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La diversité culturelle au sein de l’OMC : Réflexions sur les entraves au libre-échange

Par   •  28 Septembre 2017  •  6 697 Mots (27 Pages)  •  641 Vues

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L’évolution d’une notion subjective

L’Europe s’est retrouvée ruinée à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, et tandis que la phase de reconstruction se mettait en marche, les accords qui allaient être passés concernant l’aide américaine aux pays européens marquèrent le début de l’opposition des professionnels européens du secteur culturel face à la conception américaine.

Par exemple, en mai 1946 sont signés les accords “Blum-Byrnes” en France, qui vont influer sur la politique de contingentement de l’écran et de diffusion de films américains sur les écrans français. De rédaction étrange, les accords “s’inspirent des accords sur la politique commerciale” entre la France et les États-Unis, et posent comme disposition “qu’à partir du 1er juillet 1946, le contingent à l’écran réservé aux films français sera au maximum de quatre semaines par trimestre[2]”. Ceci semble marquer les volontés américaines de pénétration du marché européen en y brisant les politiques de défense nationale, ce qui provoquera une nette poussée des films américains sur les écrans français. Cette politique de contingentement de l’écran s’exerce sur les films de production nationale, ce qui fait baisser le temps consacré aux films nationaux de 50% à 31% en 1948[3]. Ces accords furent les premiers à soulever une réelle organisation de la part des professionnels face aux choix des gouvernants. En 1948, les accords sont révisés, posant la limite d’exportation de films américains en France à 121, et augmentant le nombre de semaines réservées au cinéma français (5 semaines par trimestre).

À travers cet exemple symptomatique et précurseur des conflits futurs se dessine la difficile équation que doit résoudre l’OMC pour atteindre ses objectifs. Le réel enjeu découlant du GATT, et plus tard des accords de l’OMC, repose sur la classification d’un film : bien ou service? Régime dérogatoire ou commun aux échanges? Ce sont dans ces questions et dans les réponses apportées par les pouvoirs publics européens que se développera la notion de diversité culturelle. L’étude des principes concernant la culture instaurée par le GATT permettra de saisir plus précisément la dualité inhérente à un bien culturel.

Exemples d’articles commerciaux litigieux

La classification juridique du média film dans les accords du GATT exerce une influence concernant les mesures d’aide au cinéma dans les différents pays soumis. En droit international, un film est considéré comme un bien, car l’article IV des accords du GATT fait explicitement référence aux films de cinéma. En effet, cet article se nomme “dispositions spéciales relatives aux films cinématographiques”, et marque directement la difficulté de classifier le cinéma : le film est considéré comme un bien, mais sa projection est considérée comme un service. Concrètement, cela pose une différenciation entre le cinéma, considéré comme un bien, et l’audiovisuel – plus particulièrement les programmes télévisuels – considérés comme une prestation de service. La difficulté réside d’ores et déjà dans les liens très forts unissant le cinéma et l’audiovisuel, jusqu’à une certaine confusion (financement préalable et diffusion ultérieure), s’intégrant donc très mal à cette distinction opérée par le GATT. Pour mieux cerner ce qui est réellement litigieux, il est nécessaire d’observer le rapport entretenu par le cinéma et son mode de financement avec les grands principes du GATT : la clause de la nation la plus favorisée, la clause du traitement national et l’égalité d’accès au marché.

La clause de la nation la plus favorisée renvoie à l’impossibilité pour un État d’avantager un partenaire commercial au détriment d’un autre, il faut une égalité de traitement pour tous les membres de l’organisation.

Le deuxième principe est celui du Traitement national (Art. III du GATT), qui interdit toute mesure discriminatoire à l’encontre des produits importés. Les mesures d’aide des pays de façon indirecte, comme les prélèvements ou les réductions fiscales, pourraient être interdites sous cet angle, comme le montre le litige ayant opposé les États-Unis à la Turquie, concernant une taxation plus élevée pour les films étrangers que la Turquie avait mise en place. Les États-Unis ont demandé la constitution d’un comité d’experts, qui a conduit à une égalisation du niveau de taxation par la Turquie[4].

Le troisième grand principe est celui d’égalité de l’accès au marché et est plutôt relatif à la concurrence, car il concerne la possibilité pour tous d’accéder à un marché, quel qu’il soit.

Mais pour bien saisir les possibilités d’actions offertes en cas de violation de ces principes, voici un extrait d’une lettre de la représentante des États-Unis pour les relations commerciales[5], concernant la directive Télévision sans frontières, en 1989 : “Le gouvernement des États-Unis est sérieusement préoccupé par la directive sur la radiodiffusion télévisuelle (…), nous estimons qu’une telle exigence du contenu local constitue une violation des dispositions NPF (nation la plus favorisée) et Traitement national. De plus, la mise en œuvre de restrictions au droit des producteurs américains de commercialiser leurs produits en vue de la radiodiffusion dans une ambition encore plus libérale : celle d’intégrer les services à ces accords sur les télévisions européennes pourrait facilement être interprétée comme un refus d’accès au marché”. Cette lettre évoque ensuite la mise en place d’une “forteresse Europe” et menace l’Europe de sanctions.

La culture étant depuis toujours considérée comme une industrie singulière, entre art et industrie, difficilement qualifiable juridiquement du fait de son statut (bien puis service), les négociations de l’Uruguay Round envisageront d’intégrer les biens culturels

Le contentieux euro-américain

Les années 90 sont marquées par des batailles juridiques au sein de négociations sur des accords commerciaux, avec l’Uruguay Round, mais également dans l’OCDE, par les accords AMI ayant créé un véritable scandale au point d’être abandonnés par les États-Unis[6]. Moments très médiatisés, cette volonté de protection de la culture a alors imprégné les individus par la virulence des débats. Ils sont d’une importance cruciale, car ont légitimé la notion et l’utilisation ultérieure de la diversité culturelle.

Le bras de

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