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Etre femme communiste dans l'entre-deux-guerres en France

Par   •  29 Novembre 2018  •  4 303 Mots (18 Pages)  •  684 Vues

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Ainsi, en 1918, la Révolution bolchévik institue des droits égaux entre l’homme et la femme, et légalise l’avortement en 1920. La S.F.I.C., renommée Parti Communiste en 1921, soutient cette légalisation et milite activement en France contre la loi française condamnant l’avortement et la politique pro-nataliste, diffusant activement dans l’espace médiatique l’image essentialisée de la femme mère et gérante du foyer domestique. En 1919, la IIème Internationale Communiste met en place, en Union Soviétique, un secrétariat international des femmes communistes. Lénine institue la même année le 8 mars la Journée des femmes. Néanmoins, cette politique égalitaire entre l’homme et la femme n’est que subordonnée à celle de lutte des classes, les mouvements féministes autonomes ne s’identifiant pas à cette lutte, étant qualifiées de « mouvement bourgeois ». De plus, malgré les tentatives d’investissement des femmes au sein du Parti Communiste, le nombre d’adhérentes femmes n’excède pas 3% en 1920 au sein de la S.F.I.C. et le millier au sein du Groupe des Femmes socialistes au début des années trente. Aussi, comme l’explique Françoise Thébaud dans L’Histoire des Femmes en Occident au XXème siècle, les femmes sont souvent cantonnées à des postes de gestion et non de direction, et l’intérêt du parti aux questions des droits politiques et sociaux des femmes est majoritairement subordonné à celui pour la lutte des classes. Ainsi, dans un article intitulé La Femme nouvelle, Brigitte Studer explique qu’au IIIème Congrès, en 1921, de l’Internationale Communiste, l’indifférence ou le manque de conscientisation des femmes dites prolétaires à la lutte des classes laisse l’Internationale conclure du caractère dangereux de ces femmes « non affranchies des conceptions bourgeoises, de l’Eglise et des préjugées. ». Ainsi, dès 1921, l’on peut voir, malgré la question des droits de la femme abordés au sein du Parti Communiste, une prise de distance à l’égard d’une catégorie socio-professionnelle de femmes, dont l’intégration à l’idéologie communiste semble difficile.

Cette difficile intégration de cette catégorie socio-professionnelle de femmes à l’idéologie communiste, et plus encore, des femmes à la parole politique au sein du Parti Communiste, s’accentue lorsque celui-ci se stalinise vers 1931-1932 et opère, selon Brigitte Studer, au retour à « un certain conservatisme dans la différence de genre », par « la célébration du culte de la famille », mise en scène par le « leader du Parti Communiste français, Maurice Thorez ». Suivant la politique stalinienne propageant une image traditionnelle de la famille, avec la femme comme soutien de l’homme par la gestion du foyer domestique, le Parti Communiste effectue un revirement radical en s’opposant à l’avortement et en diffusant une politique nataliste, bien éloignée alors des revendications des féministes radicales d’alors.

Ainsi, même si Léon Blum fait le choix, en 1936, de nommer trois femmes sous-secrétaires d’état, telles que Cécile Brunschvicg, Irène Joliot-Curie et Suzanne Lacore, dans son gouvernement, celles-ci occupant cependant des fonctions au poids politique mineur, l’initiative des femmes communistes se revendiquant aussi d’un féminisme radical est isolée et les fait apparaître comme des figures féministes communistes exceptionnelles et autonomes.

De ce fait, dans un second temps, nous allons voir comment se sont manifestées les initiatives et les possibilités en termes de médiatisation et de parole politique de femmes communistes, malgré le peu de soutien des partis communistes français et soviétiques, entraînant donc leur isolement de la scène médiatique et politique. Dans cette partie, à travers deux extraits d’archive, nous allons aussi voir comment se dessine, dans la France de l’entre-deux-guerres, un lien étroit entre communisme et féminisme radical.

En tout premier lieu, nous pouvons d’abord illustrer les tentatives de médiatisation des voix communistes féminines, à travers l’exemple de trois grandes figures du communisme féminin français de l’entre-deux-guerres, largement dominée par le profil de Madeleine Pelletier. Ces trois figures du communisme féminin s’illustrent à travers des revendications qu’elles partagent, notamment concernant l’égalité en droit de l’homme et de la femme, et de la reconnaissance de celle-ci avant tout comme un individu, dans la continuité d’un idéal universaliste et d’une conception neutre de l’individu en tant qu’acteur politique et social au sein d’un Etat. Ce communisme féminin prend avant tout appui sur l’idéologie communiste, qui prône la dissolution des rapports de domination aussi bien entre les patrons et prolétaires, qu’entre les hommes et les femmes. Par ce biais, nous pouvons voir déjà qu’un lien se dessine entre communisme et revendications féministes.

Madeleine Pelletier, par exemple, née le 18 mai 1874 à Paris et morte le 29 décembre 1939 à Epinay-sur-Orge, est une figure majeure du communisme féminin et du féminisme radical, opposé au féminisme réformiste plutôt incarné par des femmes issues de la bourgeoisie, comme Marguerite de Witt-Schlumberger, née le 20 janvier 1853 à Paris et morte le 23 octobre 1924 au Val-Richer, épouse d’un industriel alsacien aisé et présidente de l'Union française pour le suffrage des femmes. Contrairement à Madeleine Pelletier, celle-ci ne remet pas complètement en cause le rôle traditionnellement associé à la femme, ce qui invite Yannick Ripa à faire une distinction entre les féministes radicales, portées par un idéal révolutionnaire et les féministes réformistes, plutôt portées par l’intégration des femmes dans la cité à travers la figure de Jeanne d’Arc et de Marianne, soit en ne se détachant pas des valeurs chrétiennes et républicaines. Ainsi, contrairement à ces féministes réformistes, très minoritairement communistes, Madeleine Pelletier s’investit dans la S.F.I.O. dès 1906, percevant dans l’idéologie au départ qualifiée de socialiste une réponse à son insatisfaction face au manque de visibilité et de parole politique des femmes. Provenant d’un environnement social modeste, son père est cocher et sa mère marchande de légumes, elle s’oppose cependant rapidement aux idées politiques de sa mère en fréquentant les cercles anarchistes dès l’âge de treize ans. Dotée d’une forte vivacité intellectuelle, elle passe toute seule le baccalauréat et s’inscrit à la Faculté de Médecine, puis elle devient première femme interne en psychiatrie. Refusant de revêtir les vêtements alors destinés aux femmes, elle est considérée comme « travestie

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