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Jean-Pierre Olivier de Sardan, la violence faite aux données

Par   •  5 Décembre 2018  •  1 140 Mots (5 Pages)  •  986 Vues

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consiste en une comparaison abusive à d’autres situations, analyses, enquêtes, dans le but de rendre cohérent un ensemble de données, plutôt que d’interroger les contradictions et ambiguïtés. L’inadéquation significative est un piège dans lequel l’anthropologue en particulier peut tomber du fait de l’éloignement culturel de la population étudiée et s’explique par quatre cas : l’incompétence linguistique du chercheur, une traduction inexacte et/ou orientée, le « durcissement » (une exotisation des données), et l’imputation émique abusive, qui se résume par l’attribution aux « indigènes » de motivations, comportements ou logiques fausses mais adaptées aux besoins du chercheur. Ce troisième cas relève d’un certain ethnocentrisme. Ensuite, de Sardan développe sur la généralisation abusive, qui, comme son nom l’indique, est le fait de généraliser une donnée à l’ensemble des données ou un individu au groupe auquel il appartient. Enfin, le « coup du sens caché » se rapporte à une théorie se présentant comme empirique mais qui ne se déploie qu’en dehors de toute empiricité, par l’invocation de principes ou de logiques invérifiables empiriquement. Chacune de ces formes est cumulable à l’une ou plusieurs des autres formes.

Jean-Pierre Olivier de Sardan adopte une position épistémologiquement normative en affirmant que la sur-interprétation est une des plaies de la profession. Cependant, il rappelle que sans prise de risque interprétatif, il n’y a pas de sciences sociales, puisque, par exemple, un purisme méthodologique ou une ethnographie purement descriptives sont inféconds. Ce sont les procédures de cette « nécessaire prise de risque » qui peuvent amener le chercheur vers la sur-interprétation, car si les cinq cas décrits par de Sardan lui apparaissent comme utiles au début de l’analyse, c’est lorsque celle-ci atteint maturité qu’il faut évincer ces erreurs de sur-interprétation. Il s’interroge de ce fait sur l’existence ou non d’une sur-interprétation stérile et une sur-interprétation féconde. Les prises de risques et les sauts interprétatifs raisonnés, s’ils sont à bonne dose mêlés à une argumentation empirique, ne peuvent pas être relayés à la sur-interprétation. Le terme lui-même serait alors ambigu, puisque la sur-interprétation ne concerne pas un excès d’interprétation mais un mépris ou une négligence méthodologique, un « mois-disant » empirique, une absence facile de scientificité de l’analyse. Une question se pose alors : comment faire pour ne pas glisser vers la sur-interprétation ? Selon de Sardan, il faut avoir conscience de ces pièges et exiger une rigueur scientifique tout en conservant une grande vigilance méthodologique. De plus, il faut accepter le débat et la critique au sein de la discipline, notamment concernant le couple interprétation-empirie. Le regard du chercheur vis-à-vis de l’analyse de ses données doit rester critique. Il faut également user du contre-exemple car il revêt un caractère d’argument empirique, en ce sens qu’il permet premièrement d’utiliser les données brutes, mais également car il incite à une interprétation mieux fondée d’un point de vue empirique. Une utilisation du contre-exemple plus tôt dans le travail de recherche permettrait une plus grande efficacité et une plus grande qualité d’interprétation. Enfin, de Sardan plaide pour une enquête collective, affirmant que le risque de sur-interprétation est moins grand.

Jean-Pierre Olivier de Sardan fait ici état de ce qu’il nomme de manière normative un fléau pour la profession : la sur-interprétation des données qualitatives. Cette sur-interprétation se définit non pas par un excès d’interprétation, mais par une absence d’argument empirique et/ou une négligence méthodologique. La sur-interprétation fait ainsi violence aux données. Se distinguant en cinq formes principales, il propose d’y remédier par une vigilance et une rigueur tant scientifiques que méthodologiques, tout en proposant un débat sur le couple empirie-interprétation.

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