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Commentaire de décision du Conseil constitutionnel, 6 novembre 1962.

Par   •  29 Mai 2018  •  3 107 Mots (13 Pages)  •  766 Vues

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Si la Constitution n’institue aucune distinction entre loi référendaire et loi parlementaire en la matière, le Conseil, dans son quatrième considérant, expose que la loi organique du 7 novembre 1958 sur le Conseil constitutionnel est beaucoup plus restrictive. Fondant son analyse sur les articles 17 et 23 de ladite loi, il explique que visiblement seules sont susceptibles d’être soumises à son contrôle les « "lois adoptées par le Parlement" ». Dès lors, il en déduit que « les lois que la Constitution a entendu viser dans son article 61 sont uniquement les lois votées par le Parlement ».

En somme, par interprétation de la Constitution, précisée par la loi organique, le Conseil constitutionnel n’accepte de connaître que de l’activité normative des Assemblées, qu’il s’agisse de lois organiques ou de lois ordinaires, et par conséquent refuse de contrôler l’activité normative du peuple exprimée par la voie du referendum. Le Conseil constitutionnel a donc logiquement refusé de répondre à la demande formulée par le président du Sénat.

(Transition) Néanmoins, le Conseil constitutionnel précise bien que cette conception limitatrice de ses compétences est le fruit d’une interprétation de la Constitution étant donné la formulation peu explicite de l’article 61. Il tire cette interprétation de la loi organique mais aussi et surtout de l’esprit plus que de la lettre de la Constitution. En effet, il ne peut contrôler que les lois parlementaires car les constituants de 1958 ont entendu en faire essentiellement un organe régulateur des pouvoirs publics.

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B)Une mission spécifique : le Conseil comme organe régulateur des pouvoirs publics

L’interprétation limitative de ses compétences par le Conseil repose sur l’argumentation suivante : « il résulte de l'esprit de la Constitution […] [que le] Conseil constitutionnel [est] un organe régulateur de l'activité des pouvoirs publics ». Ainsi, le Conseil donne lui-même une définition générale de sa mission qui ne figure pas textuellement dans le titre VII de la Constitution qui lui est consacré, mais qui résulterait, selon lui, de l’esprit imprimé par les constituants de 1958 au texte constitutionnel. En effet, la création du Conseil constitutionnel en 1958 était étroitement liée à une volonté de rationalisation du parlementarisme et à une nouvelle répartition des compétences entre le Parlement et le Gouvernement afin de remédier au régime d’assemblée caractéristique des IIIe et IVe Républiques. L’objectif était plus spécifiquement de soumettre le législateur à un corps de règles constitutionnelles avec un mécanisme juridictionnellement organisé pour assurer la prééminence de la Constitution sur la loi. Ainsi le Conseil était conçu comme le « chien de garde de l’Exécutif » selon les termes de Michel Debré, père de la Ve République, autrement dit comme l’organe destiné à maintenir l’équilibre politique et à préserver l’Exécutif des empiètements du pouvoir législatif.

De ce fait, fidèle à la conception traditionnelle, le Conseil constitutionnel se définit lui-même comme « un organe régulateur de l’activité des pouvoirs publics », c’est-à-dire de l’Exécutif et du Législatif, et seulement de cette activité. Il est vrai que le droit constitutionnel institutionnel, c’est-à-dire l’ensemble des règles qui déterminent le fonctionnement des institutions et les relations entre les pouvoirs publics, constitue l’objet traditionnel de la Constitution. Dès lors, c’est pourquoi son activité se concentre autour du contrôle de la loi parlementaire. Le referendum ne peut être considéré comme faisant partie de l’activité des pouvoirs publics car, comme il l’explique, il représente « l’expression directe de la souveraineté nationale ». Le Conseil sous-entend ainsi que l’activité du Parlement n’en constitue que l’expression indirecte. Ainsi le peuple ne peut compter au nombre des pouvoirs publics car il est souverain, les pouvoirs publics n’étant que les délégataires de cette souveraineté au service du peuple. En conséquence le contrôle de l’activité législative du peuple ne s’inscrit pas dans la mission conférée au Conseil constitutionnel et limitée au contrôle de l’activité des pouvoirs publics.

(Transition) En optant pour une interprétation limitatrice de ses compétences et de sa mission, et par conséquent en refusant de contrôler les lois référendaires, le Conseil constitutionnel consacre et même sacralise la notion de souveraineté du peuple inhérente à la démocratie. D’ailleurs, en tant que régulateur des pouvoirs publics, le Conseil est un élément clé de l’État de droit en ce qu’il assure le respect du principe de séparation des pouvoirs et par là même la démocratie en préservant la liberté des citoyens de tout abus de pouvoir. Ainsi, cette décision peut également être perçue comme un choix délibéré du Conseil de se présenter comme un protecteur de la démocratie.

II/ L’injusticiabilité de la loi référendaire : vers un rôle de protecteur de la démocratie

(Chapeau)

La seconde justification de l’incompétence du Conseil constitutionnel pour contrôler la constitutionnalité des lois référendaires, outre son rôle limité, tient au fait qu’il ne s’estime pas légitime face au referendum en ce qu’il représente la souveraineté du peuple (A). Cette décision représente ainsi le point de départ d’une jurisprudence constante du Conseil d’autant plus lorsque le peuple (directement ou indirectement) incarne le pouvoir constituant (B).

A)Une impuissance face à la légitimité référendaire : la sacralisation de la souveraineté du peuple

Si le Conseil est spécialement compétent pour contrôler les lois parlementaires, c’est-à-dire l’expression indirecte du peuple en vertu de la souveraineté nationale, en revanche il refuse de se déclarer compétent pour vérifier la constitutionnalité des lois référendaires, autrement dit des lois « adoptées par le peuple à la suite d’un referendum » car elles « constituent l’expression directe de la souveraineté nationale ». Ainsi, le Conseil ne fait qu’appliquer la conception de la souveraineté nationale, et par extension de la démocratie, posée par l’article 3 de la Constitution. Or, en faisant valoir que la loi référendaire est « l’expression directe de la souveraineté nationale », le Conseil

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