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Pascal, Pensées (1658-1662)

Par   •  13 Juillet 2018  •  4 930 Mots (20 Pages)  •  518 Vues

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- (l. 3 à 5) Le Prince est le plus mal placé pour savoir ce qui se dit de lui car il n’est pas dans l’intérêt de ses sujets d’être sincères avec lui.

L’analyse morale que propose Pascal des conduites des Grands en société se double d’une analyse politique qui met à nu les ressorts psychologiques du pouvoir politique. Alors que l’on pourrait penser que celui qui détient le pouvoir suprême jouit de la position la plus envieuse étant donné que celle-ci ne dépend d’aucune autre personne, Pascal considère la situation du Prince comme une véritable malédiction. Bien que le Prince se trouve à la tête de l’Etat et qu’il détient le monopole du pouvoir et de l’autorité suprême, il n’en reste pas moins la personne à qui l’on ment le plus. C’est que plus un homme est puissant, et plus son entourage immédiat sera enclin à taire les maux qui l’accablent, du moins en sa présence. Toutes sortes de rumeurs et de calomnies pourront être colportées sur sa personne sans qu’il n’en sache rien. Etant donné que le prince possède la position la plus éminente au sein de l’Etat, il est la personne la plus influente de son royaume de qui dépend le sort de la condition des Grands. S’il est humiliant de savoir que la position sociale qui a été obtenue l’a été par quelqu’un d’autre de plus puissant, il est toujours possible de rendre cette humiliation moins cuisante en se moquant et en ridiculisant en privé les défauts et les faiblesses de celui dont dépend la condition sociale obtenue. C’est pourquoi sitôt que le prince a le dos tourné « il sera la fable », c’est-à-dire la risée, « de toute l’Europe, et lui seul n’en saura rien ». Il est intéressant de noter que l’exercice du pouvoir semble isoler le prince de ses sujets et de leurs préoccupations quotidiennes non pas tant parce qu’il se désintéresserait de leur sort mais parce qu’il s’entourerait de conseillers et de courtisans qui, par leurs flatteries et leur fausseté, l’empêcherait de prendre connaissance des réalités politiques et sociales se rapportant à son royaume.

- (l. 5 à 6) C’est au Prince que l’on ment le plus car les puissants préfèrent le flatter et défendre leurs intérêts que les siens.

Pascal emploie la première personne du singulier pour insister sur le caractère objectif de ce qu’il a pu observer de la psychologie humaine. Il n’y a pas lieu de s’étonner à ce que le prince soit la personne qui soit la plus mal placée pour savoir ce que l’on pense d’elle. Pascal fait de nouveau une observation d’ordre psychologique : il ne va de soi de dire la vérité car elle est certainement utile pour celui à qui elle est destinée mais elle peut être désavantageuse pour celui qui la divulgue. Ils prennent le risque de se faire haïr de celui à qui ils ont osé dire la vérité. En effet, toute vérité n’est pas bonne à dire car elle dévoile des défauts et des conduites que les personnes concernées auraient préféré oublier ou ignorer de ceux qui en sont l’auteur. Personne n’aime se voir jugé moralement pour ce qu’il a fait de mal, dit ou pensé à tort. La plupart des hommes souhaitent garder secret leurs vices et les exactions commises au cours de leur existence. Malheur à celui qui chercherait à remettre en question les conduites des Grands et qui aurait le courage de dénoncer leurs abus et leurs vices, il courrait le risque de se voir haï et combattu jusqu’à la mort. L’histoire humaine montre comment les sages et les saints finissent en général quand ils consacrent leur vie à la recherche de la vérité en invitant leurs semblables à mener une vie plus honnête, loyale et sincère. Dans l’Apologie de Socrate, Platon montre comment son maître a été injustement condamné à mort pour avoir montré que les hommes puissants et savants de la cité croyaient savoir alors qu’ils ne savaient pas. Le problème est que ceux qui vivent dans l’entourage du prince, ses conseillers ou les courtisans ne sont pas animés par la recherche du bien commun, de l’intérêt supérieur du royaume mais ils poursuivent leurs propres ambitions personnelles et leurs propres intérêts égoïstes. Ils préfèrent servir leurs intérêts que ceux du prince et ceux du royaume. Ils redoutent de pouvoir servir avantageusement leur prince en prenant le risque de se nuire à eux-mêmes. Personne ne veut prendre le risque de se faire détester du prince s’il venait à lui dire des vérités déplaisantes sur sa personne et la manière dont il exerce le pouvoir. Dès lors, l’attitude la plus répandue parmi ceux qui côtoient le prince est la flatterie et la dissimulation. Il ne faut rien dire qui serait susceptible de blesser l’amour propre du prince, mais, au contraire, chercher en toutes choses à s’attirer ses faveurs et ne jamais s’aventurer à tenir des propos qui pourrait éventuellement provoquer sa colère et son hostilité. L’exercice du pouvoir politique repose donc sur une tromperie et une dissimulation généralisée dont le ressort psychologique principal est l’amour-propre du prince et de ses sujets. Le prince prête souvent son oreille aux conseillers les plus audacieux à le séduire et à le flatter en espérant avoir en retour certains avantages. Tous ceux qui servent le prince s’efforce de lui renvoyer l’image d’un prince puissant et infaillible tout en connaissant ses défauts et ses faiblesses dans la fonction qu’il occupe. Loin de l’aider à s’amender et à améliorer le gouvernement de son royaume, ils finissent par le conforter dans son amour-propre et ses erreurs de jugement qui peuvent avoir des conséquences politiques dramatiques pour son royaume. Si Pascal a expliqué pourquoi les rapports humains pouvaient être aussi mensongers et faux dans la classe dominante, et tout particulièrement ceux qui existaient entre le prince et ses sujets, doit-on en conclure que dans toutes les classes sociales inférieures les hommes entretiennent entre eux des relations sincères, honnêtes et véridiques ?

II. (l. 7 à 13) L’hypocrisie et le mensonge sont présents dans tous les aspects de vie humaine.

- (l.7 à 8) Ce n’est pas seulement au sein de la classe dominante que les rapports sont mensongers, c’est le cas aussi, dans une moindre mesure, dans toutes les classes sociales.

S’il ne fait aucun doute que l’hypocrisie et le mensonge atteint une gravité inégalée dans l’entourage du prince au point de le rendre complètement ignorant de ce que ses sujets pensent véritablement de lui, cette situation n’est pas cependant limitée à la seule classe dominante. En réalité, c’est l’ensemble de la société qui est atteint par le même mal du mensonge,

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