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La démocratie en Amérique

Par   •  2 Décembre 2018  •  1 845 Mots (8 Pages)  •  322 Vues

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Résultat, ce despote empêche « les esprits les plus originaux, les âmes les plus vigoureuses » d’émerger. Il « rend moins utile et plus rare l’emploi du libre-arbitre », « l’égalité a préparé les hommes à toutes ces choses… souvent même à les regarder comme un bienfait ». Deuxième étage de la démonstration : l’égalité contre la liberté, et donc contre le dynamisme social.

Moins fort chez nos voisins occidentaux (Allemagne, Etats-Unis, Espagne postfranquiste, Italie) dont la forme fédérale ou décentralisée d’organisation politique atténue l’acuité du sujet, la dispute sur l’Etat et la centralisation est un débat de trois siècles en France. Depuis le contrôle de la France par la monarchie absolue de Louis XIV et Colbert, en passant par la querelle entre jacobins et girondins, les empires napoléoniens jusqu’à la mise en cause par certains de la Vème République, le questionnement sur la place de l’Etat dans ce pays est récurrent. On notera que les « libéraux », la famille de Tocqueville, plaident pour moins d’Etat, plus de décentralisation, qui selon eux permettraient un meilleur dynamisme économique, social et politique. Les tenants de l’égalité, quant à eux, défendent un Etat fort, tutélaire, arbitre, protecteurs des plus faibles. Mais atténué on retrouve ce débat dans tous les pays occidentaux, chacun avec sa culture. L’opposition H. Clinton/D. Trump portait sur des thématiques proches. Le pays le plus équilibré dans cette opposition semble être l’Allemagne.

La solidité d’une démocratie, tout comme celle des règles sociales, tient sans doute à un équilibre entre liberté et égalité, un Etat responsable et qui a les moyens d’exister dans un monde complexe et difficile, mais qui sait déléguer au plus près des citoyens pour la vie quotidienne. A ce titre, le débat sur l’Europe est intéressant. Certainement le gouvernement de l’Europe est trop loin des citoyens européens. Il ne prend pas assez en compte la réalité des terrains et ne sait pas expliquer et convaincre. Et pourtant, sans doute, dans un monde agité, avec de grandes puissances parfois agressives, et souvent impérialistes, les pays européens ont besoin d’une Europe « forte », sans laquelle ils existeront de moins en moins dans la prise de décision globale… nain politique bien que géant économique. Centralisme contre égalité… toujours le même débat.

Interrogé par des enfants sur la différence entre droite et gauche, pendant la campagne électorale, E. Macron, en simplifiant, vu l’âge de ses interlocuteurs, a répondu que c’était deux grands courants de l’histoire de la pensée française, l’un plus tourné vers la liberté, l’autre vers l’égalité, deux courants que la République voulait réconcilier avec la fraternité. Peut-être cet aspect social des choses manque-t-il à la réflexion de Tocqueville.

III - Le « Despotisme démocratique »

Il reste que la réflexion de Tocqueville, telle que menée dans ce texte, ne peut mener qu’au pire, le « despotisme démocratique », celui qui s’établit « à l’ombre de la souveraineté du peuple ». Cette partie de la réflexion dénote-t-elle, mais il a prévenu qu’il poussait sa réflexion au plus loin, un réel pessimisme de l’auteur ? Le texte a parfois des relents du « Meilleur des mondes » d’A. Huxley. Un régime de servitude qui se combine avec « quelques-unes des formes de la liberté ». Quel mécanisme le permet-il ? Tocqueville avance un rapprochement, digne d’une réflexion philosophique sur le bien et le mal, la double tendance des citoyens « à être conduits », mais à vouloir rester libres. D’où un système politique qui combinerait pouvoir fort, centralisé, mais élu au suffrage des citoyens. Un tuteur choisi, un despote central désigné par la souveraineté populaire. La liberté est diminuée par la volonté du peuple lui-même.

Pessimiste Tocqueville ? Voire… A la lecture du texte remontent en mémoire l’élection d’Hitler, l’incendie du Reichstag et le pire régime de l’histoire contemporaine de l’humanité. On pense aussi au centralisme démocratique soviétique et à la dictature du prolétariat, à la Révolution culturelle et au régime communiste chinois qui se termine dans le massacre de la Place Tien-An-Men, aux despotes de tous les continents élus avec plus de 90% des suffrages, au risque que fait peser le régime de la Corée du Nord. Pessimiste ou visionnaire Tocqueville ?

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Au-delà d’un texte très sombre, « De la Démocratie en Amérique » est un des premiers ouvrages qui, au milieu du 19ème siècle, décrit et défend la montée de cette nouvelle forme de régime politique qu’est la démocratie contemporaine. Il en analyse les forces et les faiblesses. Il en analyse l’adaptation aux différentes cultures, américaine, européenne, russe. Cette analyse est toujours d’actualité et il est étonnant de voir à quel point l’ouvrage est actuel.

« La démocratie est le pire des régimes à l’exception de tous les autres » disait Winston Churchill. La démocratie est certainement un régime complexe, aux équilibres difficiles, entre liberté et égalité, entre pouvoir central et pouvoirs locaux, entre jouissance et vertu. « De la Démocratie en Amérique » l’illustre. Mais la démocratie reste, à ce jour, malgré ses insuffisances et les risques qu’elle comporte, le seul régime où toutes et tous peuvent trouver leur place, leur voie et leur épanouissement.

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