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Faut-il avoir peur du progrès technique ?

Par   •  24 Mai 2018  •  2 681 Mots (11 Pages)  •  1 835 Vues

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Ces dangers portent d’abord sur nos conditions d’existence (problèmes écologiques : pollutions diverses, réchauffement de la planète, trou dans la couche d’ozone, disparitions d’espèces animales et végétales qui mettent en péril les écosystèmes, etc. ) et menacent la santé et la vie humaines (problèmes de la qualité et de la sécurité de l’alimentation, multiplication et sophistication des armes nucléaires, chimiques, biologiques, objets de trafics denses et obscurs. Mais ce sont aussi les valeurs (justice ; liberté par ex.) et l’identité humaines qui sont menacées : le clonage (risque d’eugénisme), aggravation des inégalités entre pays riches et pays pauvres ( et tous les désastres humains que cela engendre), aggravation de la domination des détenteurs de la puissance technique (qui est synonyme de puissance militaire et économique, et donc aussi d’hégémonie culturelle et politique), réseaux de trafics en tout genre (armes, drogues, mais aussi femmes et enfants traités comme des marchandises) qui se développent et s’organisent grâce aux moyens modernes de communication (internet) et échappent aux autorités ; menaces pour la liberté de la vie privée (systèmes de surveillance en tout genre : par la vidéo, Internet, le téléphone, ou même nos cartes bleues, etc.).

Plus profondément, c’est la difficile maîtrise du développement technique et la technodépendance qui constituent le plus grand danger. En effet, tous ces dangers viennent de ce que nous ne pouvons pas prévoir les conséquences de nos actes : la nature étant tellement complexe et notre action sur elle est tellement fréquente et puissante, que ces conséquences nous échappent (« réactions en chaîne »). Nous n’avons pas les capacités techniques de détruire les déchets nucléaires, de contrôler efficacement les trafics qui fleurissent sur Internet. Autrement dit, ce n’est pas le « trop » de technique qui nous rend fragiles, mais bien un manque de technique. Le danger suprême apparaît alors : le développement technique appelle le développement technique… (Ex : la crainte du BUG de l’an 2000). Il semble alors que nous n’ayons plus le choix : nous ne pouvons pas revenir en arrière, et devons aller dans le sens d’une sophistication et d’une prolifération toujours plus grandes des techniques… et attendre passivement, fatalement, que nos solutions d’aujourd’hui aux problèmes d’hier, soient les problèmes de demain. Sommes-nous « maîtres et possesseurs » du progrès technique, ou est-ce lui qui devient pour lui-même « causa sui » ?

Il semble difficile aujourd’hui, d’un point de vue psychologique, de pouvoir dire « non » à telle ou telle innovation technologique. « Qui dira non aux sondes spatiales ? » écrit Jacques Ellul, mais aussi au nucléaire… car toute technique peut s’avérer utile ! Ainsi, une des conséquences dangereuses de ce progrès est l’idéologie technicienne de nos sociétés « développées » : à la manière d’Heidegger, nous pouvons nous inquiéter de la conception instrumentale et utilitaire du monde et des rapports humains qui accompagnent ce progrès : aujourd’hui, tout est marchandise, matière première à exploiter, à transformer selon nos désirs les plus fous. Même l’être humain devient matière première, on le remodèle comme une simple chose (clonage, eugénisme), on fait du commerce avec ses organes. Nous sommes dans une logique (technicienne) de l’efficacité, de la rentabilité, qui prime sur les valeurs humaines. Les décisions politiques sont bien souvent dépendantes du pouvoir des experts, et le point de vue technique (comment faire ?) domine le point de vue moral (devons-nous le faire ?) ; l’ordre social lui-même se « fabrique » sur le modèle de la grande industrie (division du travail entre les « penseurs » et les exécutants, automatisation, surveillance, rentabilité..), et la recherche scientifique elle aussi est guidée par la visée d’applications techniques lucratives ( ce qu’on appelle la « techno-science »)… Comment pouvons nous dire « non » au D.T si nos consciences sont ainsi soumises à l’idéologie technicienne ? La puissance d’attraction et de séduction de la technique vient de ce qu’elle répond à nos désirs : qui dira non aux tests prénataux, qui engendrent une forme d’eugénisme que l’on pratique de fait, tout en le désapprouvant moralement? Qui ne désire pas avoir un enfant en bonne santé ? ET ce désir n’est-il pas légitime ?

On voudrait dire que le progrès technique n’est pas dangereux s’il est entre de « bonnes mains »… mais on serait dans l’erreur. Dira-t-on de l’alpiniste aussi expérimenté soit-il, qui gravit 6000 mètres sous la neige, que son loisir n’est pas dangereux ? Par ailleurs, nous ne sommes pas en mesure de garantir qu’il soit ou reste « entre de bonnes mains » : les innovations techniques sont plus rapides que le travail des législateurs et que la réflexion morale (qui vient toujours « après coup »), et les brevets se vendent avant même qu’on ait débattu démocratiquement de leurs finalités…. Mais si le danger est réel, la peur est-elle pour autant souhaitable ? Cette émotion nous permet-elle de minimiser les risques et de soumettre la rationalité technique (usage calculé des moyens) à la rationalité morale et philosophique (réflexion sur les fins) ?

III- CETTE PEUR N’EST PAS POURTANT SOUHAITABLE

Dire qu’il « faut » avoir peur suppose que la peur soit un moyen adéquat pour réaliser un objectif déterminé. Qu’attendons-nous donc de la peur ? Qu’elle entraîne une attitude responsable, une plus grande prudence, un effort de lucidité par rapport aux dangers, qu’elle nous pousse à soumettre nos désirs immédiats (séduits par la technique) à la raison (est-ce vraiment bon pour moi, pour le bien commun, pour la planète ?).Mais est-ce vraiment le cas ?

La peur n’engendre pas forcément une attitude responsable. En effet, bien des citoyens ont réellement peur, assis devant la télé, spectateurs des « dégâts » du P.T, sans pour autant changer, sur le plan individuel, leur comportement : ma voiture n’est pas responsable de la pollution !Par ailleurs les pressions économiques qui agissent sur les responsables politiques ont tôt fait de privilégier le court terme (c’est lucratif) au long terme (après tout, les déchets nucléaires, c’est pour les générations futures, ce ne sera plus notre problème…). Dans ces deux exemples, nous remarquons que la peur n’est pas accompagnée de la conscience de notre responsabilité : bien au contraire, notre peur traduit précisément le sentiment que le danger ne dépend pas de nous, qu’il y a une fatalité dans

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