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La disparition progressive des Lois de Police

Par   •  21 Juin 2018  •  3 871 Mots (16 Pages)  •  605 Vues

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- La loi de police, un protectionnisme juridique étatique

Le fonctionnement étatique est basé sur sa capacité à légiférer souverainement, et prendre toute décision de sa propre initiative ; ainsi, pour préserver son modèle politique, un Etat cherchera à protéger ses intérêts au travers de la force de ses lois de police qui se révèlent être de plus en plus foisonnantes (A). Mais malgré l’apparente force du principe, ces lois impératives sont, depuis le nouveau Règlement européen et les jurisprudences récentes, en déclins, et contournables au profit de règles estimées plus favorables à l’intérêt des parties (B).

- Le nécessaire respect d’une législation souveraine

Comme indiqué en introduction, l’idée sous-jacente des lois de police repose sur la souveraineté des États, mais ce constat manque de précision. Il faut rappeler que cette souveraineté a pour fondement l’expression de la volonté des peuples, qui se traduit alors dans les démocraties occidentales par sa représentation au parlement et à la politique législative consacrée. De ce rappel, il peut être affirmé que le principe d’impérativité des lois d’application immédiate provient de la volonté de l’État, qui exige le respect au niveau international de sa politique législative définie par les élus d’une nation libre. Pour être clair, il va s’agir d’une loi jugée comme particulièrement importante pour un État.

Lois de police et politiques législatives sont donc intrinsèquement liées ; il est question de prendre en compte des données tirées de l’efficacité de la politique législative poursuivie par cette loi, dès le stade de la détermination du droit applicable à une situation internationale donnée. Une telle nécessité se répercute alors dans le rapport international contractuel, et notamment avec le principe de la loi d’autonomie pour, 2 raisons :

Tout d’abord la loi de police permet un nécessaire contrepoids à cette loi d’autonomie, dans laquelle les parties à un contrat peuvent lui choisir une loi applicable. Il y aurait dans le cas contraire un potentiel évitement d’une politique législative ; sans loi de police, ce potentiel se réaliserait chaque fois que la loi du pays en question serait évincée par une clause choisissant la loi d’un autre Etat n’adoptant pas la même politique. La loi d’application immédiate permet alors de faire prévaloir les considérations d’efficacité d’une politique législative poursuivie.

Cette volonté de protection face à un contrat soumis à une loi étrangère, choisie par les parties, se reflète dans l’arrêt de la Cour de cassation de la Chambre mixte du 30 Novembre 2007, affaire dite Agintis. Ici, la Cour a permis l’application d’une loi de police à l’action directe d’un sous-traitant contre un maitre d’ouvrage concernant la construction d’un immeuble. En l’espèce, il y avait une importance économique telle que la loi de police française ne pouvait être écartée ; c’est alors que dans l’esprit de la Cour de cassation, le mécanisme des lois de police satisfait à un besoin de prise en compte des considérations tirées de l’efficacité des politiques législatives. Il est d’ailleurs intéressant de noter, comme on peut le constater dans cet arrêt, que la loi de police semble davantage identifiable par son entorse aux règles de conflits bilatérales qu’à son contenu propre ; l’impérativité interne énoncée serait davantage liée à une notion de « degré » qu’à une notion de « nature », comme le souligne le professeur en Droit International privé, Yvon Loussouarn.

Ensuite, dans un souci contemporain trouvé aux lois d’application immédiate, il y aurait aussi une véritable mission de protection de l’État de la partie faible d’un contrat, où la partie considérée comme forte ne doit pas pouvoir évincer librement certaines règles. Le principe d’autonomie, s’il n’était pas limité, permettrait à la partie forte d’imposer au cocontractant le choix d’une loi non-égalitaire. La méthode des lois de police permet de réserver cette application des lois protectrices par l’État. Dans cette protection, il y a le mélange d’un élément d’organisation sociale ou économique impératif au souci de protection individuelle.

Ainsi, les juges du for révèlent des principes jugés comme impératifs à la sauvegarde de l’État pour la résolution d’un conflit international. Mais il pourrait être soulevé avec, par exemple, le même cas de la sous-traitance, que, potentiellement, cette protection des sous-traitants établie en France pourrait présenter d’une part une discrimination à l’égard de parties étrangères qui n’en bénéficieront pas au regard du champ d’application de la loi de police, et d’autre part une entrave à la liberté économique. Dans un contexte où le Droit semble se vouloir plus fédéralisant et homogène, le caractère protectionniste dérogatoire des lois de police ne semble pas répondre à la confiance mutuelle visée.

Afin d’éviter toute dérive nationaliste des États en Droit international, plusieurs stratagèmes ont alors été mis en place par le Règlement ROME I et la jurisprudence récente venant affaiblir l’impérativité des lois d’application immédiate.

- Une impérativité nationale en déclin, son contournement devenu possible

Par le biais d’une convention et de décisions judicaires récentes, les lois de police sont sujettes à un important cloisonnement et à un contournement rendu possible.

En effet, dans un premier temps, c’est le Règlement du 17 Novembre 2008 de l’Union européenne qui est venu restreindre les pouvoirs du juge national. L’article 9 du Règlement a donné une définition stricte aux lois de police avec une application réduite ; la notion s’est rétrécie considérablement entrainant les juges du for à un amoindrissement de leur capacité d’action et de dérogation au régime ordinairement applicable du conflit de loi. C’est d’ailleurs pourquoi les juges étatiques essayent d’utiliser le plus fréquemment possible la notion, précédemment citée, qui est celle de la partie faible du contrat, pour maintenir une certaine applicabilité des lois de police. Il peut être soulevé que cette transformation par le Règlement est en adéquation avec la volonté de fédéralisation du Droit et la prévisibilité accrue du régime juridique du contrat international ; et c’est pourquoi, dans cette même volonté, que les auteurs du règlement ont affaibli la possibilité d’application d’une

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