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Le meurtre de l'arabe, l'Etranger, Camus

Par   •  3 Octobre 2018  •  1 802 Mots (8 Pages)  •  499 Vues

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Il semble en quelque sorte manipulé par les objets (le revolver et le couteau de l’Arabe, qui agissent sur lui plutôt qu’il n’agit sur eux) et par son environnement (le soleil tout d’abord, mais également la mer et le ciel par la suite).

C – Le thème de l’aveuglement

La dimension tragique de la scène est également présente sous la forme d’un thème qui n’est pas sans rappeler Œdipe, à savoir l’aveuglement.

Si Œdipe se crève lui-même les yeux pour se punir, ici c’est un élément extérieur, le soleil, qui aveugle le personnage.

Il aveugle à la fois par sa lumière, vue comme une longue lame étincelante, et par sa chaleur, qui fait transpirer Meursault : la sueur lui coule sur les yeux et les couvre « d’un voile tiède et épais », d’un « rideau de larmes et de sel ».

Symboliquement, ce n’est qu’après avoir tiré la première fois que Meursault voit de nouveau, en secouant « la sueur et le soleil ».

C’est alors que le voile se lève et qu’il prend conscience de son geste et de ses implications : « J’ai compris que j’avais détruit l’équilibre du jour ».

Transition : La dimension tragique de ce passage ne fait cependant pas de Meursault un héros de tragédie : terrassé par la chaleur, à peine acteur de ce geste qui va pourtant bouleverser sa vie, Meursault apparaît à plus d’un égard comme un anti-héros, même si son acte l’amène à ce qui semble être une prise de conscience

III – Un anti-héros ?

A – Un acte inexplicable

Meursault ne peut acquérir un statut de héros tragique car rien n’explique son geste, même pas la légitime défense : l’Arabe était loin de lui et n’était armé que d’un couteau, Meursault aurait pu se contenter de l’intimider.

C’est ce qui lui sera reproché au procès, de même que les quatre coups tirés ensuite, qui anéantissent l’argument de la légitime défense.

Dans cet extrait du chapitre 6, on le voit tirer ces quatre balles de sang-froid, sans manifester d’émotion, et comme une conséquence logique de ce qui précède, comme le montre le connecteur « alors ».

B – Une prise de conscience et de responsabilité ?

La fin de son aveuglement, à la fois physique et symbolique, indique pourtant un retour à une certaine lucidité : il comprend ce qu’il a fait, c’est-à-dire changer le cours de son existence.

Le plus-que-parfait « j’avais été heureux » montre bien le rupture entre le passé et la situation présente, et il se rend soudain compte de ce qu’il perd : l’« équilibre » et le bonheur.

C’est sans doute la raison pour laquelle il tire encore quatre fois : après le premier coup, il prend conscience que son acte est irrémédiable. Il prend alors la décision de tirer : cette fois, ce n’est pas la gâchette qui agit seule mais c’est bel et bien lui qui décide, comme le révèle la position du pronom personnel « je » en sujet : « j’ai tiré encore quatre fois ».

D’une certaine manière, il assume ainsi le premier coup presque involontaire en allant jusqu’au bout : par son choix délibéré, il prend en charge la situation.

Il le fait tout en étant tout à fait lucide sur ce qui en découlera : « c’était comme quatre coups brefs que je frappais sur la porte du malheur ».

C – Un tournant dramatique, psychologique et stylistique

La position de cette scène du meurtre de l’arabe dans l’œuvre est significative : nous sommes à la toute fin de la première partie de L’Etranger, qui s’ouvre sur la deuxième et donc, symboliquement (comme la porte du malheur), sur une nouvelle phase de la vie du protagoniste.

Meursault, qui semblait jusque-là entièrement détaché du monde et étranger à l’engagement, comprend que sa vie avait été heureuse et qu’il bascule désormais dans le malheur. Il ne cherchera pas à nier son geste.

Cette transformation se lit jusque dans le style du narrateur. Alors qu’il s’exprimait en phrases courtes, factuelles, il n’hésite pas ici à décrire les événements dans un registre épique : « Il m’a semblé que le ciel s’ouvrait dans toute son étendue pour laisser pleuvoir du feu ».

Il utilise de nombreuses métaphores (« le glaive éclatant » pour la lumière du soleil, « ce rideau de larmes et de sel » pour la sueur) et de formules abstraites : « j’ai secoué la sueur et le soleil », « l’équilibre du jour », « la porte du malheur ».

Conclusion

Cette fin du chapitre 6 de L’Etranger représente un véritable tournant dramatique dans l’œuvre : la vie de Meursault ne pourra plus jamais être la même.

Bien qu’il semble tout d’abord dominé par les choses et les événements, ce qui fait de lui une victime du destin plus que le coupable d’un meurtre, la fin du passage montre qu’il accepte son sort et même, qu’il le revendique.

Confronté à une situation absurde, dépourvue de sens, Meursault choisit finalement d’affronter l’absurde et d’assumer son destin.

Paradoxalement, c’est un geste libératoire : il ne subit plus, il agit. En cela, Meursault rejoint les héros du « cycle de la révolte » de Camus : ce n’est qu’une fois que l’absurdité du monde est acceptée que nous pouvons accéder à la lucidité et agir.

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