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Vers un abandon de la théorie de loi écran ?

Par   •  16 Mai 2018  •  3 590 Mots (15 Pages)  •  742 Vues

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de cette question délicate à l’occasion de la loi Weil. Dans l’arrêt « I.V.G » du 15 janvier 1975, il refuse de vérifier la conformité de la loi Weil envers la C.E.D.H en rejetant l’idée d’englober les traités dans les normes de référence du contrôle de constitutionnalité. Il estime sa mission limitée à la vérification de la conformité des lois à la constitution. Cependant nous trouvant dans un état de droit, un contrôle de conformité entre loi et traité est nécessaire. Par la décision « I.V.G », le Conseil Constitutionnel adresse une invitation implicite aux juridictions ordinaires. Il leur recommandent d’abandonner leur position initiale et de s’autoriser à vérifier la compatibilité d’un un traité en vigueur avec une loi postérieure. La cour de cassation accepte très vite l’invitation en se reconnaissant compétent à ce contrôle de conventionalité par l’arrêt « Société des cafés Jacques Vabres » du 24 mai 1975. Quand au juge administratif, celui-ci est bien plus conservateur en droit international. Plus méfiant le Conseil d’Etat finira par changer sa jurisprudence seulement en 1989.

Face à une position fragile le Conseil d’Etat, le 20 octobre 1989, rend son illustre arrêt « Nicolo ». Cet arrêt marque une étape décisive. Le juge administratif abandonne la jurisprudence « Semoule de France » en suivant l’avis de son commissaire du gouvernement, Mr Frydman, qui avait estimé que les arguments en faveur de la théorie de la loi écran avaient « quelque peu perdus leur force ». Par la décision « Nicolo », le juge administratif admet pour la première fois son habilité à effectuer un contrôle de compatibilité d’un traité à une loi qu’elle soit postérieure à celui-ci ou non. Tout acte administratif qui respecte la loi plutôt que le traité sera donc annulé ou déclaré illégal. Désormais il s’agit bien d’un rapport hiérarchique de supériorité du traité sur la loi. Pour le commissaire du gouvernement Stahl, cet arrêt est une véritable « révolution copernicienne ». Si solution de l’arrêt « Nicolo » ne vaut que pour les traités européens, par la suite c’est l’ensemble du droit de l’Union Européenne qui va prévaloir sur la loi. Ainsi le CE affirme la prévalence des règlements communautaires sur les lois nationales (arrêt « Boisdet ») des directives (Arrêt « SA Rothmand International France et SA Philip Morris France ») ainsi que les principes généraux du droit de l’Union Européenne. (P.G.D). La jurisprudence « Nicolo » ira plus loin que l’Union Européenne en s’étendant à l’ensemble du droit international. Cependant, il refuse de faire prévaloir les coutumes internationales ainsi que les PGD du droit international.

L’arrêt  « Nicolo » introduit donc un contrôle de conventionalité permettant la levée de l’écran législatif. La disparation de cet écran législatif en droit international n’est pas dénuée de conséquences.

Les conséquences de la tombée de l’écran législatif en droit international sur le pouvoir du juge administratif

Le contrôle du juge administratif ne revient qu’à un contrôle de constitutionnalité par voie d’exception, ainsi la loi retenue comme contraire à la convention ne sera jamais abrogée et le juge administratif ne se bornera qu’à l’écarter au cas d’espèce. Cependant il est inévitable de se poser la question d’une possible concurrence du Conseil Constitutionnel par le Conseil d’Etat. En effet, ce contrôle de conventionalité s’apparente dans une large mesure au contrôle de constitutionnalité. Les normes de références dans leurs contenus seront souvent identiques. C’est le cas pour la protection des droits fondamentaux. On a des droits qui sont établis dans la constitution ainsi que dans quelques traités intégrés dans l’ordre juridique interne français. Dans le contenu on retrouvera les mêmes normes. Il est alors possible d’aboutir à une confusion entre le contrôle de conventionalité effectué par les juges ordinaires et le contrôle de constitutionnalité réservé au conseil constitutionnel. Le contrôle de conventionalité s’approche, peut être dangereusement, d’un contrôle de constitutionnalité par voie d’exception. L’arrêt « Nicolo » ne serait-il pas une stratégie du Conseil d’Etat dans le but de rivaliser avec le Conseil Constitutionnel ? Le fait que le Conseil d’Etat s’autorise à faire un contrôle de conventionalité des lois mais non un contrôle de constitutionnalité pose un problème quand à la hiérarchie des normes. Par ce paradoxe, on peut être amené à se demander si la norme suprême du contentieux administrative ne serait-elle non pas la constitution mais la convention internationale ? Aussi, le fait que les juges ordinaires exercent désormais un contrôle de conventionalité peut poser question quand à l’article 10 de la « Loi de séparation des autorités de 1790 ». Celui-ci faisait acte de l’interdiction faite au juge d’empêcher l’exécution des actes du pouvoir législatif. Pour palier cette concurrence et dissiper cette confusion, il faudrait opérer un revirement de la jurisprudence du Conseil Constitutionnel du 15 janvier 1975. Il aurait compétence pour juger aussi bien de la conventionalité que de la constitutionnalité des lois, s’assurant ainsi une compétence globale. Mais la « Loi de modernisation des institutions de la Ve République » a écarté l’idée de confier également au Conseil Constitutionnel le contrôle de conventionalité des lois, surement en partie expliquée par la peur de raviver une « guerre des juges ».

Le juge administratif voit son rôle s’accroitre en acceptant de procéder au contrôle de conventionalité des lois. Ce rôle éteint l’écran législatif mais par la complexité du jeu des normes de référence apparaissent de nouveaux écrans prouvant que la hiérarchie des normes présentée comme simple par Hanz Kelsen est loin d’être linéaire. Il est possible qu’une norme constitutionnelle fasse écran entre un acte administratif et une convention internationale. On parle alors d’écran constitutionnel. L’acte administratif est pris sur le fondement d’une disposition constitutionnelle mais méconnait une norme internationale. Le Conseil d’Etat estimera dans son arrêt « Sarran » du 30 octobre 1998 que dans cette hypothèse l’acte administratif n’est pas censurée par le juge administratif car couvert par son fondement constitutionnel. Un autre cas de figure apporte un obstacle quand à la censure de l’acte administratif : l’écran conventionnel. Ici, c’est la norme internationale qui fait écran entre un acte administratif et la constitution.

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