Sidi Larbi Cherkaoui
Par Ninoka • 29 Novembre 2017 • 3 130 Mots (13 Pages) • 424 Vues
...
A chaque nouvelle création, il repart à zéro, comme un gamin qui s’émerveille et qui veut avant tout expérimenter et exprimer. Chaque nouvelle création est une recherche pour reconstruire. D’ailleurs il dit que chaque création est une recherche d’un nouveau monde, l’affirmation de nouvelles valeurs, d’une nouvelle façon de voir la vie, et … qu’une fois que cette création est achevée, en général il est déçu, c’est-à-dire qu’il se rend compte que « ce n’est pas tout à fait ça », ou qu’il a évolué depuis le début de la création => il se relance dans une nouvelle création pour aller plus près de son monde, témoigner de « ce en quoi je crois, ce que j’ai envie de défendre ».
Justin Morin (Pèlerinage sur soi) « Il a la ferveur intacte de celui qui concrétise quelque chose qu’il n’avait jamais imaginé pouvoir réaliser. Il a toujours le même élan pour se jeter à l’eau. »
Il aime traiter les interdits, mais considère que l’ « on peut tout faire quand on le fait au bon moment avec le bon ton ». Ex le spectacle « rien de rien », où il met en scène tout ce qui ne peut pas se faire dans une mosquée, mais avec un ton qui rend possible cela. Dans ce spectacle, une phrase écrite en Arabe est le fil rouge du spectacle « Les interdits attisent les envies » qu’il aime à prendre également en sens inverse « les envies amènent l’interdit ».
Il signe la chorégraphie, mais quand il est sur scène, il ne sait pas ce qui va advenir, il n’est pas dans le contrôle mais vit avec les autres danseurs le spectacle, c’est ce qui l’intéresse, il a envie avant tout d’en faire partie, de le vivre.
Plus que le résultat final, c’est le processus à expérimenter qui excite Sidi Larbi Cherkaoui. « Si j’expérimente toujours le même processus, j’ai l’impression que ça m’appauvrit, je suis très flexible».
- Puzzle vertigineux d’une identité en permanente transformation, de plus en plus composite, multiple et beau patchwork greffé des multiples autres peaux de ses partenaires de jeux. » Justin Morin
La domination de soi lui permet de devenir homme-orchestre, interprète complet qui sait danser, faire l’acteur, chanter et même jouer d’un instrument.
Toujours plus heureux d’essayer que de produire, d’apprendre que de reproduire, il amène ses partenaires à une collaboration tranquille et sans complexes, ou chacun arrive avec son monde dans sa propre liberté.
C’est un caméléon qui devient toujours autre et ailleurs.
En guise de conclusion sur ce chapitre, et pour aller vers le suivant, sachez qu’il prône la capacité de l’individu à pratiquer le bonheur, comme on pratique le piano, avec discipline, patience, et diligence. Il affirme que cela l’a rendu heureux ! Pour lui le secret est dans la force de l’engagement, lié à une exigence personnelle.
- La spiritualité dans le mouvement et le souffle (dans son sens archaïque, universel, intemporel)
Pour moi, Cherkaoui est une sorte de philosophe des temps modernes, il y a dans sa réflexion, une vraie profondeur et un questionnement existentiel quotidien qui nourrit et transforme on être en permanence.
« Corps et esprit ne sont qu’une seule et même chose. Cette unité esprit corps est en complète osmose avec les gens qui nous entourent, avec l’univers dans lequel nous vivons. Nous faisons partie d’un tout. Si j’ai un côté spirituel, c’est là qu’il se situe. J’ai l’impression d’absorber le monde qui m’entoure autant que certains éléments de ce monde m’absorbent. Nous absorbons les choses en les regardant, en les écoutant, en les sentant, en les touchant, en les mangeant. Je que j’intègre, ce que je mange, c’est ce qui me crée, me recrée, ou me transforme ».
Lors de la décision du livre Pèlerinage sur soi, l’angoisse de Cherkaoui était de poser un écrit qui « figerait » la réalité d’un instant T, qui est forcément faux ou temporel. Voilà ce qu’il dit au début du livre, j’adore « une pensée dite ou écrite masque toutes celles qui cohabitent simultanément dans nos têtes. Comme un arbre, la pensée se ramifie en plusieurs branches. La parole et l’écriture ne sont qu’un prolongement, elles sont le feuillage qui habille la pensée. L’arbre ainsi formé est parfois difficile à percevoir dans son entièreté puisque les branches jouant la superposition, se camouflent entre elles. Pourtant, nous pouvons parfois lire ou entrevoir les idées parallèles, ces autre bois, dans les silences, dans le ton de la parole, dans le rythme des mots, dans les mouvements du corps qui accompagnent la parole. »
« Nous sommes dans une culture de catégorisation, pourtant il suffit de déplacer légèrement ces cloisons, de les élargir ou les resserrer, pour créer ainsi des espaces mieux définis plus justes. Chaque frontière est perméable et mobile »
Par exemple dans le spectacle « Foi », l’une des scènes commence par un danse africaine qui au fil du temps devient une danse irlandaise. La démonstration aussi qu’en faisant bouger légèrement les lignes les mondes se rejoignent.
« J’aime le mouvement collectif, pareil à une danse, qui se fait dans les mosquées et les églises. Bouger en même temps que les autres est quelque chose d’important dans la vie … Si chaque prière est une danse, alors peut être que chaque danse est une forme de prière »
.
Pour lui, il est important le matin, quand on se lève, d’être capable de conscientiser : en quoi je crois ? et de prendre position, c’est cette prise de position qui permet ensuite de pouvoir en changer.
A chaque spectacle, cherche à aller vers davantage de simplicité, recherche permanente de l’originel.
Les voyages dans lesquels il nous entraine mettent en lumière l’impermanence des choses.
Pour aller vers cet originel, Cherkaoui a des mascottes, des moyens qui l’aident à exprimer, à faire passer l’émotion, la densité, la profondeur, les différents niveaux de lecture qui font la richesse et la complexité de la justesse.
[pic 4]
[pic 5]
---------------------------------------------------------------
- Les spécificités de l’œuvre de Cherkaoui
- La musique dans l’œuvre
...