L'assommoir - commentaire de l'incipit

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- Critique de la société européenne

- Une critique véhémente

Le tahitien révèle une pensée européenne qui est sans véritable fondement : « à son gré » (l. 10), « arbitraire » (l. 11), « caprice » (l. 12). Il reprend tous les aspects de cette société et les ramène à un seul principe : le caprice.

Il ne fait pas de distinction personnelle (« on ») ni temporelle (présent de vérité générale).

L’accumulation des 14 verbes avec en commun la perte de transparence dans les relations humaines montre qu’il n’y a pas d’unité sociale, seulement des individus en guerre : c’est une société en état de guerre qui est évoquée.

- Un sauvage qui parle en européen

Il s’exprime dans un langage soutenu.

Ses questions portent sur l’idéologie implicite que véhiculent les mots employés par son interlocuteur.

La conséquence du mauvais fonctionnement de cette société est l’éclatement familial. Cette obsession de la famille montre qu’Orou garde en tête le modèle de la famille européenne. La famille est la première victime de cette conception de la sexualité qui attribue des valeurs morales à l’acte sexuel.

argumentation stratégique puissante → il détruit l’argument majeur de l’Europe sur Tahiti et sa liberté sexuelle : la stabilité familiale.

- Tahiti, antithèse de l’Europe

- La question de l’enfant

L’Aumônier pose la question de l’enfant dans la perspective individualiste de la cellule familiale, mais Orou la déplace dans le cadre collectif de la nation : l’enfant est « un bien précieux » (l. 32), il peut apporter quelque chose à Tahiti, c’est un atout.

Le pouvoir économique est lié à la masse de la population → caractéristique de la pensée des Lumières. L’affectif est exclu au profit de l’économique : il n’y a pas de roman familial à Tahiti.

- Tahiti : une arme pour critiquer

Tahiti est une utopie. Mais il n’est pas question du bonheur ou de l’épanouissement de l’individu (l’atmosphère de l’île n’est pas décrite). On a bien une impression générale d’harmonie, mais sans entrer dans le détail. L’utopie de Tahiti permet en fait de critiquer l’Europe.

Le mariage tahitien est une remise en cause du mariage européen.

Conclusion

En mettant en scène un débat entre un sauvage et un Européen, Diderot, grâce à la double énonciation, exprime ses idées philosophiques sur la société dite « civilisée ». Le dialogue permet de confronter le regard de l’Européen et celui du sauvage, qui n’est plus un véritable sauvage mais une incarnation du discours critique du philosophe des Lumières.

L’auteur utilise le thème de la sexualité et l’utopie de manière originale : la liberté sexuelle tahitienne n’est pas traitée en tant que telle, mais comme un instrument de la critique des mœurs européennes. L’utopie tahitienne devient un instrument de la critique de l’Europe.

Termes à connaître

corroborer : appuyer, confirmer qqchose

adversatif : conjonction qui exprime l’opposition

vicié : impur

roman familial : désigne les fantaisies enfantines qui consistent à imaginer avoir été adopté ou kidnappé et à s’inventer d’autres parents plus aimants, plus comblants, plus compréhensifs ou plus prestigieux.

utopie : dans le cadre des Lumières, récit dans un lieu clos fermé au monde (ex : une île déserte dans La Colonie de Marivaux) qui permet de mettre en scène un monde autonome avec ses propres règles… Le lecteur y perçoit une critique de son propre monde.

Le genre est apparu avec Utopia de Thomas More en 1516. Du XVIème au XVIIIème siècle, Montesquieu, Rabelais, Voltaire veulent démontrer qu’une organisation sociale plus humaniste, bénéfique, est possible.

Du point de vue littéraire, l’utopie permet une réflexion philosophique et politique.