Philippe Mary - Les figures du risque -

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Nous l’avons vu, l’auteur démontre la mise en place d’une politique « illusionniste », d’une politique cinématographique, une dimension symbolique et communicationnelle, plus qu’effective. Le politique vise l’image, plutôt que l’efficacité, mais il change en profondeur le rapport de l’individu au crime et à sa place dans la société. En effet, le justiciable doit se placer dans de l’autocontrôle, d’après l’auteur. On transfère la responsabilité de sa propre vie au justiciable, l’État n’est plus un soutien. Le justiciable doit faire des choix et les assumer, « il lui reviendra de démontrer sa volonté de se réinsérer […] sinon […] il l’aura bien cherché [la prison] ».[13]

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Critique :

Un article qui colle à la réalité. Philippe Mary nous apporte une analyse fine du phénomène d’État sécuritaire, voir pénal (Wacquant, 2004) qui se développe depuis plusieurs années. Ce changement de paradigme est analysé pour la Belgique, mais est applicable à l’ensemble des pays occidentaux ; ce qui se reflète dans la bibliographie multiculturelle de l’auteur. De plus, les figures « du » risque qu’il développe se transforme en figure « de » risque dans nos sociétés modernes. L’illégalisme privilégié (Acosta, 1988) qu’il soulève existe de plus en plus dans nos systèmes pénaux.

Sur les caractéristiques des figures du risque, Mary tombe encore juste. Exemple en est sur la mesure d’exception qui devient la règle en France. L’état d’urgence déclaré en novembre 2015 a été prolongé jusqu’en mai 2016 pour le parlement français et une réforme constitutionnelle est en cours d’examen ; l’exception devenant la règle !

Sur la justice actuarielle, que l’auteur évoque sans approfondir, nous ne pouvons que soulever la pertinence de cette analyse. De facto, une analyse de terrain, au Canada, montre cet effet grandissant de l’analyse statistique qui stigmatise les détenus permettant le contrôle institutionnel et obligeant l’autocontrôle individuel (Vacheret, 2006). L’analyse de Mary est donc transfrontalière et démontre bien que le but de la société n’est plus de transformer l’individu, mais de le classer pour le responsabiliser ; l’individu ne change pas, mais s’adapte à la situation (Vacheret, 2006).

Si nous pouvons regretter que l’analyse n’aille pas plus loin dans la comparaison entre pays, que celle-ci ne se révèle pas universelle de prime abord, nous pouvons saluer sa finesse et sa justesse. Montrer le passage d’un paradigme social à celui de sécuritaire, démontrer le caractère symbolique des actions de politiques pénales, pour arriver à exposer l’autocontrôle des justiciables imposé par l’État, voilà ce qu’a réussi Philippe Mary.

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Bibliographie :

Acosta, F. (1988). À propos des illégalismes privilégiés. Réflexions conceptuelles et mise en contexte. Criminologie, 21 (1), 7-34.

Barrata, A. (1991). Les fonctions instrumentales et les fonctions symboliques du droit pénal. Déviance et société, 1, 19.

Bigo, D. (2002). L’impact des mesures antiterroristes sur l’équilibre entre liberté et sécurité et sur la cohésion sociale en France (219-247). In F. Bribosia et A. Weyembergh (eds.). Lutte contre le terrorisme et droits fondamentaux. Bruxelles, Némesis-Bruylant.

Mary, P. (2005). Les figures du risque et de l’insécurité. L’impact sur le contrôle. Informations sociales, 6 (126), 16-25.

Vacheret, M. (2006). Gestion de la peine et maintien de l’ordre dans les institutions fédérales canadiennes. Contrôle, pouvoir et domination : les « réussites » de la prison. Déviance et société, 30 (3), 289-304.

Wacquant, L. (2004). Punir les pauvres. Le nouveau gouvernement de l’insécurité sociale. Paris : Agone, 69- 91.

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