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"Race et histoire" - Claude LEVI STRAUSS

Par   •  1 Janvier 2018  •  2 635 Mots (11 Pages)  •  681 Vues

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C’est arrivé seulement deux fois dans l’histoire pour Lévi-Strauss : lors de la révolution néolithique, et lors de la révolution industrielle. Ce sont des bouleversements parce qu’il y a cumul des innovations sur une courte période. Mais l’intensité du phénomène dépasse les apports des différences races ou cultures et englobe tout le genre humain. L’occident a effectivement su se démarquer en cumulant et améliorant de façon spectaculaire les techniques. Mais le progrès n’est pas pour autant propre à l’occident, l’archéologie a en effet démontré qu’il y a eu simultanéité dans les innovations à plusieurs endroits éloignés. Le progrès est en fait partout, mais on ne peut déterminer objectivement sa valeur à cause de nos préjugés. Avec comme échelle de mesure « notre » révolution industrielle (moment rarissime dans l’histoire), les autres formes de progrès nous apparaissent forcément inférieures. C’est ce qui fait dire à Lévi-Strauss : « Le progrès n’est jamais que le maximum de progrès dans un sens prédéterminé par le goût de chacun. »

D’ailleurs, l’auteur pointe le fait que les histoires les plus cumulatives sont toujours le résultat d’un mélange de cultures et d’influences. L’intérêt d’une culture tient dans ses interactions avec les autres, pas dans ses qualités propres : une culture seule ne représente rien. Bien sûr, l’incompréhension grandit avec l’écart entre deux cultures. Mais la richesse aussi ! L’idée de base est plus que jamais justifiée : aucune race n’est supérieure à une autre. Lévi-Strauss estime de plus que la « civilisation mondiale » qui émerge à son époque devrait prendre la forme d’une association de cultures originales.

Il faut donc entendre la notion de progrès culturel d’un point de vue global, et non au niveau d’un peuple en particulier. Néanmoins, l’auteur relève un danger dans ce processus. En effet, il y a un risque d’homogénéisation du développement de chaque société, ce qui rend de fait la collaboration inutile. Il est alors indispensable de retrouver des écarts (au niveau des états, des classes, des castes) pour recouvrer la diversité initiale. Pour Lévi-Strauss, l’humanité doit se tenir indéfiniment dans ce déséquilibre pour garantir sa survie. Car « c’est le fait de la diversité qui doit être sauvé, non le contenu historique que chaque époque lui a donné et qu'aucune ne saurait perpétuer au-delà d'elle-même. »

II/ CRITIQUE

→ Place de l’ouvrage dans la pensée sociologique (héritages, prolongements)

- Il est tout d’abord intéressant de relever le contexte dans lequel Race et Histoire a été écrit. Ce livre est publié en 1952, suite à une demande de l’UNESCO qui publie plusieurs brochures sur le racisme (question cruciale après la Seconde Guerre Mondiale), présentant notamment la race comme mythe social. Lévi-Strauss, qui n’est alors que peu connu du grand public, s’attache à réfuter la thèse de Gobineau (XIXe siècle), qui proclame la supériorité de la race blanche. Mais il s’attaque aussi à une autre forme de racisme, bien plus subtil et inconscient : l’ethnocentrisme. Ce concept vient de l’ethnologue William Summer en 1907, qui le définit comme le fait de « placer son propre groupe au centre de tout » et de considérer que « les coutumes de son propre groupe sont les seules à être justes ». Plusieurs siècles auparavant, Montaigne ne disait pas autre chose dans les Essais (1595) : « Chacun appelle barbarie ce qui n’est pas de son usage ».- Plus largement, les influences de Lévi-Strauss sont nombreuses : anthropologie (Marcel Mauss), géologie, marxisme, sociologie (Durkheim), psychanalyse (Freud) et structuralisme linguistique (Ferdinand de Saussure, Troubetzkoy, Jakobson).

- Lévi-Strauss est sans doute l’anthropologue dont l’œuvre aura exercé la plus grande influence au XXe siècle. Son nom est indissociable de ce qu’on a à sa suite appelé l’anthropologie structurale. En plus de l’anthropologie et de l’ethnologie (Clastres), il a marqué des domaines aussi variés que la philosophie (Althusser, Foucault, Merleau-Ponty), la linguistique, la sociologie (Bourdieu), ou encore l’histoire.

→ Enjeux empiriques (liens avec l'actualité, les politiques publiques...)

Malgré le peu d’audience publique à sa sortie, Race et histoire s’est imposé comme un livre phare de l’ethnologie et de la lutte contre le racisme en renversant bon nombre d’idées reçues. Que ce soit pour analyser les récents débats sur la place de l’islam en France ou bien le supposé « retard » de certains pays dans la mondialisation, ce livre prend toujours tout son sens aujourd’hui.

Plus largement, en s’attaquant aux préjugés les plus importants de notre temps (le racisme, l’ethnocentrisme, l’idée de progrès), l’argumentation brillante et puissante de Lévi-Strauss est vouée à rester longtemps une référence.

L’auteur le définissait lui-même comme « une petite philosophie à l’usage des fonctionnaires internationaux», l’ouvrage est conçu comme « un essai d’interprétation de la diversité des cultures » qui a pour ambition de chercher « le moyen de réconcilier la notion de progrès et le relativisme culturel. »A sa mort, son successeur au collège de France Phillippe Descola a d’ailleurs eu ce mot : « L'œuvre scientifique considérable de Lévi-Strauss ne doit pas faire oublier l'importance de sa réflexion morale: dénonçant sans relâche l'appauvrissement conjoint de la diversité des cultures et des espèces naturelles, il a toujours vu dans l'anthropologie un instrument critique des préjugés, notamment raciaux, en même temps qu'un moyen de mettre en œuvre un humanisme 'généralisé »L’objectif de cet humanisme n’est pas d’aboutir à une aléatoire « civilisation mondiale » qui nierait les particularismes, mais bien de mettre en avant la diversité des valeurs.

→ Réflexion méthodologique

Dépassant le cadre de Race et histoire, on s’intéressera ici aux fondements méthodologiques de la réflexion de Lévi-Strauss.

Lévi-Strauss est un des fondateurs de l’anthropologie structurale, une méthode de connaissance originale qui a rapidement exercé son influence très au-delà du champ de recherche qui l’a vu naître. Il est grandement influencé par la linguistique de Jakobson, qui estime que la structure d’une langue provient en fait de son système de différences. On peut retenir quatre traits remarquables

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