Mondrian
Par Junecooper • 29 Septembre 2018 • 1 848 Mots (8 Pages) • 562 Vues
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Manhattan, le jaune des taxis et le clignotement chaloupé des néons.
Harmonie dans les proportions. Des rectangles comme notre papier A4 de format international. Ce format a été inventé par Walter Porstmann en 1922, un contemporain de Mondrian. On peut le plier pour retrouver la même proportion à chaque fois, comme les bactéries qui se reproduisent en se coupant en deux. Il est construit sur un rapport de racine de 2 , La feuille A1 dont la surface est 1mètre carré, pliée en deux donne deux A2,
une feuille A2 pliée en deux donne 2 A3 etc. Le rectangle est construit sur un rapport de racine de 2 , il suffit de projeter la diagonale du carré avec un compas. Évidemment on n’échappe pas aux rectangles d’or, construits sur un rapport 1/2+ racine de 5/2, légèrement plus ancien que le papier A4, symbole encore une fois d’harmonie universelle et de beauté. Un rectangle qui contient un carré, et un rectangle de même proportion. Et dans le rectangle, un carré et un rectangle. Deux figures géométriques qui engendrent deux figures géométriques. Reproduction sexuée. Comme nos chromosomes. XX et XY donnent XX et XY en plus petits.
Histoire de se jouer de la mise en abîme des rectangles, Mondrian fait un tableau carré qui contient un carré, construit avec le rapport racine de 2 et Φ. Il s’agit de Composition dans le losange avec quatre lignes jaunes qui date de 1933. Désolée je n’ai pas d’imprimante couleur. Un petit effort d’imagination, la photo du bas représente Mondrian dans son atelier, je vous parle du tableau qui est à la hauteur de son visage. Car il voulait que ces losanges soient accrochés très haut. Nous allons voir comment il est construit. On part du carré 1, je vais dire que les côtés sont de dimension 1. Et on va descendre sur le schéma. On le tourne d’un quart de tour et on construit un nouveau carré dont les côtés sont la diagonale du carré 1. Les côtés sont donc racine de 2 . Maintenant on va revenir en haut, au carré 1 et aller vers la droite. Depuis le milieu du côté on projette la droite MB et on obtient le point F. On construit un rectangle d’or. Le petit côté mesure un le grand mesure phi 1/2+ racine de 5/2. On rallonge le rectangle pour faire un carré de côté phi. On bascule le carré. On le projette sur le carré de coté racine de 2 et voilà
La toile, tournée d’un quart de tour, devient un losange. Les diagonales symbolisent ce qu’il nomme le tragique, c’est à dire l’angoisse d’un monde sans spiritualité. Ces diagonales ne sont pas tracées de la main du peintre. Presque virtuelles, elles suivent les bords de la toile. Le monde, donc. Qu’on voit à travers une fenêtre tragique, la toile. Qui s’ouvre sur les quatre lignes jaunes, nouvelle réalité plastique qui tend vers l’harmonie et la géométrie.
La démonstration est claire, et le tableau devient lumineux. Exceptionnellement dans cette période de sa vie, les lignes sont jaunes, gorgées de lumière. Rien n’est visible à celui qui ne cherche pas
Rien n’est visible à celui qui ne cherche pas. Ce sera ma conclusion. Cet artiste m’a fait beaucoup chercher, et je dois dire qu’à ma 3ème visite de l’exposition, j’ai trouvé son travail émouvant et serein. J’ai été touchée par sa recherche obstinée de sa vérité à lui, c’est à dire de son besoin de représenter l’universel et l’absolu et par les moyens ascétiques qu’il utilise au service de cette cause exigeante.
Ses écrits sont parfois un peu fumeux, la théosophie c’est pas mon truc. L’universel, ça ne me parle pas. Le nombre d’or, le sens de rotation de l’univers, les couleurs primaires, ce ne sont que des vues de l’esprit humain, donc variables en fonction des personnes et de leurs théories. Toute prétention à dire qu’un élément de pensée serait plus qu’un autre conforme à la vraie nature d’un certain élément de la réalité est vaine. On finit toujours par tomber sur du relatif. La gravitation universelle est en contradiction avec la mécanique quantique. Le seul universel que je conçoive, c’est celui des valeurs humaines. L’horloge universelle par exemple. Ou la déclaration universelle des droits de l’homme. Un objet construit par l’homme qui sert de référence humaine universelle. L’harmonie je ne vois non plus. L’harmonie de l’univers encore moins.
L’Absolu, je vois mieux. Ce que me donne à voir Mondrian, c’est son engagement quotidien pour accéder à une spiritualité. Même son lieu de vie en est imprégné. Le Corbusier appelait son atelier parisien « le poème de l’angle droit » . Il a été reconstitué au centre Pompidou. La tension du travail y est palpable, et la quiétude imperturbable. Il n’utilise pas les mêmes moyens que moi, mais le but est le même.
Cette émotion de ressentir quelque chose qui transcende la banalité du quotidien, cette sensation de paix intérieure, de plénitude et de silence, je connais. Pour moi l’Absolu ne se représente pas. A chaque représentation concrète je butte sur du relatif et ça me gêne. L’Absolu, c’est ce qui c’est ce qui n’est pas relatif. Pour citer Comte Sponville « Tant que tu fais une différence entre l’absolu et le relatif, tu es dans le relatif ».Nous sommes ici et maintenant, là dans notre vie, au coeur de l’Absolu, même si nous ne pouvons ni le connaître ni encore moins le représenter. L’absolu se vit. Pleinement dans le présent. Cela passe par une prise en compte de la dimension intérieure la plus sacrée de l’être humain et en même temps par l’immersion dans la vie sociale pour travailler ardemment au progrès de l’humanité
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