L'héroisme au féminin

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De plus, quand il l’est, les femmes ainsi désignées ne sont guère mises en valeur. Dans la fiction, d’une part, malgré le 2° sens donné par l’article de linternaute, quand elles sont personnage principal, il s’avère que leur importance est très relative. Ce même document nous apprend que dans la mythologie le terme est de toute façon réservé aux hommes, et M. Tourret déplore que notre patrimoine culturel a trop cantonné les personnages féminins aux rôles d’amoureuses (c’est le cas de Wonder Woman, puisque tout ce qu’elle réalise, elle le fait indirectement, par amour pour un Américain[4], elle-même venant d’ailleurs). Dans la société, d’autre part, les femmes extraordinaires, à exploit égal, sont moins connues que leurs homologues masculins, ce que démontre M. Tourret quand il fait des parallèles dans différents domaines, établissant ainsi que les hommes sont plus facilement célèbres que leurs homologues féminins . Effectivement P.Bagieu, pour sa part, n’a eu à sa disposition, pour son projet, que peu de documentation, au point qu’elle a craint que ses héroïnes ne captivent pas le public, et qu’elle a hésité, allant jusqu’à parler d’« autocensure », puisqu’elle a d’abord envisagé de les mettre « en arrière-plan d’une autre histoire ». Heureusement le succès rencontré par son œuvre la rassure et la réjouit, comme elle l’exprime sur son blog, mais dans l’entretien elle se plaint que parler de soi soit dévalorisé quand on est une femme. En outre, la reconnaissance par la nation se fait encore attendre, ce qu’atteste, d’après M. Tourret, le peu de femmes qui reposent au Panthéon, alors que certaines le mériteraient largement. Fait exception à cette non-reconnaissance Latifa Ibn Ziaten, très célébrée et médiatisée, mais n’est-ce pas parce qu’elle est une mère exemplaire, et de plus, depuis le meurtre de son fils, une nouvelle incarnation de la « mater dolorosa », autant de figures typiquement féminines ? N’est-ce pas aussi parce qu’elle est une des rares lueurs d’espoir face à un problème très grave concernant la jeunesse et pour lequel on n’a pas encore trouvé de solution, ce pourquoi l’Education nationale l’appelle quasiment à la rescousse ?

Heureusement, certains oeuvrent pour faire cesser cette inégalité de traitement dans la reconnaissance, comme le dit M. Tourret et comme en témoignent les travaux de P.Bagieu et de D. Pinzon. Avec cette différence que la photographe ne cherche pas à célébrer des femmes hors du commun, mais des héroïnes (et des héros) ordinaires, trop invisibles selon elle, et qu’elle veut donc rendre doublement visibles, d’une part en les prenant comme modèles, d’autre part en leur faisant porter un déguisement insolite, afin de nous faire comprendre qu’elles méritent toute notre admiration, car il saute aux yeux qu’aucun pouvoir surnaturel ne les aide dans leur mission, et que nous voyons donc là de « véritables super-héros ». De telles œuvres sont louables et salutaires car, comme le dit explicitement l’un des lecteurs de P. Bagieu et implicitement M. Huret relatant les discussions entre Latifa Ibn Ziaten et d’autres mères de famille qui lui demandent conseil, il est très important que les filles et les femmes puissent avoir des modèles qui les inspirent pour leur propre vie. Les petits garçons et les jeunes hommes aussi sans doute, si l’on songe à la façon dont Latifa Ibn Ziaten a su faire prendre conscience à certains d’entre eux qu’élever au rang de héros un meurtrier n’a aucun sens, ne peut que les égarer. Cette héroïsation de la violence masculine est critiquée aussi par M. Tourret.

Pour conclure, nous pouvons dire qu’on n’insistera jamais assez, comme le fait ce corpus, sur l’importance de ne pas oublier les femmes quand il s’agit de rendre hommage à des personnes qui font avancer l’humanité.

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