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Évolution de la notion de terrorisme en France : Phénomène devenu protéiforme

Par   •  1 Décembre 2018  •  7 788 Mots (32 Pages)  •  416 Vues

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Le choix du vocable Terreur sera fait par les révolutionnaires pour décrire la politique qui est mise en place à cette époque . C'est notamment le Jacobin Royer qui le 30 août 1793 s'exprima ainsi: « Qu’on place la terreur à l’ordre du jour, c’est le seul moyen de donner l’éveil au peuple et de le forcer à se sauver lui-même ».

Robespierre dira également le 5 février 1794 lors de son discours à la tribune nationale que «la terreur n’est autre chose que la justice prompte, sévère, inflexible ; elle est donc une émanation de la vertu ; elle est moins un principe particulier qu’une conséquence du principe général de la démocratie, appliqué aux plus pressants besoins de la patrie» .

La terreur est donc considérée comme utile et juste . La terreur comme vertu est déjà ici l'apparition de son usage rhétorique qui va également caractériser ses dérivés « terrorisme » et « terroriste », termes que chaque terroriste agrémente de valeurs propres à sa situation personnelle. Il s'agit de légitimer l'usage de la terreur dans un but précis . D'ailleurs Edmund Burk se servira de ces termes et surtout de leur connotation péjorative pour critiquer les révolutionnaires français et la Révolution française elle-même.

Il est nécessaire de distinguer les deux mots car dans les faits leur apparition est différée. La première observation scripturale du vocable concerne d'abord le « terroriste ».

C'est dans les écrits de Gracchus Babeuf, journaliste tribun du peuple après la révolution que naît l'adjectif terroriste. Il parlera également de « furorisme » . Cet adepte des néologismes consacre ce terme dans l'un de ses articles daté du 11 septembre 1794 dans le Journal de la Liberté de la Presse. Les terroristes sont alors les partisans de la Terreur . Il critique cet usage de la terreur bien qu'il soit « Robespierriste » . Il crée après la chute de Robespierre la « Conjuration des Égaux » avec Augustin Darthé et d'autres pour lutter contre le gouvernement du Directoire . En mai 1797, Babeuf est guillotiné , est il sera lui même, par l'ironie du sort, qualifié de terroriste. Ses collaborateurs seront également condamnés.

Il apparaît ici clairement l'usage rhétorique du qualificatif terroriste dès sa naissance puisque ce sont les membres du Directoire qui vont qualifier comme tel les condamnés, Babeuf étant lui-même à l'origine de la création du mot .

La première acception est donc un terrorisme étatique certes mais il ne faut pas négliger la singularité directement liée à la création du mot . À cette époque , avant de désigner un terrorisme étatique, le qualificatif terroriste décrit le partisan de la Terreur comme période unique de l'Histoire de France.

C'est pour cette raison que le terroriste naît avant le terrorisme . Si le terroriste est le partisan de la Terreur , le terrorisme désignera par la suite quelque chose de plus vaste que la Terreur révolutionnaire, mais uniquement par la suite. Il s'ensuit donc une sorte de généalogie dans l'apparition des termes : Terreur , puis terroriste et enfin terrorisme. Le terrorisme est un dérivé du mot terroriste et non l'inverse. Ce dernier étant autant voir plus lié à la Terreur qu'à son dérivé.

C'est la cinquième édition du Dictionnaire de l’Académie Française en 1798 qui défini le terrorisme comme « Système, régime de la Terreur ». C'est la véritable naissance française du mot, qui est pour la première fois défini de manière « officielle ». Pour autant il est déjà assez usuel : « En 1795, le terrorisme est mis en musique par Pierre Gaveaux et Souriguières dans la chanson Le Réveil du peuple contre les terroristes. Il apparaît la même année dans l’Oxford English Dictionary, trois ans avant d’entrer dans le Dictionnaire de l’Académie Française »[4].

On parle alors de terreur institutionnelle, la terreur jacobine qui sévit jusque dans les bourgades les plus reculées du territoire national . La cinquième édition du Dictionnaire de l’Académie Française de 1798 définit également le terroriste comme « Agent ou partisan du régime de la Terreur qui avoit lieu par l'abus des mesures révolutionnaires ». Le lien avec le régime des dérives jacobines est donc claire et inéluctable. Le terrorisme désigne alors uniquement le régime de la Terreur révolutionnaire et non un régime quel qu'il soit qui ferait usage de la terreur. La définition est liée au contexte révolutionnaire.

Pour ce qui est du Dictionnaire de l’Académie Française la première évolution apparaîtra dans la huitième édition en 1932 qui relie le terrorisme à l'usage étatique de la terreur( « Régime de terreur politique ») dans un aspect plus généralisé. Le terroriste est le « Partisan, agent d'un régime de terreur ». Les termes terrorisme et terroriste sont absent de la sixième édition de 1835. Il semble donc que le glissement sémantique commence à s'opérer. On passe « du » régime de la Terreur , à « un » régime de terreur. Bien que le régime de la Terreur révolutionnaire soit la mise en place de mesures d'exceptions par un gouvernement pour terroriser les opposants politiques , il y a ici une ouverture , une évolution sémantique. Le qualificatif terroriste se détache de la période la Terreur révolutionnaire en tant que telle. Cela est du à de nombreuses évolutions et à une pluralité d’événements en France mais également à l'international durant le XIXe siècle.

Il y a donc un premier sens lié directement aux origines historiques du mot . Il va falloir attendre un certain temps pour que la définition du terrorisme prenne acte des évolutions factuelles qui débutent très tôt . Cette évolution lexicale de 1932 peut sembler en retard au regard de l'évolution du phénomène terroriste dans les faits historiques. D'autres discrétionnaires constatent d'ailleurs cette évolution bien avant.

Le Nouveau Dictionnaire de la langue française, dictionnaire de Pierre Larousse publié en 1856 définit pareillement le terrorisme comme « Système, régime de la Terreur, en France (1793-94) » et le terroriste comme « partisan du terrorisme ». C'est dans son œuvre suivante Le Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle qu'il est possible d'observer une réelle évolution de la définition du terrorisme . Cette œuvre est parue de 1866 à 1876 en 15 Tomes ( et deux volumes supplémentaires de 1878 et 1888) . C'est dans le Tome 14 daté de 1875 que l'on peut observer que le terrorisme

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