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Arrêt du 29 octobre 2004

Par   •  30 Novembre 2018  •  3 141 Mots (13 Pages)  •  939 Vues

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Toutefois, elle opérait une distinction. En effet, la convention était valable si son auteur avait voulu adoucir la rupture, réparer le préjudice causé par une séduction dolosive ou s’acquitter d’un devoir de conscience ou de reconnaissance (voir arrêt de la Cour de cassation du 11 mars 1918). Mais, elles étaient, au contraire, annulées pour immoralité de sa cause, si le débiteur avait eu en vue de la formation, la continuation, la reprise ou la rétribution des relations, comme l’énonçait la première chambre civile de la cour de cassation dans les arrêts du 3 Février 1976 (l’attitude du débiteur avait en vue de servir le maintien de leurs relations adultères), ou du 10 Janvier 1979 (la libéralité est viciée lorsqu’elle a eu lieu entre personnes entretenant des relations intimes hors du mariage en vue de l’établissement et de la continuation intéressé de ces relations).

La jurisprudence se basait généralement sur la théorie de la cause immorale pour annuler les libéralités entre concubins. Cette jurisprudence fit l'objet de nombreuses critiques. On pouvait en effet lui reprocher de reposer sur une analyse a posteriori des intentions du disposant, qui risquait d'être influencée par les conceptions personnelles des magistrats. De plus, le recours à la cause immorale était devenu illogique à une époque où la reconnaissance des enfants adultérins était reconnue, où la Cour de cassation accordait réparation à la concubine en cas de décès accidentel de son concubin sans s'embarrasser de l'immoralité du concubinage. Si bien qu’un revirement de jurisprudence s’imposait.

C’est ainsi que le 3 février 1999, la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence, (sous le visa des articles 1131 et 1132 du Code civil), dans lequel la première chambre civile de la Cour de cassation a décidé que « n'est pas contraire aux bonnes mœurs la cause de la libéralité dont l'auteur entend maintenir la relation adultère qu'il entretient avec le bénéficiaire » (Cass. 1re civ., 3 févr. 1999). Cet arrêt atteste d’une rupture flagrante avec la jurisprudence antérieure. En plus de prendre en compte les problèmes liés aux libéralités entre concubins, l’arrêt va plus loin puisqu'il ne fait pas que valider ces dernières, il valide également celles consenties entre concubins adultères, au mépris des obligations du mariage.

Cette décision a été le point de départ d’un changement social de la justice. En effet, quelques mois après cet arrêt, le concubinage venait prendre place dans le Code civil avec la loi n ° 99- 944 du 15 novembre 1999, à l'article 515- 8, presque deux siècles après en avoir été fermement écarté par les rédacteurs du Code. Ces évènements démontrent l’intention de la Cour de cassation, mais aussi de la justice en général ainsi que du législateur, de s’adapter à la société, perpétuellement en mouvement.

Ainsi, face à la résistance de la Cour d'appel de renvoi, qui a décidé de maintenir la nullité du legs adultère malgré la cassation du premier arrêt d'appel (CA de Paris, 9 janvier 2002), l'Assemblée plénière tranche sans ambiguïté en faveur de la position défendue par la première chambre civile. En décidant que « n’est pas nulle comme ayant une cause contraire aux bonnes mœurs la libéralité consentie à l’occasion d’une relation adultère », l’Assemblée plénière de la Cour de cassation a pleinement rompu avec sa jurisprudence traditionnelle. On peut, toutefois, noter que la Cour de cassation a écarté toute condition visant à encadrer ces libéralités. En effet, dans l’arrêt de 1999, la cause de la libéralité n’était pas contraire aux bonnes mœurs dès lors que cette libéralité visait à « maintenir » la relation. A l’inverse, l’Assemblée plénière, dans son arrêt de 2004, utilise une formule plus générale, en employant, dans son attendu de principe, la formule « à l’occasion d’une relation adultère ».

La Cour de cassation, qui cherche à consolider un revirement assez récent, s’inscrit, également, dans une démarche d’évolution jurisprudentielle, et même juridique, qui a notamment débuté avec la décriminalisation de l’adultère (loi du 11 juillet 1975). Ainsi, la décision de la Cour de cassation n’est pas surprenante dès lors qu’elle s’inscrit dans un mouvement d’évolution sociale qui aura de très nombreuses répercussions.

- Les conséquences de la licéité de la cause de la libéralité

Cette décision, motivée par des conceptions modernes d’adaptation aux évolutions sociales, a nettement affectée la notion de bonnes mœurs (A) ce qui a eu pour conséquence de fragiliser l’institution du mariage (B).

- La notion de bonne mœurs affectée par la décision de la Cour de cassation

Par cette décision, confirmant l’arrêt rendu par sa première chambre civile : déclarant la cause licite, la Cour de cassation réaffirme sa volonté de s’adapter aux changements sociaux.

Cette solution porte un coup dur à la notion de bonnes mœurs, qui tombe peu à peu en désuétude comme le souligne Madame le professeur Fenouillet (Les bonnes mœurs sont mortes ! Vive l'ordre public philanthropique ! Mélanges en l'honneur de P. Catala). La notion de bonnes mœurs est au cœur de l’arrêt. En effet, la Cour de cassation a dû s’interroger sur la conformité de la cause de la libéralité aux bonnes mœurs. Comme on l’a vu précédemment, les article 1131 et 1133 anciens, du code civil condamnent la cause lorsque celle-ci est illicite, et donc contraire aux bonnes mœurs. Le problème qu’il s’est posé, c’est que la notion de « bonnes mœurs » n’est pas définie par le législateur. Si l’on s’en tient aux dictionnaires, les bonnes mœurs évoquent « des habitudes naturelles ou acquises relatives à la pratique du bien au point de vue de la conscience et de la loi naturelle », ce sont donc « des règles imposées par la morale en un temps donné » (dictionnaire juridique, Catherine Puigelier).

Comme il a déjà été dit ; cette notion est évolutive, et ce que nous prouve l’arrêt également. N’étant pas définies par le législateur, étant variables dans le temps, en constante évolution, les bonnes mœurs sont donc soumises à l’appréciation du juge, dont le rôle normatif est considérable dans le domaine. Or, la notion de bonnes mœurs au sens de l’ordre public moral est, en droit positif de l’époque, et encore plus aujourd’hui, en régression.

L’arrêt étudié participe au déclin de la notion.

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