dans l’amour

Pourtant, on peut opposer cet amour passion à un amour plus réfléchit. En effet, on constate que deux façons d’aborder l’amour s’affrontent dans Raison et Sentiments, et si Marianne incarne la passion amoureuse, sa sœur Elinor représente clairement la réflexion. A travers l'intrigue en construction géométrique, cette mise en opposition est d’autant plus accentuée. Le personnage d’Elinor gère ainsi différemment les situations éprouvantes auxquelles elle doit faire face. Elle fait preuve de « sense », pour reprendre le titre originel, c’est-à-dire plus de bon sens que de raison au sens d’intelligence. La passion amoureuse d’Elinor est intérieure et maîtrisée, elle incarne à la fois la responsabilité, en tant que sœur aînée, ainsi que l’amie de confiance et la confidente, notamment avec les confessions successives de Lucy, du colonel Brandon et de Willoughby. C’est avec elle que s’ouvre et se clôt le roman, montrant l’affection que lui porte Jane Austen. Sa description au début de l’œuvre résume le personnage : « … (elle) possédait une force d’esprit, une raison éclairée, un jugement prompt et sûr… ».

Il est vrai que, malgré tout, cette retenu et cette raison apparente ne sont pas exempte d’un amour dévorant. La princesse de Clèves est, durant tout le roman, soumise à une passion destructrice, ce qui ne l’empêche pas de mener des introspections de manière raisonnée et vertueuse. Elle se livre à de véritables examens de conscience puisqu’il y en a onze qui parsèment le récit, employant toujours le même schéma : un bilan suivit d’une résolution, marqué par un lexique de réflexion : « elle songea », « lui revint à l’esprit ». On peut citer notamment celui de la partie III, après avoir envoyé la lettre à la reine. Le personnage met en avant ses contradictions, son état tourmenté, mais elle fait cela avec une analyse sur elle-même. On voit ainsi des formules concessives telles que « malgré cette connaissance », ou encore d’autres qui marquent l’opposition, « mais » par exemple. Cela témoigne des états successifs de Mme de Clèves ; comme le passage de « l’aigreur » à la « douceur » ; le désordre dans lequel elle se trouve, ainsi que de la passion qui exerce une profonde emprise sur elle. Comme Des Grieux dans Manon Lescaut, « elle ne se reconnaissait plus elle-même ». Philippe Sellier parle, dans sa préface de l’œuvre, « d’intensité méditative » pour décrire la lucidité et la réflexion dont fait preuve la jeune femme sur un sujet aussi passionnel.

En réalité, on peut se demander si l’amour, qu’il soit entièrement passionnel ou plus raisonné, n’est pas voué à être impossible au vu des nombreux obstacles qui se dressent sur le chemin des personnages, bien souvent lié à la raison par ailleurs. La réponse à ces obstacles et malentendus successifs est dans de nombreux cas la fuite. Ainsi, Tristan et Iseut s’enfuient ensemble, Mme de Clèves se retire à la campagne et René mène une vie d’errance tandis que sa sœur s’enferme dans un couvent. Pour ce dernier cas, c’est la raison de la morale même qui, à cause de l’amour incestueux, est au cœur de l’aspect impossible. Le thème de l’inceste se prête à la tragédie en présentant un amour impossible causé par la fatalité. Amélie n’hésite pas à être là pour son frère au risque de souffrir elle-même au vu de ses sentiments, elle est d’ailleurs lucide sur ces derniers et le démontrera dans sa lettre d’adieu. René, quant à lui, est caractérisé par son inconstance, sa solitude et son instabilité qu’engendrent la passion : « un penchant mélancolique l’entraînait au fond des bois ; il y passait seul des journées entières ». Les saisons elles-mêmes ne sont pas le cadre temporel du récit mais le reflet des états d’âme du personnage. C’est une double séparation qu’on peut voir entre René et Amélie, à la fois physique à cause de la distance, mais également spirituel puisqu’Amélie finira ses jours comme une sainte « en soignant ses compagnes » tandis que René continu sa vie d’exil et d’errance.

III/ L’amour comme évasion ou l’évasion de l’amour

Or, l’évasion n’est pas seulement une fatalité mais peut être une véritable aspiration. Dans Don Quichotte, le héros est présenté comme un fou romanesque. Il nie la distance entre le monde et la représentation littéraire. Il considère comme véritables les récits des fictions chevaleresques grâce à la puissance de l’imagination, qui conduit à des hallucinations visuelles telles que les châteaux en auberges ou les fameux moulins en géants. Au sein de cette idée, on retrouve la figure de la « dame » des romans de chevalerie, incarnée ici par Dulcinée. Don Quichotte aspire donc à être chevalier errant et également à trouver sa princesse, mêlant ainsi désir d’évasion et désir d’amour. Il idéalise Dulcinée, et qu’importe si son image n’est pas conforme à la réalité, car il lui « suffit de décider et de croire [qu’elle] est belle et honnête ». Au travers de son imagination, il s’évade par son esprit et sa représentation de l’amour, et va même plus loin puisque par ses actes il décide de la faire exister envers et contre tous. Cette dame idéale inspire ses actes les plus valeureux, elle est son prétexte d’évasion.

Néanmoins, cette aspiration d’évasion au travers de l’amour n’est pas seulement physique, comme Don Quichotte et ses aventures,

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