L'alcoolisme féminin
Par Ninoka • 15 Mai 2018 • 8 775 Mots (36 Pages) • 379 Vues
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George Bernard SHAW a écrit : « l’alcool est un anesthésique qui permet de supporter l’opération de la vie » [1]. Lors de mon enquête en service d’addictologie spécialisé dans la prise en charge des personnes alcoolo-dépendantes, j’ai pu constater, au travers des différents interviewes des soignants, que cette citation reflète la réalité.
L’alcool est un produit consommé en France depuis de nombreux siècles. Malgré des campagnes de préventions diverses, la consommation d’alcool reste banalisée et très répandue à différentes tranches d’âges de la vie. Il est consommé de manière festive la plupart du temps, mais aussi comme anesthésiant à la place d’antidépresseurs et anxiolytiques.
D’après l’INSERM (Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale), l’alcool est la deuxième cause de mortalité prématurée en France. Il contribue de façon directe ou indirecte à 14% des décès masculins et 3% des décès féminins.
Dans leur ouvrage, Alcool : de l’esclavage à la liberté, Serge NEDELEC et Philippe BATEL définissent l’alcoolo-dépendance comme suit : « La dépendance à l’alcool n’est pas définie par une fréquence de consommation ou une quantité bue. Le symptôme clé de l’alcoolo-dépendance est la perte de maîtrise de sa consommation d’alcool. Elle est la complication tardive et fréquente de l’usage nocif de l’alcool. A ce stade, boire de l’alcool est devenu un besoin. Classiquement, on distingue deux types d’alcoolo-dépendance : la dépendance physique et la dépendance psychologique » [2].
Tout d’abord, j’ai commencé à me poser certaines questions :
- Quelles sont les représentations sociales de l’alcoolisme féminin observées par le biais des soignants ?
- Que représente la prise en charge globale d’une patiente alcoolo-dépendante dans une structure hospitalière ?
J’ai fait le choix d’aborder le sujet au cours de mon enquête dans un cadre informel afin d’être plus facilement dans l’échange et que les professionnels de santé se sentent plus libres de s’exprimer.
Dans un premier temps, je vais développer le cadre contextuel de mon étude en définissant certains termes, puis en abordant la notion d’alcoolisme, la personnalité alcoolique. Dans un deuxième temps, je développerai un cadre conceptuel et plus particulièrement les notions de psychologie sociale, de représentation et d’influence sociale. Dans un troisième temps, j’exposerai une problématique et mon hypothèse puis mon dispositif d’enquête. Enfin j’analyserai les résultats obtenus et je conclurai.
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Cadre contextuel de l’étude
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L’alcoolisme féminin et la société
La relation ambivalente, parfois gourmande mais souvent conflictuelle, s’est établie entre les femmes et le vin depuis l’antiquité jusqu’à nos jours.
Le vin est la boisson des Dieux qui permet de partager avec eux la connaissance. Nombre de légendes et d’histoires témoignent que cette boisson était consommée aussi bien par les hommes que par les femmes déjà cinq à six siècles avant JC. C’est pourquoi, les tombeaux des reines en Egypte sont souvent décorés de treilles de vigne et les fouilles archéologiques des tombes de princesses galloises révèlent de services à boire. Quant à l’enseignement biblique, dans le nouveau Testament, le vin devient symbole du Sang du Christ, aspect visible de Sa Sainte Présence. Le vin est aussi présent dans les autres religions, y compris l’Islam. Ce breuvage interdit sur Terre est réservé à Dieu et aux Hommes dignes de cette merveille lors de la découverte du Paradis, ce jardin où coulent à profusion des rivières de miel et de vin.
Au Moyen Age, la femme fréquente les tavernes et participe aux orgies où s’écoulent moult chopines de vin. D’ailleurs d’innombrables auberges sont tenues par des femmes souvent veuves.
Le 17ème siècle fut celui du balbutiement de l’industrie mais aussi des débordements de la consommation d’alcool. La noblesse s’enivre à la Cour, le sous-prolétariat féminin de province s’adonne au vin et à l’eau-de-vie. Le vin fait partie de la vie en société de la naissance à la mort. La coutume veut qu’on donne de l’alcool aux femmes en couches pour les fortifier dans l’épreuve ou qu’on calme les nouveaux nés avec une compresse de vin chaud déposé sur le ventre ou qu’on favorise le passage de la vie à la mort avec quelques gouttes de vin de paille.
Le 18ème siècle, dénommé siècle des Lumières, apporte le choix dans les vins. C’est à cette époque que les femmes découvrent le vin de Champagne, réservé à la Cour, mais aussi les vins doux et blancs qui sont synonymes de distinction et d’élégance.
Au 19ème siècle, avec l’époque romantique, les femmes doivent paraître fragiles, donc seules les femmes qui ont le goût de la provocation ou de petite vertu boivent. Boire est un acte trivial laissé aux hommes. L’alcoolisme est synonyme de déchéance morale, marqué du sceau du péché, de la luxure et du vice. Mais c’est également l’époque des premières luttes féminines qui imposent l’idée que boire et fumer symbolise l’égalité entre hommes et femmes. A cette époque, le vin est regardé aussi comme un remède universel. Il est prescrit surtout dans les derniers instants de la vie pour soutenir le plus possible les agonisants.
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Définitions
Selon l’INSERM (Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale), la consommation d’alcool diminue régulièrement en France, cependant la proportion de personnes en difficulté avec l’alcool reste stable à 10% de la population adulte.
L’addiction à l’alcool est une maladie chronique et hautement récidivante en dépit des traitements, notamment en cas d’association avec un terrain anxieux ou dépressif. Elle entraîne de nombreuses complications hépatiques, cardiovasculaires et neurologiques ainsi que des cancers.
L’abstinence est l’action de renoncer à une habitude. Elle peut être liée à des pratiques politiques, sociales ou religieuses. Il existe différents types d’abstinence : l’abstinence à l’alcool, à la drogue, à certaines catégories d’aliments ou totales et plus ou moins longues.
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