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Arrêt Manoukian

Par   •  5 Novembre 2018  •  2 014 Mots (9 Pages)  •  415 Vues

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Mais quand est-il du sort du tiers contractant ?

B) Position de la Cour de Cassation sur le sort du tiers contractant.

Pour que la responsabilité du tiers contractant soit engagée il est nécessaire que la société Les complices ait commis un comportement fautif à l’égard de la société Alain Manoukian sur le fondement de l’article 1382 du code civil, à savoir « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

Ici, la société Alain Manoukian estimait que le fait de contracter en sachant que le contrat conclu implique une rupture fautive des pourparlers, est une faute, que le tiers contractant se doit de réparer. La Cour de cassation rejette le pourvoi en posant le principe général selon lequel le simple fait de contracter, même en connaissance de cause, avec une personne ayant engagé des pourparlers avec un tiers ne constitue pas, en lui même et sauf s’il est dicté par l’intention de nuire ou s’accompagne de manoeuvres frauduleuses, une faute à engager la responsabilité de son auteur.

La cour de cassation sous-entend donc que la société Les Complices ne savaient peut être pas que d’autres négociations étaient en cours. Cependant, elle précise que même si cela avait été le cas cette dernière aurait été hors de cause.

En revanche, elle introduit des exceptions, d’abord l’intention de nuire, et ensuite les manoeuvres frauduleuses. Si l’une de ces deux limites est franchi, la faute du tiers contractant peut être établît sa responsabilité délictuelle engagée. Ainsi, la cour de cassation pose une règle équilibrée qui respecte les droits de la concurrence et la liberté de contracter tout en permettant la sanction de comportements abusifs.

Maintenant, il sera bon de s’intéresser sur les conditions du préjudice subi (II).

II) Les conditions de réparation du préjudice subi.

Nous verrons d’abord la réparation du préjudice résultant de la faute dans la rupture (A), puis le refus de la Cour de Cassation d’indemniser la perte de chance de conclure le contrat (B).

A) La réparation du préjudice résultant de la faute dans la rupture.

Il n’existe pas de présomption de faute à la charge de celui qui rompt les pourparlers. En principe, la décision de mettre un terme aux négociations n’est pas elle-même fautive. En conséquence, la recherche de la responsabilité de l’auteur de la rupture suppose une faute prouvée, la charge de cette preuve pesant sur la partie victime.

Pour déterminer une faute éventuelle dans la rupture des pourparlers, les tribunaux peuvent retenir, soient les conditions subjectives de la rupture, soit les conditions objectives. En général, les juges observent les conditions subjectives de la faute à savoir : l’intention de nuire, la mauvaise foi, la brutalité de la rupture, la croyance légitime de l’autre partie.

Dans notre cas d’espèce, la Cour de Cassation admet que la faute résulte dans la non divulgation de négociations parallèles opérées par les cédants et la société Les Complices. De ce fait, la société Alain Manoukian était en droit de penser que les cédants étaient toujours disposés à lui céder leurs actions. En effet, les actionnaires de la société Stuck, qui avaient conduit des négociations parallèles aves la société Les Complices, n’ont informés la société Alain Manoukian de cet accord que 14 jours après sa signature, tout en continuant à laisser croire que seul l’absence de l’expert comptable de la société retardait la signature du protocole. Il y a donc bien une attente légitime de la part de la société Alain Manoukian à l’aboutissement des discussions en cours.

Dans la jurisprudence en générale, la rupture des pourparlers devient de moins en moins acceptable à mesure que les discussions avancent et qu’augmente la croyance de l’autre partie en la bonne fin de l’opération. Cette croyance peut, en effet, conduire le négociateur à agir sans attendre la conclusion du contrat, c’est à dire à accomplir des actes, à engager des frais, tels des déplacements lointains, des études et des audits couteux, des aménagements ou dévoiler un secret etc.. En revanche, si la liberté est de principe dans le domaine des relations précontractuelles, y compris la liberté de rompre à tout moment les pourparlers, il n’en demeure pas moins vrai que lorsque ces derniers ont atteint en durée et en intensité un niveau suffisant pour faire croire légitimement à une partie que l’autre est sur le point de conclure et, partant, pour l’inciter à certaines dépenses, la rupture est alors fautive. Elle cause alors un préjudice et donne lieu à réparations.

Maintenant, étudions ce qu’il est en de la perte de chance de conclure le contrat.

B) Le refus d’indemnisation d’une perte de chance de conclure un contrat.

Afin d’indemniser la victime de la rupture, les tribunaux avaient recours dans le passé à la notion de perte de chance, à condition que celle-ci soit sérieuse : quand la conclusion du contrat était trop aléatoire, il n’y avait pas de faute véritable à rompre les discussions et la chance était trop incertaine pour que sa perte soit indemnisable. Si, au contraire, la conclusion du contrat était probable, la jurisprudence y voyait un préjudice certain et n’hésitait pas à octroyer une indemnisation pour perte de chance.

La jurisprudence relative à l’indemnisation de la perte de chance s’appliquait donc à la rupture de pourparlers. Cette tendance a changé à l’examen de récentes décisions. La perte d’une chance de conclure un contrat ne semble plus être indemnisable, au profit du préjudice correspondant aux dépenses supportées par l’acquéreur évincé.

C’est la position qu’ont retenu tant la Cour d’Appel que la Cour de cassation dans l’affaire Alain Manoukian.

Ainsi en finalité, la Cour de Cassation considère dans cette affaire, que le préjudice correspond aux dépenses engagées par la société Alain Manoukian dans le cadre des discussions, et non à la perte de chance de ne pas avoir pu acquérir les actions de la société Stuck.

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