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Histoire d'une ancienne route publique: la route de Paris à Sens sur le Plateau Briard

Par   •  25 Août 2018  •  3 190 Mots (13 Pages)  •  543 Vues

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1. Le tracé ancien de la route

Dans son examen des routes du terroir de Paris reliant cette antique civitas à celle des Sénons, M. Roblin avait été amené à privilégier celle de la rive droite de la Seine qui traverse Villeneuve-Saint-Georges et se dirige vers Melun, tout en avouant perdre sa trace entre Villeneuve et Bonneuil-sur-Marne [9]. Un faisceau de données convergentes permet aujourd’hui de reconnaître comme probable, et sans doute plus ancienne que celle de la rive droite de la Seine, la route qui reliait la côte de la Manche à Sens par le plateau briard, dans sa section allant de Paris-Charenton à Créteil, Bonneuil, Brie-Comte-Robert, Nangis et Bray-sur-Seine. La carte archéologique du Val-de-Marne fait état de plusieurs tronçons de voies anciennes qui prennent cette direction [10]. Celle des Gaules de J. Boisseau (1645) la trace, elle aussi, avec continuité jusqu’à Rampillon [11], pour la conduire ensuite, de manière erronée, vers Provins, une orientation tardive liée au développement des foires de Champagne. La carte de Cassini la restitue presque entièrement jusqu’à Bray-sur-Seine, et au-delà, jusqu’à Sens [12]. C’est la même qu’a dessinée J. Mesqui de Paris à Bray-sur-Seine par Nangis [13].

Certes, M. Roblin avait été frappé par l’étendue de la forêt du plateau briard depuis l’époque préhistorique autant que par l’ancienneté des essarts [14]. Il avait déjà noté que les fouilles réalisées dans le secteur le plus anciennement peuplé de Brie-Comte-Robert et dans les alentours apportaient la preuve d’une occupation très antérieure à l’époque gauloise, puisqu’on avait trouvé des haches de pierre et de bronze et un dolmen néolithique [15]. Il ajoutait : « Trois pièces gauloises en potin appartenant au monnayage des Leuques, des Sénons et des Parisii, une vingtaine de pièces romaines en bronze et en argent des règnes d’Auguste, Claude, Vespasien, Posthumus, Maximilien, Constantin, Licinius, Magnence, Valentinien, Gratien et Théodose, recueillies sur tout le territoire communal prouvent l’existence, à Brie, d’un centre commercial important, fréquenté durant tout l’Empire »[16]. Les liens économiques entre Parisii et Sénons intéressaient donc bien le village briard.

Grâce à la carte de Cassini [17], on observe que cette route est jalonnée ou proche de toponymes dits préceltiques ou gaulois [18] : Charenton, Créteil, Bonneuil, Santeny, Brie, Solers, Yèbles, Verneuil, Rampillon, Luisetaines, Vimpelles, Bray-sur-Seine, Compigny, Michery, Sens. La portion de cette route sur le Plateau briard traversait de vastes espaces boisés dans lesquels l’essartage avait débuté dès le Néolithique [19].

Certes, on connaît la fragilité des données de la toponymie. Il semble toutefois que des repères tels que Charenton, Bonneuil, Brie, Solers, Yèbles, Rampillon, Luisetaines, Vimpelles et Bray-sur-Seine échappent à la discussion. Ainsi, notre route prend place parmi les grands itinéraires migratoires tracés en Occident dès le IIe millénaire avant notre ère [20]. Les Proto-Celtes, venus des steppes de la Russie méridionale et dont on ne saurait affirmer l’homogénéité raciale, étaient arrivés par ondes successives au cours du IIIe millénaire dans la vallée de l’Indus, en Mésopotamie, en Asie Mineure et en Grèce. Puis, vers le milieu du second millénaire, dans la vallée du Danube et en Italie du nord. De là, ils avaient gagné l’Allemagne méridionale, la Gaule et, au début du Ier millénaire, ils s’étaient répandus jusqu’en Catalogne et au Portugal, portion de l’ancienne province de Lusitanie.

Cette « marche vers l’ouest » millénaire suppose des routes pédestres, puis roulantes, routes de plateaux, de crêtes, de vallées, peu à peu tracées, affermies, assurées. Les Gaulois les ont reçues en héritage et ils ont remarquablement travaillé à leur perfectionnement comme au développement de leur réseau. Historiens et archéologues ont été depuis longtemps frappés par la rectitude de leurs grandes routes, qui fait supposer, chez eux comme chez les Grecs et les Romains, l’utilisation d’instrument de visée portant des noms grecs, la groma, la dioptra, qui permettaient de relever des points hauts ou des signaux de proche en proche, et d’éviter, dans la mesure du possible, les anomalies de raccordement de niveaux [21]. La chose n’est pas si étonnante qu’on le croirait de prime abord. Nos ancêtres ne vivaient guère en vase clos ; ils savaient utiliser des découvertes et des techniques nées ailleurs ; jamais la Méditerranée n’a séparé les peuples qui animaient ses rivages [22]. Il est vraisemblable qu’on utilisait en Gaule des éléments de la science géométrique hellénique, elle-même fille des sciences mathématiques et astronomiques égypto-babyloniennes.

Le tracé de cette route est toujours reconnaissable de nos jours jusqu’à Nangis. Au-delà, depuis les XIIe –XIIIe siècles, elle court non plus vers les Alpes ou Marseille, mais vers l’est lorrain ou rhénan. Sa fréquentation est surtout assurée par de gros transports routiers, car elle a favorisé sur son parcours l’implantation de zones industrielles actives qui ont elles-mêmes influé sur la population des villes et bourgs qu’elle traverse. On le vérifiera tout au long de notre itinéraire.

2. Ses modifications anciennes et récentes

Trois corrections, dont deux mineures, ont été apportées à son tracé.

La première, majeure, concerne justement le délaissement du tronçon de Nangis à Bray-sur-Seine à partir du milieu du XIIe siècle, en raison de la fréquentation des foires de Champagne à Provins, Troyes et Bar-sur-Aube. Désormais, depuis Nangis, la « grande route » file plein est vers Vanvillé et Provins. Il est vraisemblable que la route de la rive droite de la Seine par Melun jusqu’à Montereau, puis la route de la rive gauche de l’Yonne jusqu’à Sens ont assuré à leur tour le lien entre les vallées de la Seine et de la Saône.

Les deux corrections mineures, du moins celles que l’on peut repérer sur une carte ou qui sont documentées, sont les suivantes :

1. Les déviations à Boissy-Saint-Léger

Les cartes anciennes font apparaître avec netteté que la route – appelée Grande Route -, qui traversait le hameau-rue de Boissy, se poursuivait dans la même direction vers Marolles et Villecresnes à travers la forêt de Grosbois. La déviation qui le contourne par l’ouest en direction de l’entrée actuelle du château de Grosbois existe sur toutes

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