La délégation.
Par Orhan • 2 Juin 2018 • 5 367 Mots (22 Pages) • 557 Vues
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- Conditions propres à la délégation novatoire « parfaite » : animus novendi
Novation = Extinction et création de créance
Il se peut, par exception, que la délégation soit stipulée parfaite. Dans cette hypothèse, le délégataire renonce à son droit contre le délégant (le débiteur originaire) et accepte de ne conserver pour seul débiteur que le délégué. Le délégataire n'a plus de recours contre le délégant. Les actions disparaissent → Les actions en justice, les sûretés qui sont liés l'obligation disparaissent. La délégation est alors novatoire par changement de débiteur, du point de vue du délégataire et, par changement de créancier, du point de vue du délégué.
Dans cette hypothèse, l'intention de nover devrait s'établir de la même façon que pour la novation proprement dite : elle pourrait être tacite à condition de ne pas être équivoque (C.Civil art. 1273). Pourtant, l'article 1275 du Code civil exige une déclaration expresse du créancier pour la délégation novatoire. Une volonté formellement exprimée et donc nécessaire et le juge ne peut déduire celle-ci de présomptions factuelles. Cette différence de régime n'a pas toujours été suivie. Pothier comprenait l'article 1275 au sens de l'article 1273 et affirmait qu'il suffisait que la volonté de nover résulte suffisamment de l'acte, qu'il s'agisse d'une novation isolée ou d'une novation par délégation, pour que la novation soit juridiquement établie. Pourtant, la jurisprudence opère une distinction entre les deux articles : à la différence de la novation, la délégation novatoire suppose une convention expresse et formelle.
La libération du délégant par la délégation parfaite connaît deux limites posées par l'article 1276 du Code civil :
- Le délégataire, sauf s'il a été payé par le délégué, peut exercer un recours contre le délégant lorsque l'opération a eu lieu à un moment où le délégué était déjà en faillite (procédure collective des commerçants) ou en déconfiture (cessation des paiements des non-commerçants) ; la faillite ou la déconfiture doivent être préalables à la délégation ;
- Le délégataire peut exercer un recours contre le délégant lorsqu'il se l'est réservé par convention expresse, afin de garantir la solvabilité future du délégué.
- Distinction entre la délégation novatoire et la novation
La délégation novatoire est la seconde variété de novation par changement de débiteur. Elle représente une modalité d'une opération qui n'implique pas nécessairement la réalisation d'une novation par changement de débiteur, à savoir la délégation. Dans la délégation novatoire, la novation résulte d'un accord passé entre le débiteur originaire, qualifié de délégant, et son créancier, qualifié de délégataire, et non d'un accord entre ce dernier et le nouveau débiteur, le délégué. En effet, dans une délégation novatoire, le délégué est tenu d'une obligation préexistante envers le déléguant, obligation dont l'opération doit entraîner l'extinction. Pour cette raison, tandis qu'à l'occasion d'une novation par contrat de libération, le nouveau débiteur s'engage envers le créancier pour libérer le débiteur, dans la délégation novatoire, le délégué ne s'engage pas envers le créancier ce dessein, mais pour éteindre sa propre dette envers le délégant. Corrélativement, c'est le délégant lui-même qui va obtenir de son créancier, le délégataire, sa propre libération, en lui procurant en contrepartie l'engagement nouveau du délégué. Dans cette mesure, le délégant est le pivot de l'opération tandis que le délégué est tiers par rapport à la convention novatoire passée entre le délégant et le délégataire. Ainsi, la délégation novatoire représente une opération de paiement simplifié, en tant qu'elle vise à l'extinction de deux dettes en une seule fois. On retrouve dans cette mesure la seconde utilité économiques de l'hypothétique cession de dette.
Cour de Cassation
Chambre commerciale
Audience publique du 12 décembre 1995
N° de pourvoi : 93-14438
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l’article 1275 du Code civil ;
Attendu qu’il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué que, par actes des 13 novembre et 3 décembre 1987, la Société marseillaise de crédit (la banque) a prêté une certaine somme à M. Andrieu pour financer l’exploitation de son fonds de commerce ; que ce dernier ayant, les 16 et 29 juin 1989, cédé le fonds aux époux Morat, ceux-ci se sont engagés, avec l’accord de la banque, à prendre la suite de son crédit ; que les époux Morat ne s’étant pas acquittés des remboursements, la banque a assigné M. Andrieu en paiement ;
Attendu que, pour rejeter cette demande, l’arrêt retient que la clause de l’acte de cession du fonds, par laquelle la Société marseillaise de crédit acceptait que les époux Morat prennent la suite de M. Andrieu dans le remboursement du prêt litigieux, ne contenant aucune réserve, elle manifestait la volonté expresse de la banque de décharger M. Andrieu de sa dette ;
Attendu qu’en statuant ainsi, alors que la seule acceptation par le créancier de la substitution d’un nouveau débiteur au premier, même si elle n’est assortie d’aucune réserve, n’implique pas, en l’absence de déclaration expresse, qu’il ait entendu décharger le débiteur originaire de sa dette, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a débouté la Société marseillaise de crédit de son action contre M. Andrieu, l’arrêt rendu le 17 février 1993, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Nîmes.
*** Dans la délégation parfaite, l'acceptation ne se présume pas. Dans le doute la délégation est
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