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Commentaire d'un document historique

Par   •  25 Septembre 2018  •  3 690 Mots (15 Pages)  •  472 Vues

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Ces citoyens peuvent alors être définis comme des hommes qui possèdent des droits imprescriptibles, inaliénables et sacrés.

Cette condition serait la base de toute société humaine, leur mépris est invoqué comme l'explication des « malheurs publics et la corruption des gouvernements » en 1789 et plus généralement des « malheurs du monde » en 1793. Les deux déclarations fixent ainsi la base d'une nouvelle société, qui se place en rupture avec l'Ancien Régime en s'inspirant de valeurs libérales.

Le préambule des deux déclarations invoque des droits « naturels » mais « inaliénables », ils ne doivent pas être rejeté dans un avant de l'état social.

Cette notion de droits naturels vient certes des Lumières mais on sait aussi que les constituants de 1789 étaient influencés par la Déclaration d'Indépendance des Etats-Unis (1776). Le projet de Lafayette qui date du 11 juillet est ainsi fortement imprégné de l'exemple américain. En fait, les constituants ont écrit leur Déclaration en la comparant avec celle des Etats-Unis, tout en étant conscients des différences, ils ont voulu écrire une meilleure Déclaration, qui convenait mieux à la France.

Les notions de liberté, d'égalité, de propriété, de sûreté, de résistance à l'oppression (article I et II en 1789, article II-XXXIII en 1793) sont ainsi d'inspiration libérale. En effet, on retrouve bien cette tétralogie chez Locke dans son Essai sur l'entendement humain. Les Déclarations de 1789 et de 1793 décrivent donc un homme à l'état de nature qui jouit de droits fondamentaux (liberté, égalité) et qui en passant à l'état civil en acquiert d'autres (sûreté, propriété, résistance à l'oppression). Les deux déclarations définissent donc le peuple (la société) comme un ensemble d'individus subordonnés mais non pas asservis, à un Etat, plus abstrait dans la Déclaration de 1789 que dans celle de 1793. En fait, si la déclaration de 1789 paraît moins populaire que celle de 1793 c'est bien parce qu'elle ne définit pas de régime démocratique.

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En effet, on peut comprendre « peuple » dans son acception politique et l'assimiler à Nation. On passe donc dans ce cas là d'un système où la représentation nationale n'est que théorique, à une représentation qui prône ouvertement le suffrage universel direct. La prépondérance de l'égalité sur la liberté découle logiquement de cette volonté d'instaurer un état démocratique, idée anachronique en 1789.

La première déclaration parle de « représentants du peuple français » tandis que la deuxième évoque « le peuple français ». En effet, la deuxième déclaration souhaite effacer l'idée d'une Assemblée Nationale qui instaura le suffrage censitaire via la Constitution de 1791, afin de mettre en place une démocratie politique. On comprend mieux la différence entre les deux déclarations si on s'intéresse au principe de souveraineté. L'article III en 1789 évoque une « souveraineté nationale » tandis que l'article XXV de la Déclaration de 1793 avance le concept de « souveraineté populaire ». Elle identifie comme souverain le peuple, au sens de la somme de tous les individus, par opposition à la nation, corps abstrait. L'Etat n'est donc pas défini dans la Déclaration de 1789, puisque les constituants sont pour la plupart, à l'image de Mirabeau, partisans d'une monarchie constitutionnelle. L'accent est donc mis sur l'individu est ses intérêts (conception éminemment bourgeoise), et l'Etat est compris d'un point de vue largement instrumental.

C'est bien pourquoi l'article II parle d'une « association politique » et non de la « société » (article I de la Déclaration de 1793). En 1793, l'Etat est devenu l'unique instance de réalisation authentique du citoyen vertueux.

L'homme doit participer au peuple, c'est à dire adhérer sans restriction au Jacobinisme.

La déclaration de 1793 peut ainsi instaurer la notion de « bonheur commun», qu'elle inscrit dans l'article premier pour lui donner une valeur fondamentale. La déclaration de 1789 n'évoquait que le « bonheur de tous » qui émanait du respect de la constitution à venir. D'une société individualiste avec un Etat abstrait on serait passés à une société civile avec un Etat fort, d'une institution « politique » (préambule de 1789), à une institution « sociale » (préambule de 1793).

Paradoxalement, c'est le légicentrisme bourgeois de 1789 qui a pu faire naître une telle évolution de la conception de l'Etat. En effet, la première déclaration est motivée par le désir de séparer les pouvoirs, à l'instar de la proposition de Montesquieu dans De l'esprit des lois (1758), au livre XI, afin de mettre fin à l'absolutisme de l'Ancien Régime. Elle pouvait ainsi poser la prépondérance du législatif sur l'exécutif, pour asseoir sa légitimité et celle des constituants. La déclaration de 1793 ne fait aucune mention de la séparation des pouvoirs, le préambule évoque « le magistrat », « le législateur », comme si les pouvoirs devaient être ramenés à des personnes exerçant des fonctions plutôt qu'à des notions abstraites. On sent ainsi poindre une volonté d'introduire les citoyens dans le processus législatif.

En effet, la déclaration de 1789 est très légicentrée. Cela s'explique par la volonté de garantir des libertés individuelles, au détriment d'une égalité entre les individus. Elle place donc la liberté en avant dans son article premier, et dans son article II tandis que l'article II de la deuxième déclaration choisit l'égalité. La première déclaration souhaitait se bâtir sur la garantie de la liberté, et formalisait même l'inégalité sociale puisqu'elle avance l'idée « d'utilité commune » dans l'article premier.

Les constituants de 1789 ont en effet d'ores et déjà en tête la proposition de Sièyes en 1791 selon laquelle le vote est une fonction (et non un droit), et que seuls les citoyens ayant les capacités (intelligence, niveau économique) peuvent l'exercer. Cette conception exclut les citoyens appartenant à la sans-culotterie parisienne (le « petit peuple »), qui a triomphé le 10 août 1792 en prenant les Tuileries et a fait chuter la monarchie. La convention montagnarde de 1793 doit donc tenir compte de

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