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Le juge a t-il un pouvoir de création en matière pénale ?

Par   •  11 Mai 2018  •  2 668 Mots (11 Pages)  •  616 Vues

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Cependant, cette obligation d’interprétation stricte de la loi, de l’interpréter au sens littéral pose parfois quelques problèmes, notamment face aux imprécisions des textes de loi. Le juge doit donc utiliser des méthodes d’interprétation, pour respecter le principe de légalité.

- Les méthodes d’interprétation de la loi

La méthode initiale, celle des classiques, était la méthode littérale, c’est une sorte de méthode exégèse. Elle enferme le juge dans les limites les plus étroites du texte, il n’a aucun pouvoir créateur que cela soit ex nihilo ou ex materia. Il doit simplement appliquer la loi telle qu’elle existe. Cela part de l’idée que la loi est parfaite. Mais parfois la loi n’est pas assez précise quand elle donne des définitions, et le juge est obligé d’avoir recours à une interprétation plus large que celle donnée strictement dans la lettre. Par exemple, l’article 311-1 du Code pénal définit le vol comme étant la soustraction frauduleuse de la chose d’autrui, mais la notion de soustraction n’est pas très précise, le juge va devoir l’interpréter. Il existe une autre méthode, la méthode analogique qui est strictement prohibée. C’est une méthode qui consiste à étendre une incrimination à un cas que le législateur n’a pas prévu alors qu’il aurait pu. L’exemple le plus célèbre en matière d’analogies est celui des filouteries. La Cour de Cassation cherchait au XIX siècle à qualifier l’infraction qui consistait à partir sans payer d’un restaurant. Cela ne correspondait ni à un vol, ni à une escroquerie, de là elle a créé l’infraction de filouterie, qui a été étendu à la filouterie d’aliments, de transports etc. Mais elle est désormais strictement interdite en France, et par l’article 7 de la CEDH. Le juge ne doit pas aller au delà de la volonté du législateur, comme cela a été confirmé à plusieurs reprises dans les arrêts de la Cour de Cassation (Crim. 24 novembre 1983 et Crim, 1er juin 1977).

Le juge doit donc interpréter la lettre de loi mais doit aussi en cherchait la raison d’être. C’est pourquoi il peut donc utiliser la méthode téléologique. Elle est là pour réparer une erreur matérielle. Il faut cependant que le juge reste fidèle à l’objectif initial du législateur et ne doit pas y apporter une vision subjective. Dans ce but, le juge peut s’appuyer sur les circulaires qui expliquent la volonté du gouvernement. La méthode téléologique pallie par exemples aux absurdités que contiennent parfois certains textes de lois obscurs, dont une interprétation littérale constituerait un abus des juges. Ce fut le cas lors de l’affaire Bailly, où un voyageur descendu d’un train en marche, se défendait en invoquant l’article 78 du décret du 11 novembre 1917 qui prohibait le fait « de monter ou descendre ailleurs que dans les gares, […] et lorsque le train est complètement arrêté ». Cette interdiction était absurde. Le juge a dû interpréter le texte à l’égard de la véritable volonté du législateur, et recherchait le sens initial. Le juge a donc du faire des modifications, et a opéré une correction du texte, pouvant constituer une création ex materia.

Ainsi, le juge pénal est soumis au principe de légalité qui l’oblige notamment à également interpréter strictement la loi, ayant plusieurs méthodes à sa disposition, dont la plus efficace reste la méthode téléologique. Cependant, cette méthode a pu connaître quelques exemples parfois offensifs envers le principe d’interprétation stricte et de légalité, qui peuvent être considérés comme une des démarches de modulation de ce principe.

II Le juge détenteur de pouvoir de modulation ou de création ex materia

Suite à l’évolution des valeurs sociales et à une interprétation par voie téléologique parfois offensive, on peut constater une sorte de déclin du principe de légalité (A). De plus, le juge dispose déjà dans certains cadres spécifiques un pouvoir plus large que la seule interprétation (B).

A) Vers un déclin du principe de l’interprétation stricte de la loi pénale

Le droit pénal est le droit du crime qui est un phénomène social, répondant aux valeurs de la société, qui évoluent. Il est donc logique que certains textes « anciens » soient critiqués de nos jours. Le législateur doit créer une loi claire et précise, mais cette précision ne doit pas être trop exhaustive non plus. En effet, si le législateur essaye de prévoir tous les possibilités différentes de réaliser une même infraction, en les citant toutes, il risque de ne pas prévoir des possibilités qui ne seront développées que dans le futur, car les moyens, les technologies seront plus développés, ou les citoyens seraient tout simplement plus inventifs. Cependant, parfois en voulant éviter une trop grande précision, le législateur écrit des textes clairs, mais dépassés par les évolutions technologiques, et le juge doit donc raisonner par analogie. Ce fut le cas en matière de vol avec l’apparition de l’électricité, qui a été considérée par la suite comme une « chose d’autrui », pouvant être volée. La méthode analogique est également tolérée si elle est in favorem comme ce fut le cas avec l’article 64 de l’ancien Code pénal qui a étendu la non responsabilité pénale des déments en matière de crimes et de délits aux contraventions.

Ce genre de problèmes sociétaux de plus en plus nombreux, sont parfois source d’arrêts assez offensifs envers le principe de légalité. La méthode téléologique connaît en effet quelques dérives, selon l’avis d’une certaine partie de la doctrine, qui permettent de passer d’une interprétation de la loi à une modulation de cette dernière. Si l’on reprend l’exemple du vol, le terme de « soustraction frauduleuse » a été très étendu par les juges. Par exemple, en cas de soustraction temporaire, la Cour de cassation a estimé que du moment que l’emprunt n’était pas consenti cela constituait un vol. Le juge pénal a bien étendu le champ d’application de la loi, compétence normalement réservée au législateur. La méthode téléologique laisse une place à la subjectivité, car le juge peut très bien sous prétexte de rechercher la volonté du législateur, assigner sa propre volonté, et émettre un jugement de valeur en passant au delà du texte. On retrouve notamment ce problème dans l’arrêt de l’Assemblée plénière du 29 juin 2001 relatif à l’homicide involontaire sur l’enfant à naître. L’article 221-6 du Code pénal qui réprime le fait de causer la mort à autrui n’exclut

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